Alors Vincent, finalement le paradoxe c’est que vous allez sur le podium ce soir alors que vous êtes un peu déçu de votre Tour, non ?

C’est le sport de haut-niveau, quelquefois ça ne rigole pas, quelquefois ça rigole, quelques fois on travaille super bien et il n’y a pas la réussite au bout, d’autres fois il y a des belles choses inattendues qui arrivent. Là ce maillot à pois vient récompenser la ténacité et l’esprit collectif de l’équipe. L’équipe ne s’est jamais découragée, même avec les petites déceptions que nous avons connues au cours de la traversée des Pyrénées où nous avons un peu perdu nos illusions au niveau du classement général. Mais l’équipe ne s’est jamais démobilisée, il y a eu un grand élan de solidarité de la part de tout le monde, autant des coureurs que du staff, donc les messages sont restés positifs. Finalement notre leader Romain Bardet est parti de l’avant, peut-être plus décontracté, puisqu’il ne jouait plus le général, et il a réussi à se créer des occasions intéressantes avec notamment la deuxième place à Valloire, où il gagne les points pour le maillot qu’il a réussi à conserver jusqu’à Paris, ce qui vient récompenser trois semaines d’efforts de la part de toute l’équipe.

 

Le fait qu’alors que Romain craignait de se faire siffler, et que l’enthousiasme populaire soit resté finalement intact derrière lui, j’imagine que ça a dû le rebooster ça non ?

Oui mais ce qu’a exprimé Romain dans la presse en disant qu’il avait peur de se faire siffler c’est un peu l’orgueil d’un champion qui n’a jamais connu la moindre faiblesse. Je pense qu’il a rapidement été très rassuré par l’accueil du public qui a vu en lui un champion fier qui restait humble malgré tout et qui avait besoin de se battre. Tout être humain finalement a besoin d’être rassuré et de toute façon je pense que l’équipe est restée autant appréciée par le public, c’est quelque chose que l’on cultive à AG2R La Mondiale, on n’a pas la grosse tête. Même si quelquefois on est tendu à cause de nos ambitions, je pense que le public nous a rendu cette gentillesse qu’on lui voue habituellement.

 

Est-ce que cette année un peu décevante au niveau des résultats ne serait pas la bonne année pour remettre pas mal de choses en question, je pense particulièrement au fait que le Giro c’est un Tour qui est plus fait pour Romain et que le fait de se concentrer uniquement sur le Tour de France, surtout cette année avec sa blessure au Tour de Catalogne, c’est lui mettre trop de pression, et qu’il faudrait profiter de cette « année blanche » pour rééquilibrer les objectifs ?

Cette question s’est en réalité déjà posée pour cette année. Même Romain avait très envie de découvrir le Giro en 2019. Les parcours qui étaient proposés lui ont finalement fait changer d’avis. De notre côté ou de celui des partenaires, il n’y a eu aucune pression pour influencer son choix. Il découvrira sûrement le Giro en 2020 et en 2021 car il a très envie de découvrir d’autres courses, ce qui n’est pas du tout incompatible avec son parcours de vie. Nous-mêmes ne sommes pas axés sur le Tour en permanence. Ce qui a fait basculer le choix vers le Tour cette année, c’est vraiment les deux parcours proposés, on verra ce qu’il en est l’année prochaine. Se remettre en question, bien-sûr, c’est le principe du sport de haut niveau, mais nous n’allons pas tout bouleverser. Tout ce que nous avons fait jusque-là montre que nous avons plutôt fait du bon travail, et s’il y a des petites modifications à faire, ce sera en harmonie avec les directeurs sportifs, les entraîneurs, les médecins, pour faire en sorte que l’année prochaine on soit à nouveau compétitifs sur le Tour pour envisager un podium.Vincent Lavenue au micro de Vélo 101Vincent Lavenu au micro de Vélo 101 | © Vélo 101

 

On est un peu déçu de l’absence de Romain aux championnats de France, alors qu’on se dit qu’un Romain Bardet avec le maillot de champion de France, ça aurait de la gueule. Parce que c’est un garçon réservé par rapport à Thibaut Pinot ou Julian Alaphilippe qui sont beaucoup plus expansifs, par leur éducation ou leur passé, est-ce qu’un maillot de champion de France cela pourrait être quelque chose qui lui augmenterait sa côte d’amour, qui lui permettrait de se booster un peu plus ?

Si certainement. La décision qu’il a prise cette année était ponctuelle, mais cela ne veut pas dire que tous les ans il ne se présentera pas au départ du championnat de France. Cette année le circuit ne semblait pas lui convenir. Il avait également besoin de se reconcentrer sur le travail en montagne parce qu’il était un peu en retard. Donc cette demande qui a été faite je l’ai accepté même si je souhaitais au départ qu’il prenne part aux championnats de France, ne serait-ce que par rapport à ce qui a été mis en place au niveau de la ligue. Mais à un moment il faut de toute façon faire des choix. Romain voulait peaufiner sa préparation jusqu’au dernier moment, ce que j’ai accepté. Mais cela ne vaut pas dire que toutes les années ce sera comme ça. Je pense d’ailleurs que Romain participera aux championnats de France dans les années futures.

 

On sait que niveau matériel ça a été compliqué cette année pour vous. Est-ce que là aussi vous allez profiter d’un an de coopération avec les partenaires pour refixer les objectifs et travailler un peu différemment ?

Oui exactement, il faut quand même rappeler que le partenariat que nous avons signé avec la marque Eddy Merckx a été très tardif, et forcément ça a eu des conséquences opérationnelles. Mais même si au début ça a été un peu compliqué, je pense que la marque Eddy Merckx a bien réagir très rapidement. Aujourd’hui on a un vélo qui est au top niveau mondial, et donc maintenant qu’on a du matériel qui fonctionne bien on va pouvoir le peaufiner pour l’année prochaine. Dès la fin du Tour de France on va effectuer un cahier des charges prévis avec eux et découvrir le nouveau matériel qui sera utilisé en 2020.

 

L’après-Tour ça commence déjà ce soir, vous avez une idée de l’équipe qui sera alignée sur la Vuelta ?

Oui on a une petite idée même si on n’a pas encore fait l’annonce officielle. Je pense que Pierre Latour fera son grand retour là-bas et puis on annoncera la suite très bientôt. Mais on y va avec des ambitions, notamment avec Pierre Latour qui est un garçon de qualité, qui a terminé l’an dernier meilleur jeune du Tour. Il a eu des complications en début d’année mais là il a beaucoup travaillé donc il devrait pouvoir s’exprimer sur cette Vuelta, on va le mettre en configuration de leader pour qu’il s’habitue à ce style de challenge et de travail effectué. Donc on va y aller frais et enthousiastes !

 

En ce qui concerne Romain Bardet, quand va-t-il réattaquer la compétition ? Va-t-il faire une coupure là ?

On va en parler avec ses entraîneurs parce qu’après son mauvais ressenti des Pyrénées on s’aperçoit aujourd’hui qu’il n’est pas si mal que ça, donc on va voir quelle va être la suite de son parcours.