Sur le Tour de France, la journée de repos, en particulier la deuxième, permet aux coureurs de récupérer avant d’entamer la troisième et dernière semaine de course, souvent la plus rude. L’occasion de dormir un peu plus, de rester plus longtemps au massage et aux soins, mais aussi de manger différemment. Parce que recharger les batteries passe également par la nourriture et une organisation des repas adaptée à un jour sans course. C’est ce que nous explique Luc Bousseau, chef cuisinier de l’équipe Direct Energie, en partenariat avec Fleury Michon. « Un jour de repos, les coureurs vont prendre trois repas, contre deux sur une journée de course. Il faut donc s’alimenter en quantités réduites, c’est assez particulier à gérer. » Le corps, qui se dépense moins, n’a besoin que de 4 000 calories contre 7 000 à 8 000 un jour de course.

Le menu et le programme du jour sont donc adaptés par des cuisiniers qualifiés, attentifs à tout ce qui passe dans l’assiette des coureurs. C’est depuis 2005 que l’équipe française, alors sous pavillon Bouygues Telecom, a commencé à être accompagnée par des professionnels de la diététique. Avant la création d’un espace nutrition en 2008, pour être toujours plus pointu dans l’approche alimentaire. « Nous avons construit avec Fleury Michon un camion sur mesure, et nous accompagnons maintenant l’équipe sur plus de cent jours par an. Notre présence ne se limite pas qu’au Tour de France et cet outil nous permet de bien faire les choses. » Alors la journée de repos, c’est forcément un moment particulier pour le staff cuisine. « Pour nous, c’est une des plus grosse journée. »

Cette cuisine mobile, dotée d’un équipement de professionnels, comporte une grande pièce où toute l’équipe peut tenir en même temps. Romain Sicard prend le temps de nous expliquer le principe dans ses grandes lignes. « Nous pouvons tous tenir dedans et l’alimentation est variée. Mais surtout nous pouvons manger à tout moment, c’est prêt, de qualité et chaud. C’est un vrai plus. »

Ce matin, le petit déjeuner a ouvert ses portes plus longtemps que d’habitude, de 8h à 11h ce matin, en fonction de l’heure du levé et du programme de chacun. Il s’agit alors d’enchaîner avec la préparation du déjeuner, pris vers 13h30, avant de dîner plus tôt qu’un jour de course. Au menu ce lundi, des aliments permettant de reprendre des forces et de récupérer, avant d’enchaîner sur un nouveau jour de compétition le lendemain. Taboulé enrichi en légumes en entrée, tournedos de bœuf grillé, fenouil braisé et sa purée de pommes de terre, carottes et rutabaga en plat de résistance pour terminer sur une note sucrée d’ananas frais.

« Aujourd’hui, nous faisons une viande rouge grillée, ce qui n’est pas le cas un jour de course, analyse pour nous Luc Bousseau. Nous allons également travailler des légumes tels que le fenouil ou le radis noir, matières premières qui permettent de drainer et détoxifier l’organisme. C’est assez intéressant dans son utilisation. Nous pourrions utiliser ces produits en course mais nous essayons de les placer le jour de repos car c’est intéressant à ce moment là. » Les coureurs sont très satisfaits de cette diversité qui existe dans les menus. Romain Sicard ne voit que des avantages dans l’utilisation de ce camion. « L’avantage c’est qu’on ne mange pas tout le temps la même chose. Pâtes poulet pendant trois semaines, on en a marre à la fin. Le corps aussi donc il n’assimile pas aussi bien les produits qu’avec une alimentation variée. »

Des choix de produits et de quantités spécifiques à la journée, mais également aux coureurs. Le cuisinier de la formation française reprend ses explications. « Chaque organisme est différent et leurs besoins ne sont pas tous les mêmes. La fatigue est présente, nous sommes en dernière semaine de course et il faut bien refaire les stocks de glycogène. Il y a des glucides aujourd’hui mais de façon moins importante qu’une journée de course car il y a moins de besoins. » Le soir, pourtant, il faut déjà reprendre le rythme d’une veille d’étape. Avec en entrée une tartine gratinée et sa brandade de morue servie sur salade verte, un tajine de veau avec des pâtes et en dessert de la semoule avec des fraises. « Avec ce soir et le petit déjeuner de demain matin, ils repartiront avec les stocks faits à 100 % », nous assure le chef cuisinier.

Mais tout ce travail ne se fait pas sans une étroite collaboration avec les médecins de l’équipe, véritables relais entre les coureurs, leur santé et la composition de leurs assiettes. « Il va par exemple m’avertir si un coureur est déshydraté, si un autre a des problèmes intestinaux. Ce sont des choses auxquelles nous allons ensuite veiller. » Cette relation n’est toutefois pas unilatérale. « Nous observons comment les coureurs consomment. S’il y avait une alerte, nous remontons l’information au médecin, à un assistant ou un directeur sportif. »

En dernière semaine, les organismes des coureurs sont épuisés et il faut être vigilant à d’autres aspects. « Nous sommes plus en train de veiller à ce qu’ils consomment tout que l’inverse, poursuit Luc Bousseau. » Bien manger est important, surtout sur une épreuve de trois semaines. « Si l’alimentation au jour le jour n’est pas faite correctement, cela peut être un problème pour la récupération. » Le soir, un petit plaisir fait son apparition sur la table Direct Energie, une bouteille de vin. Pour ceux qui le souhaitent bien évidemment. Même dans le cyclisme moderne, sur la plus grande épreuve du monde, il est possible de se restaurer efficacement. Indispensable pour terminer le Tour en beauté. – Adrien Godard