Laetitia, vous êtes une championne de ski. Pouvez-vous vous présenter ?

J’ai 27 ans, je suis née dans les Hautes-Alpes. J’ai vécu ma jeunesse à Savines-le-Lac. Maintenant, je n’y vais que l’été, car l’hiver je me déplace pour aller sur d’autres terrains d’entraînements, là où l’émulation est plus grande car il y a plus d’athlètes. Je suis rentrée au sein de la PGHM, la gendarmerie de secours en montagne en juin 2011, en tant qu’athlète de haut niveau dans le ski alpinisme. Je suis maintenant pro, je suis détachée pour m’entraîner. Pour moi, c’est vraiment la situation parfaite. Je m’entraîne cette année principalement en vélo car je me suis blessée en début de saison. Je faisais partie du Team Salomon donc je courais beaucoup en trial. Avec cette blessure j’ai dû arrêter cette pratique et j’ai dû revoir mes objectifs.

Née à Savines-le-Lac, étiez-vous destinée à évoluer dans des disciplines de haute montagne ?

Oui, Savines, c’est vraiment le paradis pour moi, on peut y faire de nombreux sports. J’ai un peu touché à tout : la voile, l’escalade, le vélo, le triathlon.

Comment gérez-vous une saison, entre l’entraînement, la reprise d’une compétition et la saison en elle-même?

Ma saison d’hiver court de janvier à fin avril. Début mai, je fais une pause, c’est-à-dire que je m’impose trois semaines à ne rien faire. Je reprends ensuite tranquillement. Ces dernières années, j’ai été blessée, je n’ai donc pas pu réaliser mes saisons de trial comme je les envisageais. Je me rends compte que c’est difficile de faire deux saisons de suite. Je me suis donc recentrée sur mes priorités et sur le ski. Je vais prendre l’été de manière différente et l’intégrer comme une préparation de ma saison d’hiver, plutôt que de courir et d’avoir une double saison car c’est trop compliqué. Je réattaque l’entraînement tout de suite après mes trois semaines d’arrêt, et l’été est consacré au foncier, à l’endurance, à la musculation et au renforcement. J’essaye de faire du vélo et de la course à pied. A l’automne, je reviens plus sur du spécifique, je fais un peu de ski roues pour faire la transition entre le vélo et le ski. Je réattaque le ski fin octobre, en préparation. La première course est en décembre et la coupe du Monde commence en janvier.

Le point commun entre toutes ces disciplines, c’est la nature, l’environnement.

Ma priorité est le ski alpinisme, car le milieu de la montagne, la neige et la haute montagne sont des milieux qui me plaisent particulièrement. Le point commun dans toutes les disciplines que je pratique, c’est l’évasion, la sensation d’être libre car il n’y a pas de pression. C’est la nature, les grands espaces. L’hiver, ça a vraiment quelque chose de particulier.

Qui est votre entraîneur ?

Daniel Mercier. C’était mon prof à la fac, je l’avais sollicité pour mon mémoire. Cela doit faire au moins sept ans que l’on travaille ensemble.

Quel est votre plus grand souvenir ?

Des souvenirs magnifiques, j’en ai pleins la tête, j’aurai du mal à en mettre un en avant. J’ai vécu de très beaux moments en courses individuelles, notamment ma victoire aux championnats du Monde de ski alpinisme en 2010. Cela avait été vraiment fort, car cette saison là, j’avais été très fatiguée à l’automne, j’avais dû faire une pause après la première coupe du Monde. C’était très dur à vivre. Je me suis rendue compte que j’étais à côté de la plaque. Après ça, je m’étais dit que je voulais vraiment faire les championnats du Monde. Même mon entraîneur n’y croyait pas, mais j’ai insisté. J’ai préparé ça sur une période très courte, je n’ai pas eu le temps de me confronter aux autres filles avant le championnat. Je suis arrivée là-bas, ça été une lutte très intense comme j’en vois rarement car souvent les écarts se font rapidement. Là, ça s’est joué jusqu’au bout. Après, par équipe, j’ai aussi vécu des moments forts, comme sur la Pierra Menta par exemple. Ce sont des victoires qu’on vit de manière différente mais qui sont également très fortes en émotions.

