Un Tour de France qui prétend prioriser les rouleurs avec 101,4 kilomètres de contre-la-montre sur l’ensemble des trois semaines de course ne pouvait pas transiter par la Normandie sans faire une halte au pays de Jacques Anquetil. Au moment où le peloton prend son virage vers l’est du pays, où l’on ira chercher en fin de semaine les premiers massifs dits intermédiaires, le Tour fait escale à Rouen (Seine-Maritime), après 214,5 kilomètres au départ d’Abbeville (Oise). Vingt-cinq ans après le décès de Maître Jacques, qui remporta cinq fois le Tour de France entre 1957 et 1964 et fut surtout le premier maître de l’exercice chronométré, la Grande Boucle rejoint Rouen dans une quatrième étape qui présente un gros danger, localisé entre Mers-les-Bains et Fécamp. Ce danger, c’est la baie de Somme, venteuse, que lèche la course sur 110 kilomètres.

Le saisissant littoral picard et la beauté sauvage de sa côte aux falaises de craie étourdissent le suiveur mais recèlent des périls prompts à faire bouger les positions entre les favoris au classement général. La baie de Somme, c’est un peu la résidence secondaire du dieu Eole. Ici le vent souffle en permanence et inspire les plus grandes craintes à ceux qui, depuis que le prologue a établi une première hiérarchie samedi à Liège, s’attachent à préserver leurs acquis, à se placer loin des chutes, sans trop s’occuper encore des coureurs qu’ils auront à combattre dans les jours à venir. La bataille, si elle est quotidienne sur les routes du Tour, est d’abord psychologique. Ce sont les équipiers des leaders qui sont sollicités. Le peloton est supra armé pour faire face au vent. Intimidé, celui-ci se dérobera finalement, faisant faux bond à ceux qui s’apprêtaient à lutter contre lui. Au diable les bordures, ce sera une journée sans heurts. Presque.

Le vent absent, les orages annoncés ne tonneront pas davantage. Ceux qui démarrent au départ réel, kilomètre 0, n’en sont pas encore avisés. Pensant pouvoir saisir une opportunité si le mauvais temps s’en mêlait, trois coureurs filent à l’anglaise en direction des côtes picardes. Le Japonais Yukiya Arashiro (Team Europcar), initiateur de l’échappée du jour, emmène avec lui David Moncoutié (Cofidis), qu’on n’a jamais vu devant sur un tel terrain, et Anthony Delaplace (Saur-Sojasun), à nouveau devant trois jours après un premier raid. Le Normand va rattraper une partie du retard pris sur Michael Morkov (Team Saxo Bank-Tinkoff Bank), qui passe enfin son tour après avoir participé jusqu’alors à toutes les échappées et accompli 523,5 kilomètres devant. Avec deux fugues au compteur, Delaplace revient à 130 bornes de Morkov : 396,5 km.

Quand les gros bras se frictionnent, Mark Cavendish finit au sol.

Cette échappée à trois, à laquelle le peloton accorde un bon de sortie immédiat, c’est aussi l’occasion pour David Moncoutié de marquer ses premiers points au classement de la montagne. Le quadruple meilleur grimpeur du Tour d’Espagne n’a pas fait du maillot à pois son objectif, d’ailleurs Anthony Delaplace lui contestera la moitié des points du jour dans les côtes qui jalonnent la baie de Somme, mais il pourrait en faire une ambition au fil du Tour. En plus d’une victoire d’étape. Celle-ci, ce n’est pas en Normandie qu’il ira la chercher, de toute façon. Bien que le peloton lâche très vite du lest au trio de tête, pointé 8’40 » devant le gros de la troupe après 16 kilomètres, il reprend très vite le contrôle en direction de Rouen. Yukiya Arashiro, Anthony Delaplace et David Moncoutié seront rejoints à 7 kilomètres de l’arrivée, dans une côte non répertoriée au classement de la montagne mais que certains opportunistes ont pris soin de cocher.

Et c’est encore Sylvain Chavanel (Omega Pharma-Quick Step) qui passe à l’action ! Décidément, le Châtelleraudais tient coûte que coûte à gommer les 7 petites secondes qui lui font défaut au classement général. Son entreprise si près de l’arrivée est plus audacieuse que celles de Seraing ou de Boulogne-sur-Mer. Tout aussi infructueuse. Le dernier assaillant s’efface à l’entrée de Rouen, les sprinteurs s’expliqueront sur les quais de la Seine. Pas tous les sprinteurs. A l’abord d’un rétrécissement de la chaussée, à un peu moins de 3 kilomètres de l’arrivée, quelques gros bras se frictionnent. La chute est lourde. Elle survient aux premiers rangs du peloton, où se toisent ceux qui s’apprêtent à lâcher les freins. Mark Cavendish (Team Sky) est au sol. Maillot arc-en-ciel râpé, troué, souillé, le champion du monde est intact ou presque. Il rentrera au bercail derrière le peloton, privé du sprint sur lequel il était focalisé, et le visage fermé.

