De la folie furieuse ! Voilà ce qui devrait ressortir des quelques jours passés aux Pays-Bas dans le cadre du lancement du Giro 2010. Ce Grand Départ pour le moins exotique, loin des chaussées usuelles de la péninsule italienne, aura été plus spectaculaire que ne l’auraient imaginé les organisateurs italiens. Bien sûr, on trouvera toujours des réfractaires à ce genre de course-spectacle loin des racines du Tour d’Italie. Ce n’est pas que les routes de la Hollande soient si dangereuses – après tout on les emprunte bien sans risques au printemps – mais elles sont davantage l’apanage des chasseurs de classiques que celui des coureurs de Grands Tours. Et quand on invite ces coureurs à se frotter à ces routes-là, urbanisées, exposées au vent, et surtout placées en tout début de course, ça crée des tensions et des incidents similaires à ceux dénombrés hier.

On avait donc assisté il y a vingt-quatre heures à une sorte de carnage insensé, des coureurs gisant ici et là et des favoris cédant déjà du terrain sur des carambolages gigantesques. Ce qui va suivre aujourd’hui s’apparente à une course démoniaque. Sauf que cette fois, la tension électrique du peloton va être mise au profit d’une course de mouvement, nerveuse à souhait. A la grisaille des jours passés succède enfin un temps splendide, bien que frais. La troisième étape quitte Amsterdam pour de bon et prend la direction de Middelburg (224 km). Cette étape possède une étonnante particularité : celle d’emprunter une partie des routes qui seront au programme de la première étape en ligne du Tour de France, entre Rotterdam et Bruxelles ! Et c’est un vrai régal pour les yeux. Les paysages y sont extraordinaires, le peloton évoluant sur les polders, entre terre et mer. Des images fabuleuses qui vont marquer le Giro.

Loin de s’imaginer ce qui va se tramer dans leur dos, trois coureurs optent pour l’échappée du matin. Dès le départ, Olivier Kaisen (Omega Pharma-Lotto), Jérôme Pineau (Quick Step) et Tom Stamsnijder (Rabobank) s’échappent. Le trio prend huit minutes d’avance, ce qui doit normalement lui permettre d’occuper le devant de la scène une grande partie de la journée. Or les coureurs ne vont plus tarder à longer la mer du Nord, sur des routes bordant directement la côte et complètement exposées au vent. Le spectacle est fabuleux, les coureurs progressant sur une chaussée à l’asphalte rouge léchant la mer bleue. Mais il n’a échappé à personne que les hélices des éoliennes plantées ça et là tournent à plein régime. Le vent souffle sur la côte et le peloton accélère subitement. Il va reprendre le trio de tête à 90 kilomètres du but.

Des polders, des digues, des cassures, des chutes… et des favoris qui perdent encore du temps.

Le peloton est donc groupé très loin de l’arrivée et c’est une bataille d’une grande beauté qui s’annonce. Le long de la mer, le rythme soutenu imposé par quelques équipes provoque soudain, à 80 kilomètres de l’arrivée, le fractionnement du peloton en plusieurs groupes. Le paquet est scindé. Et les principales victimes de ce coup de bordure sont à nouveau Cunego et Simoni (Lampre-Farnese Vini), et le petit grimpeur Pozzovivo (Colnago-CSF Inox), tombé avant-hier, piégé hier et rejeté dans un troisième groupe loin de l’arrivée. Décidément, la montagne attendue en troisième semaine de course va lui sembler bien loin. Désormais repoussé à 9’30 » au classement général, ces étapes lui auront coûté toute chance de concourir pour un podium… Mais ce départ néerlandais marquera également les autres favoris, pas un jour ne s’étant écoulé sans qu’ils aient été sollicités. Et on est loin, très loin encore, des étapes les plus redoutables !

Avec l’explosion du peloton, la course est donc incandescente. On roule à tout rompre à tous les échelons. Mais si l’écart entre le groupe des favoris et le groupe Cunego va grimper au-delà de la minute, les poursuivants vont finir par profiter du bref retour de la course dans les terres pour refaire leur retard et opérer la jonction à 35 kilomètres du but. Or, à la faveur d’un nouveau détour sur les digues qui protègent de l’océan les étendues de terres inférieures au niveau de la mer, le peloton se scinde à nouveau. De nouvelles cassures sont enregistrées à 25 kilomètres de l’arrivée. De nouvelles chutes aussi, à l’image de celle qui contraint Christian Vande Velde (Garmin-Transitions), un outsider, à l’abandon. Mais dans cette course décousue, l’incident le plus marquant va intervenir à 15 kilomètres du but, dans un rétrécissement de la chaussée en bord de mer. Bradley Wiggins (Team Sky) et le porteur du Maillot Rose Cadel Evans (BMC Racing Team) sont jetés à terre. Pas de casse pour l’Australien, qui repart aussitôt et rentre seul, sans équipier, au prix d’une brève mais intense poursuite. Or dans l’incident, le peloton, déjà largement entamé par les multiples cassures, s’est scindé en deux ! Vingt-six coureurs sont partis en éclaireurs, parmi lesquels Alexandre Vinokourov (Astana) et Ivan Basso (Liquigas-Doimo), exemplaires de vigilance aujourd’hui.

