Thomas, il y a sept ans, vous sauviez de justesse votre maillot jaune au Plateau de Beille. Cette fois vous avez carrément fait jeu égal avec les favoris !
Je ne sais pas quoi dire, j’avoue être vraiment surpris. J’avais espoir de garder le maillot jaune depuis Luz-Ardiden, où je me suis bien senti. Disons surtout que j’étais moins battu dans la tête que le matin du 14 juillet. Ce n’est pas pour autant que j’étais serein.

A quoi avez-vous pensé dans la dernière ascension ?
En fait je n’ai pas réfléchi. J’ai remarqué qu’il y avait du vent dans la vallée, je me suis dit que ça allait souffler dans le Plateau de Beille et qu’il me fallait être à l’abri, jamais dans le vent. C’est pourquoi j’ai toujours réagi quand quelqu’un prenait de l’avance. Je me suis mis dans le rouge mais les autres aussi je pense. J’aurais sans doute explosé s’ils avaient été un cran au-dessus, mais ils ne le pouvaient pas. Quand ça attaquait, tout le monde rentrait, c’était mon souhait car systématiquement, ça temporisait ensuite.

Vous avez semblé parmi les plus costauds du groupe des favoris. Etiez-vous le plus fort ?
J’ai réussi à suivre les meilleurs au prix d’une souffrance terrible. Mais les autres aussi souffraient. Après, ça ne m’intéresse pas de savoir qui était le plus fort. Mon objectif était de sauver le maillot, je m’en sentais capable… mais pour un coup de quelques secondes, comme en 2004. Je ne m’attendais certainement pas à finir avec les favoris.

Vous accompagnez les meilleurs jusqu’au bout, qu’est-ce qui a changé par rapport à 2004 ?
Lance Armstrong était monté plus vite à l’époque que nous ne l’avons fait aujourd’hui. Il m’aurait mis plusieurs minutes sur un tel final. Bien qu’il soit difficile de comparer deux étapes entre elles en raison du parcours différent ou du vent, il est certain que j’ai progressé par rapport à 2004. A l’époque j’avais 25 ans, j’en ai sept de plus. J’ai les meilleures jambes de ma carrière, c’est clair et net, soyons objectifs. Mais c’est sûr qu’en 2004, même avec les jambes d’aujourd’hui, je n’aurais pas pu suivre Lance Armstrong et Ivan Basso…

Le scénario de la montée finale traduit-il un mieux quant à la bonne santé du cyclisme ?
Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que c’était un bon scénario pour moi, avec du vent, les leaders qui se neutralisaient à chaque attaque. Il y a eu des attaques, j’arrivais à y répondre, mais je me disais pourvu que l’accélération ne dure pas trop longtemps, et c’était le cas. J’ai été content de pouvoir répondre aux attaques et qu’elles ne se prolongent pas trop puisque les favoris se regroupaient à chaque fois.

Assiste-t-on à un cyclisme à visage plus humain ?
Vous savez, je pense que depuis que je suis passé pro en 2001, les choses vont vraiment mieux dans le vélo. Ca, c’est sûr. J’ai compris depuis quelques années qu’il ne fallait pas faire attention à ce qui se passait autour. Je fais du vélo selon mes idées, de la façon dont j’aime faire du vélo. Il faut être objectif, ça va quand même de mieux en mieux quand on voit que toutes les instances du cyclisme vont dans le même sens. Et dans le bon sens.

Avez-vous été inquiet quand les Leopard-Trek se sont mis en file indienne plus tôt dans l’étape ?
Inquiet, non, pas du tout. Je pense que, ayant les deux favoris du Tour dans leurs rangs, il était normal qu’ils viennent rouler. L’échappée du jour possédait vingt-quatre coureurs, le mieux placé étant Sandy Casar. J’ai retiré l’oreillette car je n’aime pas trop ça, mais avant j’ai dit aux gars qu’on n’agirait pas en fonction de qui était présent dans l’échappée. Les gars ont très bien travaillé. Dans la dernière montée, je n’ai plus réfléchi.

Vous dites avoir atteint le meilleur niveau de votre carrière, jusqu’où pensez-vous allez comme ça ?
En 2009, on m’avait dit que c’était ma meilleure saison. On a pu dire la même chose en 2010, et je crois qu’on pourra en dire autant de 2011. Bien sûr, si je tombe demain et que j’arrête ma saison comme ça, je me mordrai la langue. Je suis dans mes meilleures années, c’est clair, mais je ne peux pas vous donner d’explication. Je n’ai jamais eu l’ambition de finir avec les favoris au Plateau de Beille. Alors je n’ai pas de réponse quant à ce que je réalise aujourd’hui. J’ignore jusqu’où je peux aller.

Propos recueillis au Plateau de Beille le 16 juillet 2011.