On pourrait même dire un « Grand Témoin », car il domine tous les « Jeunots » interviewés précédemment, et aussi parce qu’il traverse sa 3 ème décennie de Cyclosport. Un témoin spécial car il est à l’origine du Team Casati Vélo 101, devenu 15 ans plus tard, Trek Vélo 101 et aussi parce qu’il est le fondateur de France Bike Rentals. Loueur officiel des Ironman, de l’étape du Tour et même des Championnats du Monde des énergies renouvelables. Un témoin qui passe le témoin à une nouvelle rubrique que vous retrouverez chaque mois à compter de Janvier 2019 sur :  Les nouveaux métiers du vélo.

Jean michel HURTERJean michel HURTER | © velo 101

JM HURTER, à quand remonte ta première cyclosportive ? quelles circonstances ?

En fait c’est en découvrant dans l’Équipe qu’une nouvelle épreuve fondée sur une étape du Tour de France allait être créée en 1993 que l’envie de remonter sur un vélo m’est venue après sept ans d’arrêt complet de la pratique et bien entendu de la compétition cycliste. Entre temps j’avais pris beaucoup de poids, j’étais devenu un fumeur régulier et mon hygiène de vie laissait sérieusement à désirer ! Je me rappelle être rentré chez moi en fin de semaine (j’étais agent commercial à l’époque), avoir décroché mon vélo Tommasini en acier et avoir péniblement réussi à faire 35kms.

 Tu as fait la 1ère étape du Tour, en 1993, Tarbes-Pau, c’était comment l’EDT, loin, très loin des 15000 participantts ?

Oui c’est certain, la première Étape du Tour en 93 avait réuni environ dix fois moins de participants que de nos jours. Nous étions environ 1500 au départ de Tarbes. Mais l’épreuve a connu un succès très rapide et dès la deuxième ou troisième édition on était déjà 5000.

Tu as fait de la compétition cycliste, du triathlon, autres ? avant les cyclosportives, quelle image avais-tu du cyclosport avant de t’y mettre ?

J’ai commencé à courir en cadet en 1969 ! Le vélo a toujours été mon sport de passion, mon père qui était un footeux a bien essayé de m’y mettre, mais j’étais trop nul ! Dans la famille personne ne connaissait le vélo et ils m’ont suivi dans ma passion d’adolescent et le dimanche ma mère était la première a préparer le pique-nique et tout ce qu’il fallait pour aller sur la course. J’ai couru pendant quelques années avant de partir aux USA à la fin de mes études universitaires. Quand je suis revenu je ne faisais plus de vélo (à l’époque les américains n’avaient pas encore découvert le Tour avec Lemond et ensuite Armstrong) et il a fallu que mon ami Manu Aguilar m’entraine dans le challenge de participer à un triathlon pour que je remonte sur un vélo, que je me mette à nager et à courir. J’ai fait du triathlon en 1986 et 1987 à la grande époque des Mark Allen, Scott Molina et Yves Cordier en France. Puis plus rien jusqu’en 93 et l’Étape et la découverte du cyclosport !

Jean michel HURTERJean michel HURTER | © velo 101

Pour moi le cyclosport était un genre vraiment nouveau, c’était la découverte des épreuves de masse que j’ignorais totalement. Pour moi jusque-là mettre un dossard c’était courir en FFC dans un peloton d’une centaine de coureurs. Me retrouver dans un peloton de 300 ou 400 participants dans des épreuves où quelquefois je n’arrivais jamais à en voir la tête, était pour moi assez déstabilisant.

Par quelles cyclos es-tu passé dans ces années où tu débutais ? lesquelles t’ont le plus marqué et pourquoi ?

