A 35 ans désormais, le Stéphanois Cyril Dessel est le capitaine de route de l’équipe Ag2r La Mondiale. Un coureur expérimenté qui semble mieux réussir les années paires, tel qu’il l’avait fait en 2006 (vainqueur du Tour Méditerranéen et du Tour de l’Ain, Maillot Jaune du Tour de France et 6ème du classement général) et en 2008 (vainqueur d’étapes au Tour de France, au Dauphiné, au Tour de Catalogne et aux Quatre Jours de Dunkerque). Aussi, après une année 2009 beaucoup trop discrète, Cyril Dessel entend bien exploiter la chance qui lui sourit les années paires pour s’illustrer en 2010. Le physique est déjà là, comme il a pu s’en rendre compte en Australie, et le mental est revigoré par l’arrivée dans les rangs d’Ag2r La Mondiale de jeunes loups aux dents longues. Des coureurs aguerris qui ont déjà su ranimer les ambitions du Stéphanois.

Cyril, vous avez fait votre rentrée au Tour Down Under, quelles ont été vos premières sensations de l’année ?
Je suis assez satisfait de ma condition. En Australie, j’étais pas mal. Il m’a manqué un petit peu de rythme. On a fait beaucoup de foncier au mois de décembre, on a pas mal roulé, mais quand tu habites Saint-Etienne, ce n’est pas facile pour s’entraîner l’hiver. Je suis en plus un coureur qui aime bien aller m’entraîner dans les bosses, faire du rythme, donc l’hiver c’est dur. Mais j’étais malgré tout pas mal en Australie. Il ne m’a pas manqué grand-chose pour accompagner les meilleurs dans le Mont Willunga. Je suis arrivé devant, dans le premier groupe, mais je n’ai pas pu accompagner les quatre coureurs qui sont sortis. Il faut dire qu’il y avait là Evans, Sanchez et Valverde quand même !

De quoi vous mettre en confiance pour les semaines à venir ?
Oui, mes sensations sont pas mal. Je pense qu’en 2006, quand je suis sorti du Tour Down Under et que j’ai gagné le Tour Méditerranéen, je n’étais pas mieux que je ne le suis là. Il me reste à bien négocier ce retour en France. J’espère que les conditions à la maison ne seront pas trop mauvaises. A partir de là, j’espère faire quelques résultats d’ici Paris-Nice.

Vincent Lavenu a mis l’accent sur un début de saison en fanfare, pourquoi cela n’a-t-il jamais vraiment marché les années précédentes ?
Je pense que cette année ça peut marcher. Le recrutement a été plus judicieux. J’ai le sentiment que l’équipe manquait de gagneurs. En 2008, nous avions réalisé une bonne année avec douze victoires mais quatre pour moi, deux pour Nocentini, deux pour Mondory… Combien de coureurs étaient capables de gagner des courses dans l’équipe ? Nous sommes pourtant une trentaine à porter le même maillot. Or cette année arrivent des coureurs comme Dimitri Champion, David Le Lay, Maxime Bouet ou Anthony Ravard, qui savent gagner des courses. Je pense que c’est cela qui nous manquait.

Ca devrait donc payer en début de saison ?
Tout le monde travaille pour être bien en début de saison. Après, ça marche ou ça ne marche pas. Mais tout le monde essaie de travailler pour arriver prêt en début d’année. Je pense que c’est la même musique dans toutes les équipes. Mais nous, je crois que ce qu’il nous manquait, c’étaient des coureurs qui savent gagner des courses. En ce sens, je pense que le recrutement est pas mal, et à mon avis ça va conditionner notre début de saison.

Estimez-vous que l’équipe a manqué d’ambition l’année dernière ?
Oui, complètement. Je prenais le départ des courses sans être vraiment dedans. En réalité, il nous arrivait de savoir très bien que personne ne pouvait gagner la course sur laquelle nous étions alignés. Tu prenais le départ pour essayer de bien faire, pourquoi pas aller chercher une place. Maintenant je ne dis pas que cette année ça n’arrivera plus, d’ailleurs ça n’arrive pas que chez nous, mais je pense que ça arrivera moins car nous avons plus de coureurs qui savent gagner.

Et ça change tout…
Oui car il suffit qu’un mec ou deux soit au départ avec la conviction de pouvoir gagner pour tirer tout le monde vers le haut et offrir à chacun une belle course. Peut-être qu’à la fin tu n’as pas la victoire mais au moins tu as une belle course et tu vas aller faire une place. Alors que quand tu pars perdant au départ, tu cours sans motivation. Il ne s’agissait pas d’un manque d’ambition mais d’un manque de potentiel.

De votre côté, avez-vous modifié votre approche de la saison ?
Ce qui a changé surtout, c’est que l’année dernière j’ai couru jusqu’au Tour de Lombardie. Souvent, je m’arrêtais mi-septembre, donc je me suis forcé à attendre. Même si je n’étais pas forcément brillant, j’ai terminé les courses et c’est déjà ça de pris. L’idée était de garder une bonne condition jusqu’à fin octobre pour reprendre moins bas que les autres années. Je pense que ça va m’apporter en début de saison, en tout cas je me sens pas trop mal. Pour le reste, je n’ai pas changé grand-chose, j’ai roulé de la même manière avec le sentiment tout de même de partir moins bas que les autres années.

Vous avez soufflé vos 35 bougies en novembre dernier. Dans votre préparation, commencez-vous à ressentir les effets de l’âge ?
Pas à l’entraînement. Disons que contrairement à certains coureurs qui vieillissent, je ne ressens pas le besoin de rouler plus. Après, là où j’ai peut-être un peu plus de mal avec l’âge, c’est au niveau des sacrifices : l’alimentation, maigrir, tout ça… Mais à l’entraînement, je n’ai jamais été un coureur qui ait besoin de beaucoup de kilomètres pour être performant. J’ai un gabarit assez léger et j’ai tendance à avoir du mal à récupérer si on me fait faire de grosses charges de travail. Je cherche surtout le juste milieu entre le travail et la récupération. Avec l’expérience, j’arrive mieux à jongler entre tout cela.

Par où va passer la suite de votre saison ?
Initialement, je dois faire le Tour Méditerranéen, le Tour du Haut Var puis les Boucles du Sud-Ardèche avant Paris-Nice. Maintenant, le programme peut évoluer car nous avions postulé sur certaines courses comme le Tour de l’Algarve et la Ruta del Sol mais nous n’avons pas été retenus. Donc des coureurs ne vont pas courir. Avec vingt-huit gars dans l’effectif, il faudra bien les faire courir, donc j’ignore si je serai concerné par un changement de programme.

Il est une évidence que vous marchez les années paires, 2010 devrait être un bon cru ?
Oui, c’est une statistique qui ne trompe pas, effectivement. Et j’espère qu’elle va marcher encore cette année-là. En tout cas j’ai gardé la même motivation. Je suis un coureur assez fragile mentalement. Il faut vraiment que le physique et le mental soient en ligne pour que ça fonctionne. Quand il y a un grain de sable d’un côté, pour moi c’est difficile. En principe, une année sur deux, je suis épargné de petits pépins. Ca me donne de l’enthousiasme et ça fonctionne.

Propos recueillis à Paris le 26 janvier 2010.