La Pierra Menta, c’est la course mythique dans votre discipline. Pouvez-vous la comparer avec un autre évènement dans le monde du vélo ?

En fait, le vélo, je l’ai toujours pratiqué, que ce soit le VTT ou la route. Ça m’a toujours plu. Mais je n’ai pas beaucoup d’expérience dans le milieu de la compétition en vélo. Cette année, j’ai été invitée sur la Haute-Route, j’ai eu la chance de participer à trois jours, et j’ai vraiment retrouvé l’ambiance de la Pierra. On est pendant toute cette durée entre athlètes, entre passionnés, comme dans une bulle. C’est comme si j’étais portée, sur un nuage, en dehors du monde, dans le milieu où je me sens bien, avec des gens qui partagent la même passion et qui sont heureux d’être là. Ce sont des moments qu’il faut vivre pour comprendre.

Vous ne pensez pas faire des cyclosportives dans des régions toutes plates ?

Non, le plat, ça me stresse ! Ça m’angoisse de ne pas voir des montagnes à l’horizon. Je ne suis pas faite pour le plat.

Les skieurs sont très bons en vélo car ils savent monter à des rythmes cardiaques très élevés. C’est également votre cas en ski alpinisme ?

Oui, je me fais vraiment plaisir en vélo parce que le ski alpinisme m’apporte la capacité d’être à l’aise sur les montées. C’est vrai que sur le plat, c’est autre chose, mais sur les montées, on retrouve l’effort. Nous avons une condition physique semblable à l’effort en vélo, c’est sûr que ça m’aide.

Vous parliez de la Haute-Route. Comment vous situez-vous par rapport à Emma Pooley, la médaillée olympique, qui y participait également ?

J’ai commencé la Haute-Route sur le contre-la-montre de l’Alpes. Je ne sais jamais à quel temps je dois m’attendre, je ne me mets pas la pression, je prends les courses les unes après les autres. Je suis vraiment ravie de mon temps cette année. Emma avait déjà fait trois jours de course, et elle a deux minutes d’avance sur moi. J’ai dû mettre 51’34, et Emma est en 49’50, je crois. Pouvoir se comparer à une athlète comme Emma, c’est fabuleux. Je ne me considère pas du tout à son niveau, elle est impressionnante. Elle n’a pas flanché à la Haute-Route, elle est très costaud.

Ce genre de montée sèche vous porte, puisque vous avez été victorieuse à la Risoul Queyras en contre-la-montre. C’est un des domaines qui vous correspond le mieux en vélo ?

Oui, tout à fait. Cette année, je me suis entraînée en vélo. Quand j’ai voulu faire des compétitions, ce sont les montées qui m’ont attirées, car cela retrouve le ski-alpinisme, les kilomètres verticaux que je faisais en course à pied. Pour moi, plus c’est raide, mieux c’est. Et cela reste des efforts courts, que je préfère, car je ne suis pas habituée à de plus longs efforts. En course, je me fais moins plaisir sur des efforts longs, même si j’ai vraiment aimé les trois jours que j’ai passé à la Haute-Route. Actuellement, je préfère quand même rester sur du court pour ma préparation d’hiver, afin de conserver la dynamique.

Vous avez eu des problèmes de genou. Pensez-vous vous tourner vers le vélo plus tard ?

Je suis en pleine réflexion depuis le début de cet été. C’est vrai que j’ai de bonnes sensations sur le vélo, je me fais vraiment plaisir. Cela ne me dérangerait pas de m’orienter un peu plus vers le vélo plus tard. Actuellement, je me fais plaisir parce que je ne prévois pas, je ne me mets pas de pression, pas d’objectif.

Propos recueillis à Vielha le 3 septembre 2012.