nullVincent Lavenu / ©Velo101

Vincent, nous sommes à la présentation de l’équipe AG2R la Mondiale à l’orée de la saison 2019, à côté d’un vélo Eddy Merckx. D’abord que vous évoque Eddy Merckx ?

C’est une bonne question ! Eddy Merckx c’est d’abord une première victoire sur le Tour en 1969, c’est l’âge de ma première licence. Vous pouvez imaginer qu’à cet âge j’avais tous ces posters dans ma chambre et pour moi c’est le monstre sacré du cyclisme. Aujourd’hui, dans tous les gens que je connais mondialement, il y a une personne à qui je tends la main et sur laquelle je m’arrête avec beaucoup d’émotion, c’est Eddy Merckx. Et donc, le fait que mes coureurs en 2019 courent sur un vélo avec marqué « Eddy Merckx » ça me crée de belles émotions et je pense que les athlètes d’aujourd’hui se rendent compte de qui est Eddy Merckx, de son palmarès et de ce qu’il représente.

Ça veut dire que vous allez vous remettre à rouler avec vos coureurs durant les stages ou les journées de repos ?

Malheureusement sur les grands tours j’ai du mal à me libérer. J’ai souvent des obligations avec la presse et les partenaires. Malgré tout, j’essaie en dehors du travail de prendre un peu de temps pour faire du vélo. J’en profite notamment parce que j’ai une fille qui fait de nouveau de la compétition et ça me donne de la motivation pour faire du vélo avec elle. C’est important de continuer à se rendre compte de ce qu’est le sport de haut niveau et de la difficulté du vélo. Moi je suis dans le monde médiatique, économique mais faut pas oublier d’où l’on vient. Les coureurs ont besoin de sentir que les managers n’ont pas tout oublié.

Vous avez vécu cette année une première saison avec des grands tours à 8 coureurs. Qu’est-ce que vous en ressortez ?

C’est dans l’ordre des choses. On sent bien qu’aujourd’hui les autorités du cyclisme, les organisateurs du Tour souhaitent apporter un peu d’incertitude aux scénari qui sont proposés donc on sait que les forces collectives notamment de la Sky annihilent les initiatives d’autres équipes donc le fait d’avoir enlevé un coureur doit permettre un peu plus de liberté. Ça n’a pas été flagrant sur le Tour en 2018 mais c’est dans l’ordre des choses. ça nous a pénalisé cette année car rapidement nous avons perdu deux coureurs puis un troisième et rapidement on s’est retrouvé à 5 coureurs sur le Tour de France et donc on n’a pas pu mettre en place les stratégies que l’on avait souhaité mettre en place. Parce qu’on sait que pour envisager de gagner le Tour il faut être acteur aussi, il faut envisager des tactiques pro-actives et on n’a pas pu le faire. Donc on a subi un petit peu mais c’est comme ça, c’est l’ordre des choses. Peut-être même que dans le futur certains organisateurs voire grands tours vont envisager de mettre encore moins de coureurs au départ.

L’autre débat qui a été posé lors de la présentation du Tour, c’est celui de la suppression des capteurs de puissance en course. Vous d’un côté tactique, entre pas de capteurs et pas d’oreillettes, vous choisissez quel « moindre mal » ?

On est dans un monde moderne. La communication fait partie de tous les outils à tout instant et je ne vois pas pourquoi notre sport se passerait de ce type de communication. Après, il est vrai que certains athlètes aujourd’hui ont les yeux fixés sur leur puissance développée instantanément. Ce n’est pas le cas de Romain Bardet d’ailleurs ! Il met du scotch sur son compteur pour justement ne pas voir les watts. En revanche l’analyse derrière elle est faite avec lui et les entraineurs. Et ça c’est un bon exemple. Mais on ne peut pas aller devant la modernité. Les oreillettes c’est une chose, les capteurs de puissance en sont une autre. Moi ce que je remarque aussi, c’est que sur le Giro il y a toujours une course extraordinaire parce que le programme qui est proposé, la topographie de l’Italie permettent d’amener des incertitudes. Je crois que les organisateurs du Tour ont mis en place une tactique sur le parcours qui doit permettre de faire bouger les lignes. On verra cette année, on fera le bilan à la fin de l’année 2019. Ce qui est certain aujourd’hui c’est que le principal verrou, c’est la force collective du Team Sky et c’est évident. Ça fait 6 fois qu’ils gagnent le Tour de France donc il faut trouver les éléments pour contrecarrer cette force collective.

Au-delà de ça, quand on regarde une étape plate, dédiée aux sprinters, c’est toujours le même scénario. Une échappée sort et se fait reprendre à 3 kilomètres de l’arrivée. Sans les oreillettes, il y aura plus d’incertitude ?

Non, ça ne changera rien. Une étape destinée aux sprinters, réservée aux sprinters, avec ou sans oreillettes ça arriveras au sprint. Les équipes vont s’organiser pour reprendre l’échappée peut-être plus à 3 kilomètres mais à 5 ou à 10 mais ça ne changera rien. Les équipes sont bâties avec des sprinters, beaucoup de moyens sont mis en place autour des meilleurs sprinters mondiaux, elles organisent la course pour que ça arrive au sprint. Mis à part une exception de temps à autre, ça arrive au sprint.

Sûrement l’un des moments intéressants de cette année, qu’avez-vous pensé de Paris-Tour et de ces secteurs « Gravel » ?

Voilà un bon exemple. Ça montre que cette course-là qui était jusque-là destinée aux sprinters en y apportant un changement de parcours et des choses nouvelles on peut créer une course complétement différente, oreillettes et capteurs de puissance compris dans celle-ci. C’est un bon exemple à suivre. On l’a bien vu, les Strade-Bianche c’est une course extraordinaire. Il y a les oreillettes et les capteurs de puissance mais la course reste extraordinaire parce que le parcours proposé le permet.

Vous avez Oliver Naesen qui a fait une place à Paris-Roubaix donc forcément qui est un candidat à la victoire finale sur Paris-Tours nouvelle formule. Vous avez pensé quoi de ces chemins de vigne proposés ? Beaucoup de coureurs ont manifesté leur mécontentement et le sentiment général que l’on a c’est que les coureurs n’en veulent plus.

Moi je n’ai pas ressenti ça au sein de mon équipe. On a un jeune, Benoit Cosnefroy qui a été présent jusqu’au dernier moment. On a justement Oliver Naesen qui a joué le jeu derrière avec son équipier qui était à l’avant. Y’a eu une très belle course et nous on n’a pas ressenti au sein de l’équipe une remise en cause du parcours.

Vous avez présenté vos ambitions, on peut dire aujourd’hui que le parent pauvre de votre effectif c’est le sprint. Vous l’assumez ?

Oui, on l’assume complètement parce qu’aujourd’hui on a un garçon qui ambitionne les plus grandes victoires dans les courses par étapes et on se doit d’apporter une équipe structurée autour de Romain Bardet. A cette image, la Sky n’a pas de sprinter, la Movistar non plus. C’est notre créneau. Alors, certes on s’asseoit sur un certain nombre de victoires, on sait qu’on n’aura pas 25 ou 30 victoires mais peut-être que 25 ou 18 mais on envisage des victoires de très haut niveau dans des courses par étapes donc c’est un choix.