Vincent, samedi à Marseille, Romain a tout donné et c’est passé très juste, il a conservé sa 3ème place pour une seconde.
Oui samedi cela a été très chaud tout au long du parcours. Nous avons senti après le premier temps intermédiaire que les écarts n’étaient pas favorables. C’était la journée sans, Romain a dit qu’il n’était vraiment pas bien, il a bien vu que les jambes ne tournaient pas. Il a fini avec la tête plus qu’avec les jambes et il a conservé l’essentiel avec cette petite seconde. Je pense que cela aurait été très frustrant de descendre du podium. Il a su résister et nous pouvons nous rendre compte que le sprint réalisé en haut de l’Izoard n’était pas anecdotique parce qu’il a conservé cette 3ème place pour quelques centimètres avec Froome, et ces secondes ont été essentielles.

Romain était déçu après le contre-la-montre mais il y avait quand même de la joie autour du bus.
Oui, il faut rester positif. Bien sûr qu’il y a toujours de la déception, on peut rêver du Graal, à 23 secondes tout était possible. Avec un grand Romain et un Froome pas bien, il fallait y croire. De toute façon, il faut toujours y croire. C’est notre rôle à nous en tant que manager d’équipe de haut niveau. Et là nous croyons en l’avenir avec Romain et son tempérament. Tous les ans il passe des paliers et nous y croyons pour le futur. Aujourd’hui nous sommes 3ème, il faut apprécier cette place à sa juste valeur. Ce n’est pas anecdotique et c’est une belle performance. Uran a fait aussi un Tour de France extraordinaire, cela faisait longtemps que nous ne l’avions pas vu à ce niveau-là. Et Froome était plus fort, donc il faut le saluer. C’est du sport de haut niveau, avec la tension et la pression qui vont avec. Il faut féliciter Froome et Uran, et nous sommes très heureux de terminer 3ème même si nous espérions mieux au départ.

Si l’on regarde les écarts, ils se sont faits principalement sur les deux contres-la-montre.
Oui, surtout sur le second alors qu’il devait a priori mieux lui convenir. En général, il est plutôt bien sur les chronos de fin de Tour. Mais là il n’avait pas de jambes du tout. Il s’est énormément donné dans l’étape de l’Izoard, c’est peut-être un contre-coup. Mais les conditions sont les mêmes pour tout le monde. Sur une journée comme ça, on doit être au top de sa forme et on paye cash la moindre faiblesse. Mais restons sur une note positive, 3ème du Tour est une belle performance.

Romain était deuxième l’an dernier, troisième cette année, pensez-vous malgré tout que l’équipe a continué de progresser ?
Je crois que Romain a progressé. Il a été au niveau de Froome dans la montagne en permanence, il a attaqué plusieurs fois. Et l’équipe a aussi bien progressé, nous avons vu une formation Ag2r La Mondiale prendre des initiatives plusieurs fois dans le Tour. Nous avons été presque les seuls à essayer de mettre en difficulté Froome, cela n’a pas payé mais la dynamique est enclenchée. Nous sentons que nous avons une équipe qui prend confiance au fil des ans, nous allons continuer à la renforcer et nous espérons que notre champion va encore progresser pour être plus proche de Froome voire le battre.

Quel profil de coureur vous manque-t-il ?
Il nous faut au moins encore un gros rouleur, spécialiste des bordures pour essayer de protéger Romain dans les moments difficiles. Et peut-être quelqu’un de plus solide en montagne pour l’accompagner. A savoir que nous avons Pierre Latour, qui est un jeune coureur qui progresse à vitesse grand V, mais il était malade et sous antibiotiques pendant plusieurs jours sur ce Tour. Je pense qu’il sera au niveau des meilleurs l’année prochaine pour aider Romain dans la montagne.

Le Tour d’Espagne part cette année de Nîmes, autour de qui allez vous bâtir votre équipe ?
Nous verrons, cela sera décidé dans la semaine. Domecino Pozzovivo fera partie du voyage, et nous allons laisser récupérer Romain pour savoir ce qu’il en est le concernant.

Que pensez-vous du premier Tour de Pierre Latour ?
Que c’était bien, il est tombé malade à l’approche des Alpes, ce qui était dommage car il arrivait chez lui et il l’a payé cash. Il s’est accroché et c’est à l’évidence un coureur d’avenir.

Ne manque-t-il pas à Romain Bardet une victoire sur un autre Grand Tour pour gagner la Grande Boucle ?
Il manque effectivement à Romain une victoire de prestige dans une grande course. Il a terminé 2ème du Dauphiné et du Tour, il n’est pas très loin du compte et il en gagnera. Il aura 27 ans en fin d’année, il est encore jeune, il est perfectionniste et il travaille donc il va en gagner bientôt.

Cela pourrait être le déclic ?
Certainement, quand on gagne des grandes courses, cela s’inscrit dans la palmarès mais aussi dans le mental du coureur. Romain n’est jamais rassasié, il en veut toujours plus donc je suis persuadé qu’il y arrivera.

En tant qu’acteur majeur de ce Tour, qu’en avez-vous pensé ?
Je crois que ça a été un Tour merveilleux pour tout le monde. Les leaders se sont maintenus à quelques secondes jusqu’au dernier contre-la-montre. C’était un Tour plein d’engagement, plein de suspens, avec des coureurs qui se tiennent en presque rien. Je crois que cela a été formidable pour tout le monde, nous l’avons vécu comme ça. Nous avons été dans la bataille, nous avons cherché à faire basculer la course à plusieurs reprises donc cela veut dire que l’équipe s’inscrit dans cette logique là et dans cette progression. C’est encourageant.