Retrouvez l’interview d’Olivier Dulaurent, un des contributeurs réguliers aux articles de Vélo 101.

Vois-tu les cyclosportifs différemment, maintenant que tu les côtoies par le biais des stages avec DSO ?

Forcément, la perspective change.

Quand je suis sur une cyclosportive je ne peux m’empêcher « d’analyser » les cyclistes avec qui je pédale. Je pense que tout le monde étudie plus ou moins ses collègues de route mais effectivement, déformation professionnelle oblige avec les stages DSO, inconsciemment je relève les points forts ou faibles des gars qui sont avec moi.

Olivier Dulaurent-1© Olivier Dulaurent

Sur certaines cyclosportives comme sur la Haute Route par exemple, j’ai aussi roulé à tous les échelons de la course. C’est une expérience enrichissante en tant que coach car les profils ne sont évidemment pas les mêmes à l’avant qu’à l’arrière de l’épreuve.

Quand je mets ce « costume d’encadrant », ma perspective vis-à-vis des autres cyclistes va encore plus loin. Au lieu d’être dans l’effort et dans la compétition, je suis bien sûr complètement dans l’accompagnement, le soutien et le conseil. Cela permet aussi de voir que les erreurs sont souvent les mêmes… et de les détecter très vite ! Nous avons une semaine pour les rectifier et proposer les bons gestes avant le retour chez soi. Cependant, les bonnes habitudes ne se prennent pas en 5 jours.

Justement, leurs attentes lors des stages ont-elles évolué, on pense aux KOM, Strava, …veulent-ils plus facilement se mesurer ? se confronter aux pros par exemple ?

A vrai dire, la confrontation aux pros ne nous concerne pas. Ou alors, pour mesurer à quel point nous pratiquons un sport différent. Mais il est évident que Strava a changé bien des choses. Nous avons la chance de rouler dans une région (Costa Brava espagnole au printemps) concentrant des dizaines de professionnels – il est d’ailleurs fréquent d’en croiser – et il est toujours gratifiant que voir qu’un Robert Gesink ou les frères Yates sont passés la veille avec tel temps, telle puissance dans une montée que l’on vient de faire.

C’est aussi une comparaison avec soi-même « l’année d’avant » pour les stagiaires étant déjà venus, avec les copains de sortie ou les « abonnés » ou plus simplement une estimation de son niveau de puissance.

Je remarque ainsi que, même pour des sorties organisées, Strava est un formidable outil de rassemblement. Cela peut malheureusement tourner parfois au concours de « quéquette » mais je préfère voir plutôt le bon côté des choses sur cette mesure : la comparaison des performances et les liens que cela permet de créer à longueur d’années avec les copains, une fois qu’ils sont revenus chez eux.

Olivier Dulaurent-3© Olivier Dulaurent

 Sont-ils plus bardés de certitudes ou au contraire, plus demandeurs de conseils auprès de coachs comme toi ?

Il est certain que le niveau général de connaissances des cyclistes d’aujourd’hui est bien plus élevé qu’il y a 15 ans quand j’ai commencé à être coach. Merci aux revues spécialisées, merci aux sites internet évidemment dont velo101 bien sûr (je ne dis pas cela parce que c’est toi…) qui ont permis de rendre plus accessible le niveau d’information.

Cependant il reste des bémols : tout le monde n’est pas forcément de bon conseil (sur les forums comme ailleurs), tout le monde ne cherche pas nécessairement à se renseigner avant d’émettre un avis et enfin, il existe encore de nombreux cyclistes qui ne changent pas leurs habitudes « parce que cela fait 25 ans qu’ils font ainsi » ou parce que leur oncle a gagné en 1972 la « coursette » du village voisin en coupant 3 mois l’hiver et en mangeant un steak 3h avant le départ. Ici, j’exagère un peu volontairement mais j’entends encore ce genre de discours, notamment chez les « coursiers » du dimanche…

Aujourd’hui, la demande de conseils se fait davantage sur le matériel avec le fameux virage des disques et il y a peu, des groupes électriques. Elle se fait aussi sur des questionnements par rapport aux capteurs de puissance. La plupart des gens ont pris conscience qu’il s’agissait d’un formidable outil mais beaucoup (de moins en moins…) hésitent encore à franchir le pas. Au-delà du prix, il reste encore l’interrogation : comment je vais m’en servir pour progresser ? C’est typiquement le genre de plus-value que le coach va apporter.

Mais au-delà de la réponse à des questions posées le coach a évidemment et principalement un rôle de guide et d’accompagnateur : déceler les points faibles (sur le vélo ou en dehors, comme pour un suivi de l’entrainement par exemple) afin de pouvoir les travailler de manière personnalisée avec le cycliste et de poursuivre sa progression. Quel que soit l’âge ou le sexe de la personne, un point qu’il ne faut pas oublier !

Olivier Dulaurent-4© Olivier Dulaurent

Globalement sur quels aspects ont-ils évolué selon toi : âge moyen ? population plus hétéroclite côté pratiques ? répartition hommes-femmes ? attentes pas seulement vélo de route, mais vtt ? d’une approche de la diététique par exemple ?

