William, tu as officiellement gagné le Challenge Cyclo DT Swiss, qui récompense le meilleur cyclo de l’année, quelles impressions te laissent cette distinction ?
C’est d’abord une très grande fierté. Je considère ce challenge comme étant le plus représentatif sportivement sur une saison cyclosportive, puisqu’il englobe l’ensemble des épreuves de notre pays. Pour le côté symbolique, cette récompense marque la réussite de mon retour dans le cyclisme. Une sorte d’aboutissement dans mon pari un peu fou.

Un pari lancé en 2011 quand, après dix-huit ans de coupure, tu as repris le vélo. A 43 ans aujourd’hui, quel a été ton parcours sportif ?
Avant de remettre un dossard en juillet 2012, j’avais débuté en Minime jusqu’à l’âge de 21 ans. En parallèle, j’ai pratiqué le ski alpin en compétition. J’ai intégré le district de Maurienne jusqu’à 14 ans, mais j’avais de bien meilleures dispositions à vélo, ce qui m’a fait arrêter le ski à 15 ans. Le cirque blanc me fait néanmoins toujours vibrer. Je suis moniteur de ski, je vis en station à La Toussuire et les champions de cette discipline me font rêver. Dans mon année 1973, le cador était Joël Chenal, vainqueur en Coupe du Monde et médaillé olympique, et dont la sœur Katy nous encourage passionnément le long des cyclosportives. Beaucoup de skieurs pratiquent et aiment le vélo. Certains ont même connu le haut niveau dans les deux disciplines, comme Jean-Francis Pessey ou Julien Boulanger, mais ausssi à des niveaux très honorables comme Florent Pellizzari, Jean-Lou Paiani, Roland Chavent et Tao Quéméré.

Tu pratiques donc toujours le ski ?
Oui, mais aussi le snowboard, la rando raquette, bien que ce soit pour l’enseignement ou le plaisir. Avec mon épouse Maryline, ancienne skieuse de haut niveau, nous avons créé notre propre école de ski il y a seize ans : l’ESI de La Toussuire. Et ça, c’est un sport à part entière et de très, très haut niveau ! Aujourd’hui c’est elle qui dirige une superbe équipe de moniteurs en bleu évoluant sur le domaine des Sybelles. Cette situation me permet de négocier ma préparation avec plus de souplesse !

Combien d’heures passes-tu sur le vélo chaque semaine ?
Pas loin de vingt heures en janvier sur les stages fonciers puis environ quinze le reste de l’année. Je ne suis pas un boulimique d’heures de selle. Par contre j’ai une régularité d’entraînements, cinq à six jours par semaine, avec un travail spécifique qui m’est dicté par mon coach Pierre Bourlot.

Avant de reprendre le vélo il y a cinq ans, tu affichais 103 kg sur la balance. Comment as-tu fait pour devenir le meilleur cyclo français ?
Au départ, mon seul but était de retrouver une meilleure forme. Durant quatre mois, j’ai évolué seul, sur mon vieux vélo acier de 12 kg, accompagné de mon quintal. Ceci couplé à un changement radical dans mon alimentation qui m’a permis de perdre 25 kg en un an. Mon secret : la simple volonté de ne rien lâcher, sans aucune aide extérieur, aucun complément, aucun substitut et autre coupe-faim. J’ai alors trouvé dans l’effort physique un excellent moyen d’évacuer une période psychologique douloureuse. J’ai ensuite commencé à rouler avec les cyclistes locaux et j’arrivais à suivre. Mes entraînements se sont intensifiés. Je me suis inscrit sur l’Etape du Tour 2012, qui arrivait devant la maison, avec 3000 kilomètres au compteur. J’ai pris la 32ème place à la surprise générale ! Puis j’ai participé à une poignée de cyclosportives avec une progression intéressante.

Ton esprit de compétition est alors revenu au galop…
Et j’ai décidé de signer une licence FSGT au club de notre vallée Saint-Michel Sport. J’ai enchaîné les bons résultats sur ce circuit en alternant avec quelques cyclosportives. En 2014, j’ai remporté le titre de champion de France FSGT et le challenge Prestige avec une quinzaine de victoires sur ce circuit. Mes performances dans les cyclosportives se sont nettement améliorées mais mon manque de base foncière m’empêchait de suivre les meilleurs en fin de parcours. Durant ces années, j’ai été bluffé par la capacité de mon corps à se réadapter à l’effort. Compte tenu de mon passé, avec des abus en tout genre, je suis convaincu de bénéficier d’un patrimoine génétique intéressant pour ce sport, « un gros moteur » comme on dit !

Finalement, c’est sur les cyclosportives que tu as trouvé ton épanouissement ?
C’est le support qui m’attire le plus. J’ai décidé de tout mettre en œuvre pour m’offrir une préparation optimale. Je me suis entouré d’un jeune diététicien, Pierrick Fontaine, qui a corrigé mes mauvaises habitudes et m’a permis de perdre les kilos encore superflus. Je me suis également entouré d’un jeune entraîneur, Pierre Bourlot, qui a su trouver un programme adapté à ma progression. J’ai décidé de réduire mon activité professionnelle, très dense jusqu’ici, pour me construire des bases solides. En deux saisons j’ai étoffé mon palmarès sur des épreuves prestigieuses pour devenir cette année leader de votre challenge. Evidemment pour pouvoir réaliser une telle métamorphose, je me suis infligé une rigueur sans faille. De gros sacrifices et un changement de vie qui a impacté l’ensemble de ma famille. Le soutien que je reçois de mon épouse et de mon entourage est un facteur déterminant.

