Tous les deux jours, Anthony Delaplace (Saur-Sojasun) nous ouvre son journal de bord à travers une interview. Sensations personnelles, atmosphère dans l’équipe, il est notre témoin privilégié au cœur du peloton du Tour de France.

Anthony, on vous a revu à l’attaque mercredi vers Rouen. Qu’est-ce qui vous a motivé à reprendre un tour pour l’échappée trois jours après votre premier raid ?
Au briefing à Abbeville, nous avions désigné deux coureurs pour aller dans l’échappée, à savoir Julien Simon et moi. J’ai sauté sur l’occasion dès qu’elle s’est présentée, et je me suis retrouvé devant. C’était en plus une étape en Normandie avec l’arrivée à Rouen, pas très loin de chez moi. C’est toujours motivant d’être échappé sur ses terres. Maintenant, c’est vrai que l’échappée avait très peu de chances d’aller au bout, mais il ne faut présager de rien et toujours tenter, l’équipe n’ayant de toute façon pas de sprinteur.

On a le sentiment qu’il est facile de prendre un ticket pour la bonne échappée sur ce Tour, la première attaque étant toujours la bonne, le confirmez-vous ?
Tout à fait. C’est vrai que ça ne bataille pas du tout. Depuis le départ du Tour à Liège, l’échappée part au kilomètre 0. L’an dernier ça partait aussi vite mais ça bataillait quand même davantage pour être dans l’échappée, même sur 15 ou 20 kilomètres. Cette année en revanche ça part d’entrée de jeu.

Comment l’expliquer ?
Tout le monde a les mêmes consignes. Peu d’équipes ont pour objectif de prendre l’échappée. On ne rencontre pas beaucoup de coureurs motivés pour faire ces échappées mais il faut quand même essayer de les prendre. Pour faire le spectacle, d’une part, c’est important pour le public, et pour viser une victoire d’étape. On l’a vu hier, si les quatre de tête avaient collaboré jusqu’aux 500 mètres, ils auraient je pense été au bout. Ça se joue parfois à pas grand-chose. Une chute qui désorganise le peloton et c’est l’échappée qui va au bout.

On dit que le peloton décide de tout, quelle est donc la tactique à adopter pour le surprendre dans le final ?
Le peloton se cale effectivement sur notre rythme à nous, les échappés, alors rien ne sert de bourriner pour prendre un maximum d’avance. Sur ce point c’est lui qui décide. Les 150 premiers kilomètres, il faut surtout gérer, rouler à un bon rythme, bien collaborer avec les autres, et garder des forces pour commencer vraiment à accélérer dans les 50 derniers kilomètres. Dans les 25 derniers kilomètres, on donne alors tout sans plus se poser de questions. C’est vraiment une question de gestion de l’effort.

Vous avez réalisé deux longues échappées, avez-vous récupéré de la même manière à chaque fois ?
Après ma première échappée dimanche, j’étais bien le lendemain vers Tournai. J’ai réussi à faire mon boulot pour Jérôme Coppel dans le final. Hier en revanche, j’étais beaucoup moins bien au lendemain de mes efforts en tête de course. Je suis encombré des bronches, ce qui me pose quelques problèmes pour respirer. J’attends que ça se passe. J’ai eu plus de mal à récupérer, heureusement que nous avions vent de dos et que ça n’a pas roulé trop vite.

Hier soir, l’équipe Saur-Sojasun a fait le transfert entre Saint-Quentin et Epernay juste après l’arrivée, ça complique les choses ?
D’abord, sur le Tour, les arrivées sont souvent tardives, ce qui fait que nous arrivons tard à l’hôtel. C’était encore pire hier. Nous sommes arrivés à l’hôtel à 19h15. J’ai fini le massage à 21h15 et fini de manger à 22h00. Je n’ai pas trop eu le temps de me poser. Un petit coup de fil à ma copine et au lit pour récupérer !

Certaines équipes étaient hébergées sur le site d’arrivée et ont dès lors dû faire le transfert au matin. Que préférez-vous entre les deux options ?
J’aime mieux dormir plus tard le matin ! Donc je préfère faire le transfert le soir, ce qui nous permet de dormir un peu plus tard. C’est mon sentiment mais après ça dépend de chaque coureur.

Demain, on va aborder la moyenne montagne en Haute-Saône, est-ce une transition difficile à la sortie d’une semaine de plaine ?
C’est vrai qu’il va falloir retrouver le coup de pédale de la montagne. Depuis une semaine, on met de gros braquets toute la journée et ce n’est pas du tout le même type d’étape. Il va falloir reprendre le coup de pédale, même si demain il n’y aura que l’arrivée à la Planche des Belles Filles qui sera vraiment dure. Le premier col étant en milieu d’étape, je pense qu’on va le monter tempo. Après ces étapes du week-end, il faudra se tourner vers le chrono. La deuxième semaine de course va être totalement différente de la première mais je pense que le coup de pédale va revenir assez facilement.

Propos recueillis à Epernay le 6 juillet 2012.