Ce qui me semble plus net est que l’augmentation du nombre de personnes se mettant au vélo « à un certain âge ». Ceci va dans la même direction que la prise de conscience dans la société de ce qui est « bon pour la santé ». La pratique cycliste en fait partie et il est probablement plus facile de se faire plaisir ainsi que lorsque l’on commence la course à pieds ou le ski de de fond sur le tard.

De plus en plus de « routiers » se mettent aussi à pratiquer d’autres formes de cyclisme : tu évoques le VTT et il est vrai que les VTT actuels sont plus « faciles » qu’il y a 15 ans, bien aidés par des géométries qui ont su évoluer, par les suspensions aussi et bien sûr par les « grandes roues » de 29 pouces.

Le cycliste explore aussi d’autres aspects, comme le vélo de piste, bien aidé par la construction récente en France du Vélodrome de Saint Quentin et de celui de Roubaix. Ceux qui ont goûté à des « baptêmes » en viennent souvent à une pratique régulière, bien complémentaire du vélo de route et particulièrement adaptée à la saison hivernale.

Enfin, il faut évoque le Gravel, arrivé en raz de marée dans la pratique globale, même si cela ne ressent pas (encore) dans la demande de stages. Mais les mentalités ont évolué : alors que je me faisais traiter de fou si j’amenais des stagiaires sur 50 m non asphaltés mais « propres », il m’arrive parfois de prendre des portions de plusieurs kilomètres… avec les félicitations des stagiaires qui découvrent là qu’on peut se régaler sur d’autres routes qu’un bitume parfaitement lisse.

Sinon la répartition hommes – femmes n’a pas évolué de manière flagrante. Il y a encore trop peu de femmes qui se mettent à la pratique cycliste, sans doute par crainte de ne pas pouvoir s’investir complétement. N’oublions pas que les progrès sur le vélo demandent que l’on y consacre pleinement et que l’on ait une constance dans l’entrainement, ce qui veut dire souvent moins de temps pour d’autres activités.

Olivier Dulaurent-5© Olivier Dulaurent

Quid du vélo électrique dans vos stages aujourd’hui ?

 – Il s’agit là clairement d’un enjeu d’avenir. Sur les stages nous n’en sommes pour le moment qu’aux balbutiements avec quelques amateurs venus se joindre à des groupes. Mais les ventes explosant sur les vélos neufs, il est clair qu’il est nécessaire d’encadrer la discipline car, le niveau technique des cyclistes se mettant au vélo électrique est généralement moins bon que pour le vélo musculaire. Et au-delà de cet aspect technique, reste toujours le volet physique avec la gestion des batteries… et de ses jambes.

A court terme, nous allons proposer des stages prévus pour des groupes composés entièrement de vélos électriques.

 

Les stagiaires ont-ils tendance à revenir sur le même stage d’année en année ou, au contraire, zappent-ils de destination en destination ?

Nous avons beaucoup de « redoublants ». C’est pour moi une preuve que nous avons une bonne formule. Nous essayons bien entendu de l’améliorer chaque année pour que tout le monde trouve l’envie de revenir et que jamais cela ne devienne routinier. Je pense que les stagiaires apprécient le concept dans son ensemble : hébergement, encadrement, parcours, réunions techniques et surtout, globalement le professionnalisme dans la bonne humeur. Revenir c’est être certain de retrouver à nouveau ces caractéristiques.

Comme évoqué plus haut sur la comparaison et la mesure des performances, il faut aussi noter que revenir rouler sur les mêmes routes permet de s’étalonner d’une année à l’autre, en ayant des repères. Un peu à la manière du cyclosportif qui revient sur une cyclosportive car il connait les routes : il est certain d’optimiser son potentiel.

D’un autre côté, il est normal d’avoir envie de découvrir d’autres organisations ou d’autres régions. Le vélo est aussi fait pour cela.

D’où le succès de nos « itinérants », en marge des stages plus classiques de début de saison.

Olivier Dulaurent-2© Olivier Dulaurent

Comment as-tu vécu cette saison 2018 de cyclosport ?

En 2018 ma saison personnelle de cyclosport s’est résumée à la Morzine Haut Chablais et à l’Etape du Tour. Autant dire que cela n’a pas été très dense. Cela faisait 7 ans que je n’étais pas revenu sur cette « EDT ». Et si je suis toujours autant critique sur l’aspect commercial, je trouve que l’ambiance est devenue extraordinaire, en peu de temps, bien aidée par le côté cosmopolite de l’épreuve. ASO a également largement élevé le niveau global des prestations.

Pour le reste, à travers les réseaux sociaux j’ai suivi les aventures des copains. Surtout sur les épreuves que j’ai pu faire par le passé.

On a le net sentiment que tu as pris du recul, moins pratiqué, on se trompe ?

– Deux cyclosportives en 2018 contre une grosse quinzaine par année entre 1995 et 2005, il est certain que le total a sérieusement diminué, sauf une interruption entre 2014 et 2017 pour participer à des Haute Route. J’aimerais en faire plus mais il faut déjà trouver des dates qui passent après le calendrier des stages cyclistes et ensuite, la famille s’est agrandie en 2007. Tout ceci resterait largement gérable si j’habitais plus près des épreuves que j’affectionne, c’est-à-dire en montagne.

Je ne désespère pourtant pas de faire un bon calendrier d’épreuves, une année ou l’autre.

Rendez-vous vendredi 27 mars pour le second épisode ….