Dès le début j’ai été attiré par le côté « extrême » si je puis dire des cyclosportives (surtout vues avec mes yeux de coureur régional), dans les années 90 les parcours étaient très longs souvent aux alentours des 180 / 200 kms et difficiles. La Marmotte dans les Alpes, l’Isard Bahamontés, L’Ours dans les Pyrénées, Lyon-Mont Blanc et retour, Milan San Rémo ont été les épreuves qui m’ont le plus marqué au début, ensuite avec la création du team Casati Vélo 101 on a découvert la Fausto Coppi, le Marathon des Dolomites et d’autres épreuves en France et à l’étranger.

En 2003, tu es au lancement du team Casati-Vélo 101, devenu Scott pendant 12 saisons, et désormais Trek pour 3 ans (à minima), as-tu continué le cyclosport dans cette bascule de millénaire, pourquoi ?

En fait les contraintes de la vie professionnelle ont fait qu’en 2010 j’ai arrêté de participer à des cyclosportives de manière régulière. J’ai repris en 2017 avec la Haute Route Ventoux, mais plus pour répondre à un défi amical que par véritable désir de reprendre sérieusement les cyclosportives. Je sais qu’à 65 ans je ne peux envisager de faire ce que je faisais il y a encore 10 ans en arrière. C’est un simple constat et j’ai le sentiment d’avoir pu faire dans ma vie de cycliste à peu près tout ce que j’ai voulu faire. No regrets !

Maintenant le vélo c’est surtout le plaisir de rouler avec des copains ou si j’en ai encore l’opportunité, de faire de longs voyages à vélo comme ceux que j’ai fait en Espagne et au Portugal.

L’idée du team, c’était pourquoi ?

L’idée du Team est venue de mon activité.  J’importais une marque de vélo italienne Casati et je voulais la faire connaitre au monde du cyclosport. La rencontre de Philippe Lesage et Jean Pascal Roux a été l’élément déclencheur.

TREK VELO 101TREK VELO 101 | © velo 101

En 2004/2005, il n’y avait que le team Bouticycle, ex-Cyfac, penses-tu que les teams faussent les cyclosportives ?

Pas du tout. Le but d’un team n’est pas de mettre la main sur toutes les épreuves auxquelles il participe mais de donner une bonne image du cyclosport, de donner envie aux autres cyclos de participer et de côtoyer les membres du team. Dans mon esprit un team cyclosportif doit être à l’image du mouvement cyclosportif et représenter sa diversité aussi bien dans les genres hommes / femmes que dans les catégories d’âge. C’est ce que nous avions fait à la création du Team Casati Vélo 101.

Parce que s’il ne s’agit que de rafler les podiums à mon avis c’est raté. L’image et le message doivent passer avant le résultat.

Tu as pris du recul avec Casati et avec le team, comment juges-tu l’évolution du cyclosport, le côté multiplication des parcours réduits pour faire du nombre ?

 

Il y a deux manières de voir les choses. Si on voit ça avec les yeux de l’organisateur, on se dit bien sûr qu’il faut élargir au maximum le champ des participants en offrant des parcours de longueurs différentes pour en faciliter l’accès à tous types de cyclistes. Si on voit ça avec les yeux d’un vieux cyclosportif comme moi on se dit qu’on a perdu l’idée fondatrice du cyclosport qui était de se démarquer en distance et en difficulté des épreuves cyclistes traditionnelles. La preuve en est que les petits parcours sont raflés par des coursiers qui viennent là parce qu’il y a de moins en moins de courses et que la distance leur convient parfaitement.

Coursiers qui n’ont pas pu passer pros ou qui ne passeront jamais et qui viennent taper des gars qui ont 40 ans, une vie de famille et bossent 55 heures/semaine ?

C’est ce que viens de dire. Maintenant on est dans des épreuves de masse par définition ouvertes à tous et on n’empêchera jamais des Élites de venir faire les cadors au milieu de cyclosportifs !

Risques liés au dopage chimique mais désormais de plus en plus technologique, avec les moteurs, ne penses-tu pas que les contrôles devraient être systématisés et, on est bien d’accord, pas que sur les premiers du général ? catégories aussi, dont les plus âgés et les féminines (qui n’en subissent jamais !)