La revanche étant un plat qui se mange froid, le final de cette quatrième étape aura donc été trop chaud pour nous glorifier d’un nouveau duel entre Mark Cavendish et Andre Greipel (Lotto-Belisol). Sauté sur la ligne lundi à Tournai, l’Allemand n’a plus d’adversaire à sa hauteur quand ses trois équipiers le propulsent à 200 mètres de la ligne. Alessandro Petacchi (Lampre-ISD) et Tom Veelers (Argos-Shimano) resteront derrière lui. Andre Greipel remporte un sprint en comité restreint, mais un sprint quand même, ajoutant un deuxième succès sur le Tour à son palmarès après celui obtenu l’an passé à Carmaux. Le peloton, dont la journée s’était passée paisiblement – si ce n’est peut-être pour Vincenzo Nibali (Liquigas-Cannondale) impliqué dans un accrochage à une quarantaine de kilomètres du but – finit en ordre dispersé. Sans perte de temps.

Demain jeudi, les sprinteurs seront à nouveau attendus entre Rouen et Saint-Quentin (196,5 km).

Classement 4ème étape :

1. André Greipel (ALL, Lotto-Belisol) les 214,5 km en 5h18’32 » (40,4 km/h)
2. Alessandro Petacchi (ITA Lampre-ISD) m.t.
3. Tom Veelers (PBS, Argos-Shimano) m.t.
4. Matthew Goss (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
5. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) m.t.
6. Jonathan Cantwell (AUS, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) m.t.
7. Daryl Impey (AFS, Orica-GreenEdge) m.t.
8. Kris Boeckmans (BEL, Vacansoleil-DCM) m.t.
9. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) m.t.
10. Ruben Perez (ESP, Euskaltel-Euskadi) m.t.

Classement général :

1. Fabian Cancellara (SUI, RadioShack-Nissan) en 20h04’02 »
2. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) à 7 sec.
3. Sylvain Chavanel (FRA, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
4. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 10 sec.
5. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) à 11 sec.
6. Denis Menchov (RUS, Team Katusha) à 13 sec.
7. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 17 sec.
8. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 18 sec.
9. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Sharp) m.t.
10. Andreas Klöden (ALL, RadioShack-Nissan) à 19 sec.

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) 147 pt
2. Matthew Goss (AUS, Orica-GreenEdge) 92 pt
3. Andre Greipel (ALL, Lotto-Belisol) 87 pt
4. Mark Cavendish (GBR, Team Sky) 86 pt
5. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) 81 pt
6. Fabian Cancellara (SUI, RadioShack-Nissan) 74 pt
7. Alessandro Petacchi (ITA Lampre-ISD) 71 pt
8. Tom Veelers (PBS, Argos-Shimano) 56 pt
9. Mark Renshaw (AUS, Rabobank) 46 pt
10. Michael Morkov (DAN, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) 40 pt

Classement de la montagne :

1. Michael Morkov (DAN, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) 9 pt
2. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Cannondale) 2 pt
3. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) 2 pt
4. Anthony Delaplace (FRA, Saur-Sojasun) 2 pt
5. David Moncoutié (FRA, Cofidis) 2 pt
6. Pablo Urtasun (ESP, Euskaltel-Euskadi) 1 pt
7. Tony Gallopin (FRA, RadioShack-Nissan) 1 pt
8. Sébastien Minard (FRA, Ag2r La Mondiale) 1 pt

Classement de la combativité :

1. Yukiya Arashiro (JAP, Team Eurocpar)

Classement des jeunes :

1. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) en 20h04’12 »
2. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) à 1 sec.
3. Rein Taaramae (EST, Cofidis) à 12 sec.
4. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) à 13 sec.
5. Wouter Poels (PBS, Vacansoleil-DCM) à 14 sec.
6. Thibaut Pinot (FRA, FDJ-BigMat) à 37 sec.
7. Steven Kruijswijk (PBS, Rabobank) à 43 sec.
8. Rafael Valls (ESP, Vacansoleil-DCM) à 51 sec.
9. Tony Gallopin (FRA, RadioShack-Nissan) à 1’28 »
10. Gorka Izaguirre (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 2’30 »

Classement par équipes :

1. Team Sky (GBR) en 60h12’40 »
2. RadioShack-Nissan (LUX) à 4 sec.
3. BMC Racing Team (USA) à 6 sec.
4. Omega Pharma-Quick Step (BEL) à 13 sec.
5. Liquigas-Cannondale (ITA) à 29 sec.
6. Team Katusha (RUS) à 38 sec.
7. Vacansoleil-DCM (PBS) à 50 sec.
8. Astana (KAZ) à 52 sec.
9. Rabobank (PBS) à 1’01 »
10. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 1’51 »