Paradoxal de gagner sur la première semaine et de finir à 3 ?

C’est paradoxal et un peu particulier. On a vécu une belle première semaine et puis après c’était un peu plus compliqué. Maintenant, l’histoire retiendra que l’équipe FDJ a gagné une étape sur ce Tour et puis on en restera là. On savait que ça pouvait être compliqué sur les 3 semaines. Quand on vient avec un groupe essentiellement de sprinteurs puis avec un Thibault Pinot qui a fait le  Giro, ca peut toujours être difficile. C’est ce qu’il s’est passé. Après on a aussi un petit manque de réussite avec des chutes et des malades, ça fait parti du lot. Mais ce que l’on va retenir, c’est la belle première semaine de l’équipe.

Comment va Arnaud Démare après son abandon ? A-t-il récupéré ?

Oui, il est en mode repos pour digérer son gros début de saison. Il a fait 6 mois très intense où il a gagné pratiquement partout où il est passé. Le Tour, ça faisait déjà un an qu’il avait ça en tête. Il ne l’avait pas fait l’année dernière. Il savait qu’il allait avoir une équipe à disposition pour cette édition. Je pense aussi qu’il y a eu une forme de décompression et un relâchement après avoir levé les bras rapidement. Mais tout ça fait partie de l’expérience d’une équipe et de son expérience. On s’en servira pour la suite.

Pourquoi avoir sacrifié trois coureurs autour d’Arnaud Démare ?

D’abord, on n’en a pas sacrifié trois mais deux parce que ce jour là. Il y avait Jacopo Guarnieri qui était malade donc on savait qu’il était entre guillemets condamné. Après, les deux qui sont restés avec lui l’ont fait sans aucunes indications de l’équipe. Ils l’ont fait naturellement. On a laissé faire parce que c’est particulier d’être un groupe sprinteur. Ils ont besoin d’avoir beaucoup de courage et de solidarité sur l’ensemble de la saison pour aller chercher des sprints. Donc on a décidé de les laisser ensemble. C’était leur vécu, ça leur servira pour la suite.

Comment remobiliser l’équipe quand on perd 4 coureurs d’un seul coup, dont le leader de la formation sur le Tour de France ?

Ca été très facile de les remobiliser parce que tout le monde était venu ici avec un travail spécifique à faire. Une fois que l’on a perdu notre sprinteur, c’est sur que ça changeait la donne. Après Thibault Pinot est tombé malade, on savait que ça serait compliqué en montagne aussi. Mais il faut voir les étapes de Davide Cimolaï quand il fait un top 10 ou les trois dernières étapes de montagne de Rudy Molard quand il était aux avants postes. Ce sont des coureurs professionnels, qui ont beaucoup d’envie et qui n’ont rien lâché. C’est ce qu’il y a de plus sympa dans une équipe, c’est de voir son groupe solidaire.

Le cas de Pinot a montré qu’il était très difficile d’enchainer Giro et Tour de France. Le Giro est-il finalement devenu une course aussi intense que le Tour ?

De toute façon quand une équipe joue le général, c’est trois semaines non stop où il faut être concentré et où les coureurs lâchent beaucoup d’énergie. Il n’y a qu’à voir tous les coureurs qui ont joué le général sur le Giro. Ils sont passés à travers leur Tour, y compris Nairo Quintana qui est un grand coureur, mis à part Landa qui était équipier sur le Giro et qui n’a pas fait les trois semaines à fond. Il n’y a pas de secret. Si on joue le Giro au quotidien, on ne peut pas être opérationnel à 100% sur le Tour.

On a vu Thibault Pinot heureux sur le Giro et moins à son aise sur la grande boucle. Se met-il la pression avant d’aborder un Tour de France ?

Ce qu’il faut savoir, c’est que le Tour de France est un grand miroir déformant de ce qu’il se passe habituellement. Le reste de l’année, il n’y a pas tout cet engouement autour des courses, il n’y a pas tout ce public, tout ces médias. Quand on va sur le Giro ou la Vuelta, il n’y a pas tout cet impact médiatique autour. Le coureur est beaucoup plus serein et tranquille et il a juste à se concentrer sur ce qu’il a faire sur son vélo. Alors que sur le Tour, il y a tellement de paramètres qui rentrent en ligne de compte que ca prend énormément d’énergie et ça encombre le sportif. Ce n’est pas ce que Thibault aime, on le sait. Mais quand on est un coureur de son statut et que l’on est Français, le Tour est une obligation dans une saison.

Allez-vous prendre en compte les difficultés de Thibault sur le Tour pour vos prochaines sélections en Grand Tours ?

Biensur. On sait que le doublé Giro-Vuelta est totalement réalisable mais si on veut faire un grand tour il faut s’arrêter au Tour de France avec les risques que cela engendre. Il faut aussi faire un début de saison allégé. On le voit aujourd’hui avec Romain Bardet qui fait un super Tour. Mais si il ne fait pas un super Tour, qu’il passe à travers dans la première semaine ou qu’il est pris dans une chute, ce qui peut arriver, il fait une saison blanche. Il faut savoir prendre des risques et c’est qu’il faudra faire à l’avenir si l’on veut faire un bon mois de juillet.

La Vuelta partira de Nimes. Ce qui n’était peut-être pas un rendez-vous important pour la FDJ va le devenir. Comment allez-vous structurer l’équipe ?

L’équipe est déjà structurée et en train de travailler. Le groupe qui partira à la Vuelta était en stage de 10 jours et elle est actuellement au Tour de Pologne. Elle va être axée essentiellement autour de nos deux Suisse et principalement autour de Sébastien Reichenbach. Après, on aura des coureurs qui auront un peu de liberté. La Vuelta, c’est toujours la rampe de lancement pour les jeunes coureurs afin de leur permettre de découvrir trois semaines de course. On a aussi l’ambition de faire un bon général avec Sébastien Reichenbach.

Avec cette victoire sur le Tour dans un sprint, vous pensez avoir un train de sprint suffisant pour lutter avec les meilleures équipes ?

Oui tout à fait. On sait que l’on est dans le vrai. On sait aussi qu’il y a des petites retouches à faire pour améliorer le train et être plus performant. On va y travailler pendant l’intersaison. Mais on sait que si on veut venir sur le Tour avec Arnaud Démare pour gagner des étapes, il faut quasiment une équipe à son service comme le font les autres sprinteurs. Ca demande un travail en amont, pour rouler, pour que le peloton arrive groupé et à l’approche du sprint. Cela fait longtemps qu’on y travaille et on s’approche de ce qu’il y a de mieux. Il faudra encore travailler sur le terrain, avec une ou deux recrues pour apporter un plus au groupe, puis on aura ce qu’il faut pour rivaliser tout au long de l’année avec les meilleurs mondiaux.