Vincent, le Centre National du Cyclisme a été présenté à la presse il y a huit jours. Qu’est-ce que cela va changer pour le DTN que vous êtes ?
Quand on a des lieux éclatés de préparation, le challenge réside dans le fait que les gens se parlent et partagent. Quand on a une unité de lieu, la capacité de regrouper ces équipes pour qu’elles puissent travailler ensemble, c’est un luxe. On va essayer de créer cette dynamique pour que la piste, le BMX, la route et le VTT puissent se regrouper dans des stages de formation, mais aussi qu’il y ait des réunions régulières des entraîneurs nationaux. Cela me permettra de partager avec eux chaque mois, de faire le bilan du mois qui s’est passé, de voir quels sont les outils de recherche que l’on souhaite mettre en place communément. Derrière le côté managérial, il y a un côté financier aussi. On ne se disperse plus, on se regroupe.

Vous ne mentionnez pas le cyclo-cross. Pourquoi ?
A Saint-Quentin, il y a un terrain de jeu derrière le complexe qui peut être fabuleux. Quand je parle de route, j’ai tendance à l’associer avec le cyclo-cross. C’est peut-être le défaut d’une discipline non olympique, mais c’est une discipline historique de la FFC qui mérite que l’on s’en occupe fortement. Nous aborderons petit à petit cette question du cyclo-cross. Peut-être dans le cadre d’organisation de compétitions juste derrière le vélodrome.

Comment va vivre ce vélodrome au quotidien ?
Nous aurons des permanents en entraînement avec le groupe de Justin Grace et d’Hervé Dagorne. Il y aura aussi beaucoup de stages en matière de préparation d’évaluation des équipes de France. La quasi totalité des outils sera mise à disposition pour que nos coaches et nos chercheurs aient les moyens d’évaluer les performances de nos athlètes. Il nous permettra ainsi de préparer les grands événements. Nous aurons notre chez-nous avec cette assise qui permettra de mutualiser et dynamiser l’ensemble de nos collectifs.

Cette structure permettra-t-elle à la France d’être candidate aux Championnats d’Europe et aux Championnats du Monde ?
Oui, cela va se faire de façon progressive. On commencera par le Championnat de France dès octobre 2014 avant de s’ouvrir vers les compétitions européennes puis les Championnats du Monde. Aller vers le Graal et s’inscrire dans les calendriers UCI pour qu’au bout du compte, on fasse savoir que l’on est capables d’organiser en France.

La réussite du vélodrome de Roubaix vous rend-elle confiant pour celui de Saint-Quentin-en-Yvelines ?
La réussite, oui, le modèle aussi, mais il ne faut pas que l’on s’arrête là si on a un équipement de cette qualité. L’augmentation de l’activité et la mise en place de nouveaux programmes sont importantes pour faire connaître la discipline, mais il faut que cela soit un facteur de développement. Derrière, il faut créer des clubs, des licences, des services au cœur même de la FFC. Aujourd’hui, au-delà de la préparation sportive de nos athlètes de haut niveau, je crois qu’il faut qu’on prenne ce type d’équipements comme des bases de développement à de beaux programmes sur l’ensemble du territoire français. Essayons de nous associer avec les beaux bijoux qu’il y a en France comme Roubaix, Bordeaux ou Hyères. Aujourd’hui, c’est un programme de développement dont il s’agira et dont il faudra que je sois, en tant que DTN, la courroie de transmission.

Pourtant, il y a une trentaine d’années, le lancement de la piste de Bercy avait été un échec…
On a souvent opposé le haut niveau et le développement. Aujourd’hui, le haut niveau est le moteur du développement. Mais il faut par contre que l’on soit dans une dynamique d’écriture de nos projets de développement avec l’ensemble des acteurs capables de porter des projets sur ce type d’équipements. Il faut que l’on se fixe des projets, qu’on les partage et que l’on établisse des axes communs pour, in fine, augmenter la participation des sportifs, le nombre de licenciés, le nombre de clubs. Ça n’aura d’effets qu’à partir du moment où cette dynamique sera développée au niveau du territoire.

Le grand public aussi aura accès à ce vélodrome ?
Cela a été rappelé par l’ensemble des élus : quelques millions d’euros ont été injectés par l’ensemble des partenaires financiers. On se tromperait si c’était une arène inaccessible pour le tout public. Quand on parle de développement et d’activité à augmenter, il est évident que si on empêchait l’ensemble du public d’accéder à cet équipement tout splendide soit-il, on se tromperait. Donc oui, le haut niveau est un moteur, mais derrière, il y a un accès au public qu’il faut faire valoir avec ces équipements-là.

Peut-on dire qu’il y a une obligation de résultat avec un outil de ce type ?
Quasiment oui. J’ai la pression, les entraîneurs aussi. Les athlètes l’ont découvert le jour de la présentation. Quand on entre dans cette arène, on entend déjà le public et on sent tout de suite le vent de la Marseillaise. Derrière cela, cette qualité d’équipement, cette équipe que l’on va mettre autour, ces compétences que l’on va regrouper, c’est dans un objectif de faire de la médaille et d’être champions !