Cette réussite, elle résulte aussi d’un gros mental ?
J’ai toujours été attiré par les défis en partant d’une situation peu propice. Je me suis engouffré dans cet instant de vie avec la conviction d’être capable de réaliser un truc. Il y a aussi une sorte de revanche sur les épreuves qui ont été les miennes. Un moyen de me réapproprier ma vie, sûrement… Une introspection aux multiples facettes, bien plus profondes que le simple geste de lever les bras au ciel. Le dépassement, la performance, l’estime de soi, la victoire… des ingrédients ô combien bénéfiques pour ma résilience. Mon envie de partager mes périples sur les réseaux sociaux montre une quête de reconnaissance que je ne peux nier. Un moyen d’exister intensément. Certainement une réponse inconsciente à ceux qui, un jour, m’ont appuyé fort sur la tête. Ce volet psychologique sera certainement le prochain domaine que je vais explorer.

Sur quel matériel as-tu roulé cette année ?
J’ai roulé sur un Lapierre Aircode, avec roues Mavic Ultimate, casque et chaussures Mavic, lunettes Loubsol… J’ai la chance d’être ambassadeur DVélos. Le directeur, Denis Kuster, s’est chargé de me trouver des sponsors dont il est distributeur. Il a également mis ses techniciens à ma disposition, notamment Jeff pour une étude posturale qui a été très concluante. Mon budget déplacement est conséquent : plus de 10000 euros. Je pars en camping-car sur une trentaine de courses à travers toute la France, mais également pour les stages d’entraînement hivernaux à raison de quatre à cinq semaines dans le sud.

A quel moment de la saison as-tu commencé à croire vraiment en tes capacités à gagner le Challenge Cyclo DT Swiss ?
Au départ, je visais le podium, pensant ne pas pouvoir rivaliser avec des coureurs capables de doubler les courses dans un week-end. Mais au mois de juillet, où j’ai enchaîné de grosses échéances avec une belle régularité, j’ai commencé à y croire. J’ai été performant sur les épreuves de Classe A sur lesquelles j’ai pu marquer la différence. Le retour de David Polveroni était prévisible et sa fin de saison a été remarquable. Je crois que c’est la troisième fois qu’il termine 2ème au classement, j’en fais mon favori pour 2017, il le mérite.

Tu as aussi été présent aux Championnats du Monde Masters en Australie, où tu as cassé ta roue, avais-tu intégré cette perte de points potentielle et réelle ?
Oui, je savais que pendant quatre week-ends le compteur resterait bloqué et qu’il me fallait une belle avance pour l’emporter.

DT Swiss te récompensera dans ses locaux, très prochainement, penses-tu qu’une telle remise de prix mériterait une soirée cyclo ?
Oui, une soirée cyclo y trouverait tout son sens. Une manière de clôturer la saison dans un contexte festif. L’occasion aussi d’échanger sur notre passion commune qu’est le cyclosport.

Par quelles étapes passera ta saison 2017 ?
Je suis en pleine réflexion sur mes envies. Nous établirons un programme prévisionnel fin novembre. Je resterai sur le circuit des cyclosportives avec des nouveautés et des incontournables. J’aimerais aussi ponctuer avec des courses à l’internationale. Le Championnat du Monde à Albi sera sans doute un objectif majeur. Le Championnat de France aussi selon le profil.

A propos de ces deux épreuves, et compte tenu de la démarche individuelle qui conduit au départ, penses-tu que les maillots aient une grande signification à la vue des plateaux disparates ?
Pour participer aux Mondiaux, le maillot tricolore a son importance. La démarche est individuelle mais avec une épreuve qualificative. Une organisation nationale étoffée et des moyens financiers de la fédération seraient appréciés. Le plateau est disparate mais les gars qui sont devant ne sont pas là par hasard. Le maillot, pour les vainqueurs, me semble une récompense légitime.

Comment vas-tu gérer l’intersaison ?
C’est une coupure totale, sans sport, en octobre. Puis une reprise en douceur début novembre couplée à de la muscu, pilates, gainage… Jusqu’au début de ma saison d’hiver sur les skis mi-décembre. Puis le home-trainer sera incontournable à 1800 mètres d’altitude. Je passerai certainement quelques jours dans le sud mi-janvier, ferai du home-trainer quatre semaines en février, puis vive le printemps !

On évoque pour 2017 une cyclosportive à étapes en Maurienne, as-tu des échos ?
Des idées fusent pour organiser quelque chose en Maurienne mais rien d’officiel a priori. Je crois fermement que notre vallée va connaître une forte évolution en matière d’attrait cycliste en tout genre. En parallèle aux événements médiatiques que nous avons connus ces dernières années (multiples arrivées du Tour de France, du Dauphiné, du Tour de l’Avenir…), un travail est mené pour diversifier et améliorer l’offre. Nous accueillons déjà une belle et appréciée cyclosportive : l’Arvan Villards. Une autre pourrait se greffer sur un massif mauriennais différent. Mais l’organisation d’une cyclosportive d’envergure à l’échelle de toute la vallée serait à mon sens une excellente idée. J’en serais volontiers un ambassadeur de cœur. Nous avons un site extraordinaire avec une concentration de cols mythiques qui fait rêver tout les amoureux de la petite reine. Le slogan « La Maurienne, le plus grand domaine cyclable du monde » peut paraître présomptueux mais c’est réellement le paradis des cyclogrimpeurs !