Plus d’une demi-heure après Lilian Calmejane (Direct Energie), 37’33 » précisément, Arnaud Démare (FDJ) a franchi la ligne d’arrivée. Il était évident que le champion de France n’avait aucune chance de lever les bras à la Station des Rousses, mais en le voyant lâcher prise très tôt dans la journée, l’inquiétude de finir hors délais s’est fait sentir. En montagne, l’objectif d’un sprinteur est d’accrocher le gruppetto, ce petit peloton qui se forme loin du groupe de tête et qui s’unit pour terminer l’étape dans les temps. Or dès les premiers contreforts du jour, l’ancien maillot vert s’est fait décrocher. Heureusement pour lui, ses deux équipiers Mickaël Delage et Ignatas Konovalovas l’ont attendu, pour finalement passer toute la journée à ses côtés.

« Arnaud a eu un jour sans et on a fait la journée à trois derrière, résume Delage après sa douche. Avec Konovalovas on a fait une sacrée partie à deux parce qu’Arnaud n’était pas bien. » Le sacrifice d’un coureur pour son leader est, dans ces cas-là, presque sentimental. « Je pense qu’il y a une chose à retenir de tout ça c’est qu’il faut aimer son leader pour faire ça. » Et cet amour est visiblement réciproque, comme l’affirme Démare, assis sur les marches de son bus. « Je pense que la manière dont ils ont roulé c’est bien plus que du travail, c’est aussi de l’amour. Mes deux anges gardiens ont vraiment été exceptionnels. »

Alors que tout lui souriait il y a encore trois jours, le vainqueur de Vittel a eu un coup de moins bien qui a failli lui coûter cher, sa mauvaise nuit de jeudi à vendredi se faisant visiblement encore sentir. « J’ai eu du mal à récupérer de ces derniers jours, mais je ne me sens pas malade. Aujourd’hui j’ai été nul. » Des paroles dures qui montrent bien que le Picard ne se satisfait pas de cette situation. Son ange gardien est moins sévère et explique aussi cela par le manque d’expérience. « Il a eu la pression tout le début, il est jeune et ce n’est que son troisième Tour, ça arrive. Il n’est pas encore endurcit comme un coureur de 30 ans. »

Il va pourtant falloir que l’ancien maillot vert s’endurcisse, vu le profil de l’étape de demain entre Nantua et Chambéry, annoncée par tous comme la plus difficile de cette Grande Boucle. » Demain on verra, c’est un autre jour et le gruppetto va se faire plus tôt, reprend le champion de France pour se rassurer. » Tout va être mis en place au sein de la FDJ pour optimiser la récupération de son leader et s’assurer une place dans ce fameux peloton des sprinteurs. Mais surtout pour éviter de revivre une étape comme celle-ci. « Je suis pro depuis 12 ans et des journées comme celle-là je n’en ai pas fait une, conclut l’ange gardien Delage. »

Pourtant il semble certain que demain, si dès la sortie de Nantua le maillot bleu-blanc-rouge est lâché, deux anges gardiens apparaîtront à ses côtés. Pour prouver une fois de plus leur amour à leur leader. – Adrien Godard