Dans un final ébouriffant, de multiples groupes étant parsemés sur les routes, c’est la guerre entre le petit groupe des favoris (au sein duquel ont également pris place Stefano Garzelli et Vladimir Karpets) et le groupe des piégés. En Rose mais esseulé, Cadel Evans prend lui-même la direction des opérations. Il tente d’organiser une poursuite mais ne trouve guère de soutien. Et sur la ligne d’arrivée, ce sont 46 secondes que vont lâcher l’Australien, mais aussi Damiano Cunego et Carlos Sastre (Cervélo TestTeam). Alexandre Vinokourov hérite ainsi à son tour du Maillot Rose de leader. L’étape se conclut au sprint entre la vingtaine de rescapés d’une course démentielle. Et c’est le Belge Wouter Weylandt (Quick Step) qui se montre le plus rapide. Il précède Graeme Brown (Rabobank) et Robert Förster (Team Milram). Pour l’anecdote surtout car l’histoire retiendra avant tout la folie furieuse dégagée par ce périple néerlandais.

Demain mardi, les coureurs et l’ensemble de la caravane effectueront le transfert vers l’Italie, où la course reprendra mercredi entre Savigliano et Cuneo (33 km CLM/équipes).
Toutes les photos du Giro.

Classement 3ème étape :

1. Wouter Weylandt (BEL, Quick Step) les 224 km en 5h00’06 »
2. Graeme Brown (AUS, Rabobank) m.t.
3. Robert Förster (ALL, Team Milram) m.t.
4. Danilo Hondo (ALL, Lampre-Farnese Vini) m.t.
5. Adam Blyth (GBR, Omega Pharma-Lotto) m.t.
6. André Greipel (ALL, Team HTC-Columbia) m.t.
7. Linus Gerdemann (ALL, Team Milram) m.t.
8. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas) m.t.Doimo) m.t.
9. Thomas Rohregger (AUT, Team Milram) m.t.
10. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) m.t.
Classement complet

Classement général :

1. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) en 10h07’18 »
2. Richie Porte (AUS, Team Saxo Bank) m.t.
3. David Millar (GBR, Garmin-Transitions) à 1 sec.
4. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) à 5 sec.
5. Marcel Sierberg (ALL, Team HTC-Columbia) à 7 sec.
6. Matthew Goss (AUS, Team HTC-Columbia) à 10 sec.
7. André Greipel (ALL, Team HTC-Columbia) m.t.
8. Linus Gerdemann (ALL, Team Milram) à 12 sec.
9. Stefano Garzelli (ITA, Acqua & Sapone) à 15 sec.
10. Pieter Weening (PBS, Rabobank) à 16 sec.

Classement par points :

1. Graeme Brown (AUS, Rabobank) 28 pt
2. Wouter Weylandt (BEL, Quick Step) 27 pt
3. Tyler Farrar (USA, Garmin-Transitions) 25 pt
4. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) 25 pt
5. Andre Greipel (ALL, Team HTC-Columbia) 24 pt
6. Matthew Goss (AUS, Team HTC-Columbia) 22 pt
7. Brent Bookwalter (USA, BMC Racing Team) 22 pt
8. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) 20 pt
9. Robert Förster (ALL, Team Milram) 19 pt
10. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 16 pt

Classement de la montagne :

1. Paul Voss (ALL, Team Milram) 4 pt
2. Stefano Pirazzi (ITA, Colnago-CSF Inox) 4 pt
3. Rick Flens (PBS, Rabobank) 4 pt

Classement des jeunes :

1. Richie Porte (AUS, Team Saxo Bank) en 10h07’18 »
2. Matthew Goss (AUS, Team HTC-Columbia) à 10 sec.
3. Valero Agnoli (ITA, Liquigas-Doimo) à 25 sec.
4. Tom Stamsnijder (PBS, Rabobank) à 46 sec.
5. Jos Van Emden (PBS, Rabobank) à 50 sec.
6. Michael Morkov (DAN, Team Saxo Bank) à 56 sec.
7. Adam Blythe (GBR, Omega Pharma-Lotto) à 1’03 »
8. Robert Kiserlovski (CRO, Liquigas-Doimo) à 1’29 »
9. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) à 1’41 »
10. Jackson Rodriguez (VEN, Androni Giocattoli) à 5’00 »

Classement par équipes :

1. Team Saxo Bank (DAN) en 30h22’06 »
2. Team HTC-Columbia (USA) à 6 sec.
3. Astana (KAZ) à 7 sec.
4. Liquigas-Doimo (ITA) à 26 sec.
5. Team Milram (ALL) à 48 sec.
6. Rabobank (PBS) à 53 sec.
7. Garmin-Transitions (USA) à 4’59 »
8. Cervélo TestTeam (SUI) à 5’13 »
9. Omega Pharma-Lotto (BEL) à 9’34 »
10. Team Sky (GBR) à 9’40 »