Un Centre National du Cyclisme, ce n’est pas tout pour lutter contre l’hégémonie britannique…
Je parlais d’équipements, mais aussi d’un regroupement de compétences dans les domaines biomécaniques, physiques, psychologiques, aérodynamiques, on a à Saint-Quentin une soufflerie, et aussi sur les matériaux. On a des programmes à développer avec Look, avec Mavic, avec les écoles d’ingénieur avoisinantes. Il faut que l’on crée les outils de la performance de demain, et c’est ici que cela va se créer.

En ce qui concerne les jeunes, y aura-t-il des passerelles avec l’INSEP ?
Aujourd’hui, nous avons deux groupes. L’un ira à Saint-Quentin, l’autre restera à l’INSEP. Le groupe en devenir est là-bas. Ce que je souhaite, et c’est un point sur lequel j’ai été très clair quand je suis arrivé, c’est que le mariage INSEP-Saint-Quentin perdure dans les années à venir et se solidifie. Nous n’investirons pas le matériel complètement rénové de l’INSEP à Saint-Quentin. C’est dans ces partenariats que l’on trouvera notre mode de fonctionnement. Évidemment, pour les mineurs, les pré-bacs, il est important d’avoir une maison avec tout un suivi qui va leur permettre de mener à bien l’acquisition de leur bac. Derrière, pour les post-bacs et ceux qui intègrent l’élite, nous avons des modes de fonctionnement qui peuvent être dématérialisés dans le cadre de leur double projet. L’université de Versailles est aussi toute proche, où l’on pourrait trouver des aménagements et des accompagnements pour que les athlètes aient tant le côté sportif que le côté universitaire pour réussir. Donc oui nous continuons le travail avec l’INSEP, nous continuerons le partenariat avec le pôle de Hyères, car là aussi il faut que l’on s’appuie sur les équipements qui existent. Tout concentrer sur Saint-Quentin n’aurait pas de sens, nous avons des points d’appui solides sur tout le territoire.

Avec un tel équipement, on pense forcément à renverser la vapeur face aux Britanniques aux Jeux de Rio en 2016 ?
Ils nous ont légèrement dépassés. Aujourd’hui, l’objectif c’est de nous doter des moyens qui vont nous permettre de passer devant eux. C’est ce qui nous anime au quotidien. Le choix d’un entraîneur étranger, anglo-saxon, n’est pas anodin non plus. Justin Grace nous apporte de nouvelles méthodes, de nouvelles approches, de nouvelles visions. Quand j’ai vu les athlètes lors des premiers entraînements, je peux vous dire qu’ils ont dû redécouvrir des muscles dont ils ne soupçonnaient pas l’existence ! C’est une autre vision que l’on est allé chercher. Les Anglo-saxons sur ce dispositif-là ont un petit temps d’avance comme nous en avions eu un auparavant quand nous étions allés étudier les méthodes des pays de l’Est.

Avez-vous eu des retours des Britanniques pour le match d’inauguration du 30 janvier ?
Oui, ils seront là, et avec les meilleurs ! Ils prennent cela comme un match aussi. Pour eux, c’est une approche très conviviale, celle de participer à un vélodrome qui s’ouvre. Le parallèle pour eux, c’est Manchester. Cela a du sens que l’on puisse travailler avec eux. Créer une émulation. Elle est de fait tous les quatre ans, mais si elle pouvait être plus régulière, ce ne pourrait être que bénéfique pour nos collectifs.

Grégory Baugé se posait des questions après Londres. Ce vélodrome peut-il lui donner une motivation supplémentaire de pousser jusqu’à Rio ?
L’un des facteurs était de reconstituer une équipe, de parler, de communiquer. C’étaient les trois points de départ. Il ne fallait pas se couper de ce qu’il se faisait précédemment. Si on arrive et que l’on dit qu’on ne veut pas entendre parler de ce qu’il s’est passé auparavant, on n’est pas corrects envers ceux qui ont travaillé avant nous. Nous avons une convergence de compétences. Je pense notamment à Florian Rousseau qui est à la tête de la mission d’optimisation de la performance à l’INSEP. De là où il est, il nous aide à mettre en place le projet. Aujourd’hui, les athlètes sentent que les entraîneurs, le DTN et les élus se parlent pour qu’ils puissent eux performer. Et non l’inverse. Derrière, c’est toute une équipe qui est en train de se mettre en place. Évidemment, c’est un gage de respect, de confiance et de partage. On a des athlètes qui ont de nouveau le sourire. On va essayer de les accompagner pour qu’ils le gardent jusqu’aux prochaines échéances.

Propos recueillis à Saint-Quentin-en-Yvelines le 19 décembre 2013.