En juillet, Mikaël Chérel (Ag2r La Mondiale) nous ouvre son journal de bord à l’occasion de sa troisième participation au Tour de France. Le lieutenant de Romain Bardet, avec qui il fait chambre, nous fait découvrir son univers.

Mikaël, vous avez entamé votre troisième Tour de France sur une chute dans le chrono d’Utrecht et prenez ce soir la toute dernière place de l’étape, que s’est-il passé ?
N’étant pas un spécialiste du chrono, j’avais opté pour une seule reconnaissance du parcours ce matin afin de ne pas me mettre un stress et des contraintes inutiles. L’entraîneur de l’équipe Jean-Baptiste Quiclet m’avait programmé une préparation au chrono incluant une seule reconnaissance. Mais je pense qu’une autre reco aurait été nécessaire. En course, je me suis uniquement fié aux indications par oreillette de Julien Jurdie. Beaucoup de virages passaient à haute vitesse, mais bien qu’on me l’ait bien signalé, je suis arrivé trop vite dans celui qui suivait le point intermédiaire et j’ai compris que j’allais à la faute.

Quelles sont les conséquences ?
Je ne suis pas blessé, et c’est l’essentiel. En fait j’ai choisi de ne pas freiner dans le virage pour ne pas courir le risque de déraper de la roue avant et éviter de me blesser. J’ai donc foncé dans la barrière. L’avant du vélo a tout pris. J’ai dû changer de vélo pour terminer sur le vélo traditionnel. J’ai perdu beaucoup de temps mais je reste en course.

Vous aviez vécu l’ambiance phénoménale du Grand Départ dans le Yorkshire l’an passé. Comment avez-vous perçu l’atmosphère de ce Grand Départ à Utrecht ?
Je la mesurerai davantage demain. Pendant un chrono, c’est différent. On est concentré sur son tableau de marche, sur ses watts. Quand on a la tête dans le guidon, on est dans sa bulle. On entend les encouragements en bruit de fond, mais j’ai surtout découvert le public massé au bord de la route à la télévision une fois le chrono terminé. C’est en tout cas une grande ferveur sans doute comparable à celle de l’année dernière.

Vous vous êtes élancé à 14h42, comment s’est organisée votre journée ?
J’ai effectué un réveil musculaire sur home-trainer avec Romain Bardet, avec qui je fais chambre sur ce Tour de France. Il avait été planifié que j’accompagne Romain dans son entraînement matinal. Ça a duré une trentaine de minutes me concernant. J’ai ensuite pris un bon petit-déjeuner avec mes coéquipiers avant de quitter l’hôtel à 10h30 pour rejoindre l’aire de départ à Utrecht une demi-heure plus tard. Nous nous sommes préparés dans le bus et avons chacun effectué notre reconnaissance du parcours. Après ma sortie, j’ai préféré me tenir à l’écart de la course en passant du temps sur mon téléphone en essayant de penser à autre chose, puis je suis rentré dedans progressivement en mettant mon dossard sur ma combinaison, en préparant mon échauffement qui a duré vingt-cinq minutes sur home-trainer. J’ai suivi attentivement les consignes de Jean-Baptiste jusqu’à me présenter sur la rampe de lancement.

Quel braquet avez-vous utilisé sur un tel parcours ?
J’avais un 55. Derrière, j’ai dû jongler entre le 13, 14, 15. Il ne me semble pas avoir passé le 11 ou le 12. Mais des coureurs puissants, pour un meilleur alignement de chaîne, ont très probablement utilisé un plateau supérieur à 55 dents. On le voit à la moyenne du vainqueur, 55,446 km/h, c’était un parcours ultra rapide avec une première partie vent de dos, puis vent de face pour finir. Le vent soufflait davantage pour la première partie des participants, il s’est ensuite calmé. Ça a peut-être été un avantage. Il fallait savoir emmener du braquet, être puissant et avoir beaucoup de force.

D’autant plus qu’il ne s’agissait pas d’un prologue mais bien d’un contre-la-montre…
13,8 kilomètres, c’est en effet assez long pour un premier jour. Avec l’équipe, nous sommes réunis depuis mardi soir. Nous avons fait une reconnaissance des pavés mercredi, mais les organismes restent frais et le cœur monte très haut faute d’avoir fait de longues sorties. Disons que ce chrono a été un bon déblocage pour les prochaines étapes.

L’effectif de l’équipe Ag2r La Mondiale sur ce Tour a pratiquement été renouvelé à 50 % par rapport à 2014. Comment sentez-vous ce groupe rassemblé depuis mardi soir ?
Il y a une très grande envie de bien faire. Sans être dans l’euphorie, nous sortons d’un Tour de France 2014 avec des résultats exceptionnels. Nous avons beaucoup d’envie, de motivation, pour rééditer des performances similaires.

Quel rôle vous a été assigné par Vincent Lavenu ?
C’est un rôle d’équipier à 100 % au service de Romain Bardet et Jean-Christophe Péraud sur les étapes montagneuses. En plaine, j’aurai pour mission d’être le plus possible auprès de Romain pour lui rendre la course plus facile. L’équipe qui a été constituée pour ce Tour est dévouée aux classements généraux de Romain et Jicé. On comptera davantage sur moi en montagne, mais pas uniquement. Je vais essayer de réaliser cette tâche au mieux tout au long des trois semaines, comme j’ai l’habitude de le faire depuis que je suis arrivé dans l’équipe. C’est un rôle qui m’enthousiasme. Les résultats d’Ag2r La Mondiale sont excellents depuis plusieurs années, c’est une vraie motivation pour chacun.

Propos recueillis le 4 juillet 2015.