Il est indéniable que si on contrôlait plus dans les épreuves cyclosportives, on aurait de bien mauvaises surprises. Le dopage existe chez les cyclosportifs et il faudrait être bien naïf pour le nier. Maintenant compte tenu des moyens nécessaires il ne faut pas rêver il n’y aura jamais de contrôles à grande échelle faits dans ce type d’épreuves. Au fond ça ne me dérange pas, si certains sont prêts à prendre des risques avec leur santé pour finir 32eme au lieu de 72eme tant pis pour eux, ils n’ont rien compris !

Côté consommateurs que sont devenus beaucoup de coureurs qui semblent venir pour le repas d’arrivée ou le cadeau plutôt que pour la partie de manivelles ?

On est dans une société consumériste et le cyclosport n’y échappe pas. De surcroit avec l’arrivée de sociétés privées dans l’organisation de ces épreuves on a eu droit à un relèvement des tarifs d’inscription avec il faut bien le dire un niveau de service qui ne suit pas toujours ! Donc on a des gens qui se disent j’ai payé cher pour ce produit que l’on m’a vanté à grand renfort de marketing et j’en veux pour mon argent.

Aujourd’hui, par tes activités de magasin de vélo Route du Ventoux et de loueur avec FBR, tu as vu arriver la clientèle étrangère et notamment Anglo-Saxonne, dirais-tu que c’est une « bouffée d’oxygène » pour les organisateurs et tous les acteurs du monde du vélo ?

Indéniablement, pour tous les acteurs du monde du vélo, l’arrivée en masse de cyclistes venus du monde entier et en particulier des anglo-saxons, pour participer ou pour simplement rouler sur les routes mythiques des grands tours a été (est) une aubaine. Cela a permis de renouveler la masse des participants (on le voit sur l’EDT avec 25 à 30 % d’Anglais !) et économiquement parlant d’amener une clientèle avec un pouvoir d’achat assez élevé.

J_M HURTERJ_M HURTER | © velo 101

Phénomène durable selon toi ? renouvelable, côté continent Asiatique, en particulier ?

 Difficile à dire. Bien sûr il y aura toujours de nouveaux pays ou continents (Asie) qui vont découvrir le vélo sportif et qui nous amèneront leur cohorte de cyclistes mais je pense aussi que comme dans tout phénomène de masse lié à un engouement crée par un évènement (Armstrong aux USA et le phénomène « cycling is the new golf ») il faut s’attendre à ce que le soufflé retombe un peu si je puis dire ! On reviendra à mon avis à des participations peut-être moins nombreuses mais plus réalistes quant à la pratique du vélo.

Selon toi, reste-t-il des concepts de cyclosportives à inventer ? lesquels si…

 Franchement je n’ai aucune idée, je crois que tout ou à peu près tout existe aujourd’hui !

Ton meilleur souvenir de cyclo, c’est ? le pire ?

J’ai pas mal de bons et de mauvais souvenirs. Dans les bons je dirai le week-end Chiappucci-Time Megève Mont Blanc avec le team, la Belle Martiniquaise avec le team. Les moins bons, La Marmotte quand j’ai abandonné à trois kilomètres de l’Alpe d’Huez parce que je n’étais plus dans les temps que je m’étais fixé ! Je sais c’est assez ridicule et je n’en suis pas trop fier.

En 2018, tu as fait, entre autres, les Strade Bianche, c’était comment ? à recommander ?

C’est vraiment une épreuve à faire si on en a la possibilité. C’est à la fois différent par le parcours avec ses longs passages en terre battue et en même temps on retrouve l’esprit cyclo dont je parlais au début, le parcours n’est pas extrêmement long mais il est difficile surtout dans le final avec la fameuse arrivée dans Sienne. J’espère pouvoir la refaire cette année encore !

Les femmes sont-elles l’avenir des cyclos ?

Les femmes sont l’avenir du vélo tout court !