Le week-end dernier, une trentaine de participants s’est attaquée à un défi de haut vol. Le Raid Extrême Vosgien fait partie de ces épreuves d’ultra endurance et il est vrai que le menu au programme est copieux. Un dénivelé de 12 000 mètres pour un total de 570 kilomètres, rien que ça. Un parcours qui donne la part belle aux différents cols des Vosges dont le point culminant sera le Grand Ballon (1343 mètres) dans la deuxième moitié du tracé. Plusieurs catégories sont présentes au départ de Luxeuil-lès-Bains en Haute-Saône. Les Ultras sans assistance, les Ultras avec assistance, les Randonneurs REV qui ont eux le droit de rouler en peloton contrairement aux Ultras, les Duos et les Equipes pour le grand parcours. Pour les Ti REV, un circuit plus court mais dont la distance de 403 kilomètres ferait peur à bon nombre de cyclistes est également prévu. Les inscriptions, de 160 à 260 euros suivant le parcours et les services choisis, sont plus nombreuses que l’année précédente et tous sont prêts à enchaîner les cols.

C’est au petit matin que les premiers concurrents se sont élancés de l’Abbaye Saint-Colomban. Pour se mettre en jambes tout de suite, le col des Chevrères, monté par le Tour de France en 2014 et dont les pentes courtes mais abruptes collent les participants à la route. L’enchaînement avec la Planche des Belles Filles, nouveau sommet fétiche de la Grande Boucle, amène au premier des dix ravitaillements prévus tout le week-end, où se trouve un point de contrôle. Chacun doit signer pour justifier son passage, et ce tous les 70 kilomètres environ, là-même où pâtes et autres soupes sont abondamment servies pour permettre à ces cyclistes de l’extrême de reprendre les nombreuses calories dépensées. La route menant à la station de ski étant sans issue, il faut redescendre par le même côté pour retrouver la route menant au Ballon de Servance. Puis vient la première ascension du Ballon d’Alsace par Saint-Maurice-sur-Moselle après laquelle sera effectuée une boucle pour remonter sur le côté le plus roulant, par Giromagny. Le plus dur reste à faire puisqu’il reste 410 kilomètres. Et une grosse poignée de cols.

Une fois gravis les cols du Ménil et d’Oderen, plutôt roulants sans grands pourcentages, il faut basculer sur Kruth pour aller chercher le col de Bramont, une belle montée en lacets. Une courte descente et la montée baptisée « route des Américains » nous emmène sur l’un des plus beaux points du parcours : la Route des Crêtes. Ce splendide site naturel offre une magnifique vue sur la massif alsacien. Le ravitaillement situé trois kilomètres plus haut au sommet du mythique Hohneck va permettre à tout le monde d’admirer la vue, mais sans trop s’attarder car il reste de la route. Une longue descente vers La Bresse rejoint le touristique col des Feignes, celui du Surceneux, avant de redescendre sur Plainfaing et de souffler un peu. On se trouve à peine à mi-parcours et les jambes commencent à être lourdes.

Le col du Calvaire, par le col du Bonhomme, est tout sauf une partie de plaisir. Surtout que la nuit fait son apparition et le feu de camp installé au sommet ne sera pas de trop pour raviver la flamme des concurrents qui commence quelquefois à vaciller. Le jour n’est plus mais les participants ne cessent de pédaler. Le Collet du Linge, théâtre d’une terrible bataille entre soldats français et allemands à l’été 1915, emmène les coureurs en direction de Munster, ville célèbre pour son fromage au goût prononcé. La fatigue pèse de plus en plus dans les jambes mais le raid proposé par Jean-Claude Arens et son équipe ne s’arrête pas là. Le col le plus difficile de l’épreuve est à venir : le Petit Ballon, qui n’a de petit que le nom. Sur cette route régulière mais très pentue, en pleine forêt dans la nuit noire, c’est « tout à gauche » et en danseuse pendant huit kilomètres exigeants. Ça monte pendant longtemps et l’accueil très sympathique de l’organisation au sommet fait du bien. Un dortoir y a été installé mais les plus courageux repartent sans s’y intéresser.

La descente qui suit, sombre et rapide, est très dangereuse. C’est ici-même qu’Alberto Contador avait chuté puis abandonné le Tour de France 2014. Les nombreux lacets et l’absence de balisage et de pointillés attirent presque les participants dans les bas-côtés. Suivent le col du Platzerwasel et le Grand Ballon. La bascule par le Col Amic est rapide pour rejoindre la vallée de Guebwiller avant de remonter le Grand Ballon par Le Markstein. Les concurrents, soumis à l’extrême difficulté du parcours, vont devoir en plus de cela faire avec une météo capricieuse. Un énorme orage éclate vers 3h00. Il pleut des cordes et la violence de celui-ci oblige même quelques-uns à s’arrêter rechercher un abri. Les personnes qui grimpent souffrent encore plus que d’habitude, mais elles peuvent s’estimer heureuses par rapport à celles qui descendent au même moment. La météo s’invite à l’événement d’une manière peu sympathique. Heureusement, les sourires aux postes de ravitaillement remontent le moral après la descente du Grand Ballon, effectuée dans le froid sur une route glissante. Encore 150 kilomètres et tout le monde compte le nombre de difficultés restantes. Plus que deux. Encore deux plutôt.

Le col du Hundsruck est alors une lutte contre le sommeil. Certains s’endorment presque, à l’arrêt sur leur machine. D’autres préfèrent stopper une petite demi-heure pour se reposer. La descente sur Masevaux emmène les participants au pied de la dernière ascension de taille : le Ballon d’Alsace, une troisième fois par le côté manquant, celui du lac de Sewen. Une descente puis plusieurs kilomètres de plat ramènent tout le monde vers Luxueil. Un dernier coup de rein est à donner dans le col de la Chevestraye puis, au passage au village de Servance, le dernier point de contrôle avant l’arrivée. Il reste alors 40 kilomètres ponctués de petits raidards présentant des pourcentages à deux chiffres comme s’il y avait besoin d’épuiser un peu plus les coureurs. Enfin le retour à l’Abbaye Saint-Colomban pour un dernier contrôle temps finalise le parcours. Douche, collation et surtout sieste attendant ceux qui en ont fini.

Le remise des prix le dimanche sur les coups de 18h00 permet à l’organisation de terminer un week-end parfait. Les ravitaillements abondants et réguliers ont plu et l’apéritif local offert, où charcuterie, vin, bière et autres se rencontrent, est des plus convivial. Puis le micro circule, de mains en mains, et chaque participant peut donner ses réactions. Chacun est forcément passé par des hauts, des bas. Cette souffrance dans les moments difficiles qui nous poussent vers le meilleur, ces champions la connaissent parfaitement. Plus de vingt-quatre heures sur un vélo n’est pas une mince affaire. Un grand bravo à eux qui repartent épuisés mais ravis, leur panier garni de produits du terroir sous le bras et leur médaille autour du cou.