Yvon, à l’heure des bilans d’après-Tour, quel est celui de Cofidis ?
C’est un bilan partagé. Nous aurions bien aimé arriver à décrocher une étape, comme toutes les équipes. A deux ou trois reprises, ce n’est pas passé loin. Maintenant, ça fait partie du jeu. Il faut aussi souligner les points positifs. Sur ce Tour, nous avions quatre néophytes. Ils sont tous les quatre à Paris avec un bon comportement sur le Tour. Ils ont essayé. Tous les coureurs quasiment sont partis dans des échappées. La volonté et l’envie étaient là, même si nous sommes conscients qu’il reste du travail à faire.

Quel regard portez-vous sur la performance de Rein Taaramae ?
Nous avons eu la confirmation de son grand potentiel. Il a démontré toute sa classe dans la montée de la Planche des Belles Filles puis dans le dernier chrono. Il a vécu les moments difficiles que l’on pouvait craindre compte tenu de sa préparation. Mais je pense que le futur lui appartient. Et si l’on sait l’accompagner dans sa quête de stabilité dans la performance, je crois qu’il est capable de réaliser de grandes choses sur le Tour.

Il y a eu des moments difficiles…
Oui, comme tout le monde le sait. Il y a eu la perte de David Moncoutié sur chute alors qu’il était en train de montrer la voie à l’équipe après le passage difficile connu avec l’éviction de Rémy Di Gregorio. David était à l’attaque, il marchait bien, mais est sorti du Tour sur une chute. Ce n’est agréable pour personne, ni pour le collectif ni pour lui à titre individuel. Mais les nouvelles sont rassurantes. Il sera au Tour de l’Ain puis il fera je pense une belle Vuelta.

A titre personnel, vous qui êtes arrivé à la tête de Cofidis juste avant le départ du Tour de France, ça a été un sacré baptême du feu ?
Ça fait partie des moments qui ne sont pas les plus agréables dans notre métier. Mais je suis resté fidèle à ma ligne de conduite. J’ai mes convictions, mes valeurs, j’essaie de rester le plus clair possible pour expliquer des choses qu’on a parfois du mal à comprendre. Le but, maintenant, est de rebondir. On a essayé de tourner la page au plus vite, c’était important pour les coureurs. Les gens ont bien réagi, le public aussi. Tout le monde a pris la mesure de ce qui s’était passé, de cette erreur individuelle. Maintenant, on se projette vers l’avant.

Qu’est-ce qu’il va falloir changer ?
L’idée, c’est de redonner une chance aux jeunes et de renforcer une partie du potentiel sportif de l’équipe. Si on veut être ambitieux, il faut apporter un petit peu de plus-value et d’expérience au groupe, donner du temps au travail et retirer de la pression aux jeunes.

Cette expérience, vous la prendriez en France ou à l’étranger ?
On a de bons coureurs en France mais de par mon vécu ouvert je regarde aussi ce qui se fait à l’étranger. Tout le monde sait mon attachement au cyclisme français, mais aujourd’hui le cyclisme de haut niveau est internationalisé. On ne peut pas se priver des talents qui sont dans les autres pays. Il faut arriver à avoir une cohérence de constitution d’équipe et se donner des paliers à franchir dans le temps.

Les bonnes nouvelles cette saison pour Cofidis, ce sont le prolongement du contrat avec l’équipe cycliste et votre arrivée à sa tête ?
La première c’est certain, la seconde ce n’est pas à moi de le dire ! Le fait d’arriver avec de la visibilité, pour moi, c’est intéressant et c’est une source de motivation. Il n’y a que dans ce cadre que l’on peut bâtir et essayer de remplir l’objectif que l’on s’est fixé.

Que retenez-vous de ce Tour de France 2012 ?
Je retiens d’abord une formidable édition pour le cyclisme français. Des jeunes qui émergent et font de vraies belles choses. Il ne faut pas s’emballer mais c’est porteur pour l’avenir. Ensuite il y a la victoire d’un grand champion. Il faut souligner que Bradley Wiggins est quand même multiple champion olympique sur piste et il vient de gagner le Tour de France. Ce n’est pas rien en termes de gageure, et je crois que ça marquera l’histoire du vélo.

La victoire de Bradley Wiggins apparaît un peu fade dans la manière dont il l’a construite, que diriez-vous de réduire le nombre de coureurs par équipes pour relancer l’intérêt du Tour ?
Il faut savoir ce qu’on veut. Le Tour ça reste une épreuve par équipes. Il n’est pas évident de réduire le nombre de coureurs par équipes, même si ça permettrait l’accueil d’une formation de plus. Est-ce la solution pour avoir un Tour plus débridé, je n’en suis pas certain. Je reste partisan du travail collectif, de la gestion d’équipe. Le problème c’est qu’on a eu ici un coureur au sommet de son art, qui maîtrisait les choses, et finalement on s’aperçoit que les grimpeurs ont tous eu un jour sans, pas Wiggins. Les choses ont été scellées non pas au bout de 101 kilomètres de contre-la-montre mais au bout de 50. Le Maillot Jaune a été complet, à la fois présent en montagne et dans les chronos.

Un meilleur équilibre entre les contre-la-montre et la montagne n’aurait rien changé ?
L’enjeu c’est quand même de faire varier les situations d’une année sur l’autre. Ça remotive des coureurs, on a des configurations de course différentes. Le contre-la-montre par équipes reste un bel exercice même si c’est une journée très compliquée, de belles arrivées en altitude parlent au public. Mais le vainqueur du Tour cette année est un gros rouleur qui passe bien la montagne. On pourrait ajouter de la difficulté sur de la difficulté, les coureurs n’auraient pas pu donner plus.

Propos recueillis à Paris le 22 juillet 2012.