Cadel, l’année prochaine, l’équipe BMC va s’adjoindre les services de coureurs très complémentaires comme Philippe Gilbert et Thor Hushovd, comment imaginez-vous une collaboration avec ces champions-là ?
J’ai déjà eu l’occasion de courir avec Philippe Gilbert, ce sera un plaisir de se retrouver. Thor Hushovd, je ne le connais pas mais je sais qu’il sera un grand coéquipier. Ces recrues vont apporter beaucoup à l’équipe en termes de résultats, notamment sur la première partie de la saison. L’équipe n’aura plus exclusivement à se reposer sur moi pour obtenir des résultats avant le Tour. C’est d’ailleurs ce qu’elle a cherché à faire cette année en ne me mettant pas de pression en début d’année et en me permettant de me concentrer sur juillet. Etant donné que ça a marché comme ça, ça me permet en plus de réaliser une fin de saison légère. C’est bon pour le moral d’une équipe d’avoir des coureurs qui marchent en début de saison. L’année prochaine je courrai à nouveau pour tenter de gagner le Tour.

Une équipe qui souhaite gagner le Tour de France peut-elle se permettre d’engager un sprinteur comme Thor Hushovd dans son effectif ?
Une équipe avec Cadel Evans et Mark Cavendish ne fonctionnerait certainement pas ! Mais Thor est un coureur à part. Il est capable de prendre des échappées. Quand on voit ce qu’il a fait cette année en remportant l’étape de Lourdes, après le franchissement de l’Aubisque, ça répond assez bien à la question d’engager un coureur comme lui dans une équipe qui vise le maillot jaune. Ce ne sera d’ailleurs pas la première fois que je partagerai la vedette avec un sprinteur. C’est arrivé avec Robbie McEwen chez Lotto.

Philippe Gilbert, lui, est le patron dans l’équipe Omega Pharma-Lotto. Comment allez-vous vous adapter à sa forte personnalité ?
J’ai été dans la même équipe que lui par le passé. En tant que coureur, c’est un champion de caractère. Pour faire ce qu’il fait il faut bien cela. Mais en tant que personne il a un très bon tempérament. Je pense que nous allons très bien nous entendre et qu’il va très vite s’adapter à l’équipe, dans laquelle il retrouvera d’autres coureurs et membres du staff issus de Belgique.

Le recrutement semble davantage s’être orienté sur des coureurs de classiques, pas nécessairement sur des alliés naturellement taillés pour aider un leader sur le Tour…
L’équipe que nous avions cette année était fantastique. Elle a été capable de m’épauler partout, à commencer par le contre-la-montre par équipes, dans lequel le résultat du groupe a été excellent. Notre recrutement répond aussi à une volonté de nos partenaires, qui souhaitaient américaniser un peu l’effectif. Ce que nous avons fait en engageant un coureur comme Tejay Van Garderen, qui sera lui un vrai lieutenant important sur le Tour. C’est déjà un grand coureur, on l’a vu dans ses résultats les deux saisons passées.

BMC Racing Team se renforce, d’autres équipes aussi. Une grande structure australienne va voir le jour l’an prochain, Green Edge Cycling. Avez-vous été approché par Shayne Bannan ?
J’ai rejoint BMC en 2009 après avoir rencontré John Lelangue pour la première fois. Je me suis engagé sur un projet à long terme qui va bien au-delà de ma carrière sportive. John et moi nous sommes investis dans ce projet. Nous avons beaucoup de ressources mais aussi beaucoup de foi et de confiance l’un dans l’autre. Après ma victoire dans le Tour, c’est devenu une évidence de poursuivre notre collaboration. L’Australie a du retard dans ce domaine. C’est un pays qui a toujours voulu de bons coureurs et qui s’est souvent trouvé dans le Top 4 des nations. Le cyclisme ne fait pas partie de la culture comme cela peut l’être en Europe. Nous n’avons pas beaucoup de coureurs mais on a eu pas mal de succès. Ça fait longtemps que nous aurions dû avoir une équipe. Pour moi, ça vient trop tard dans ma carrière. Si l’équipe avait été créée quatre ou cinq avant, ça aurait certainement fait une différence. Je leur souhaite le meilleur.

Les équipes Leopard-Trek et RadioShack ont quant à elles choisi de fusionner l’an prochain, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Ce n’est pas bon signe quand deux grosses équipes comme ça ont besoin de fusionner, on verra ce que ça donnera lorsqu’ils commenceront à courir. Je ne connais pas les raisons de la fusion.

L’an prochain, les Jeux Olympiques suivront le Tour de France d’une semaine, y serez-vous ?
Je n’avais pas prévu de m’y rendre à l’origine, mais pour diverses raisons la fédération australienne souhaitait que j’intègre l’équipe nationale. Le parcours à Londres sera un peu comme celui de Copenhague, avec des montées plus difficiles. Je ne pensais pas qu’on me demanderait d’y aller mais ils ont besoin de gens qui savent courir. Je vais me préparer du mieux que je peux mais je ne me considérerai pas comme un favori. En revanche je ne ferai pas le contre-la-montre, qui est trop plat. Je l’avais fait à Pékin en 2008 mais là le timing ne me convient pas. Et puis Michael Rogers est plus taillé que moi pour ce genre de course.

Quels seront les principaux changements sur la première partie de votre saison ?
Je ne participerai pas au Tour Down Under. Ce n’est pas une course qui m’attire beaucoup. Elle intervient beaucoup trop tôt dans le calendrier. C’est une très belle épreuve, qui offre un beau coup de projecteur au cyclisme australien. Une très bonne épreuve pour les gars qui préparent le début de saison. Mais pour ceux qui, comme moi, pousseront l’an prochain jusqu’aux Championnats du Monde, ça fait long. Je n’ai pas encore fait mes plans pour l’année prochaine, on va étudier cela, mais je pense reprendre plus tard. Ma préparation au Tour passera à nouveau par le Dauphiné.

Vous avez déjà remporté la Flèche Wallonne, avez-vous toujours en tête de gagner une classique de printemps ?
J’ai en tête d’y participer. J’aime les Ardennaises et les courses d’un jour, mais cette année je me suis concentré sur le Tour et ça a bien marché. Ce ne sera donc pas un objectif l’an prochain. J’y épaulerai davantage Philippe Gilbert. Encore une fois, la saison sera longue, avec les Jeux Olympiques et les Mondiaux. Et si je participe à ces deux épreuves, c’est pour y être en bonne forme.

Si vous deviez à nouveau finir 2ème du Tour l’an prochain, ce serait une déception ?
Non, on verra. Si c’est le cas, ce qui m’intéressera surtout c’est pourquoi je suis redevenu 2ème. Je suis arrivé 2ème par le passé, et c’était un super résultat. Tout le monde n’est pas d’accord mais il faut regarder le tableau complet, pas simplement la place à l’arrivée. Il faut analyser pourquoi je suis arrivé 2ème : si c’est parce que j’ai fait tout ce que je pouvais ou bien si c’est que je ne suis plus assez bon pour terminer 1er.

Avez-vous une idée du temps que vous passerez encore dans le peloton ?
Au moins jusqu’en 2014 ! Au départ, ma femme voulait que j’arrête plus tôt, mais maintenant que j’ai gagné le Tour de France elle comprend et elle m’encourage ! « Tant que tu es bon, continue », me dit-elle, « le jour où tu deviendras mauvais tu arrêtes ». J’ai le même sentiment. Tant que je peux avoir de bons résultats, je veux continuer. Je prends encore du plaisir, et spécialement ces deux dernières années. Ma motivation est au summum.

Propos recueillis à Gargas le 21 septembre 2011.