Tout au long du Tour de France, des personnalités du cyclisme reviennent avec nous sur une édition qui les a marquées, un moment fort qu’elles ont vécu de près ou de loin.

Bernard, sur les cinq Tours de France que vous avez gagnés, un d’entre eux sort-il du lot ?
Non, ils sont tous à mettre sur le même pied d’égalité. Chaque année est différente, chaque parcours est différent et les conditions climatiques sont différentes.

En tant que suiveur, quel est le Tour de France qui vous a le plus marqué ?
C’est pareil, je ne pense pas qu’on puisse en sortir un du lot. Tous les ans, tu trouves des coureurs différents comme Indurain, Froome, Wiggins ou Nibali… À chaque fois, le Tour est différent avec soit un champion que l’on connaît, soit quelqu’un de nouveau qui arrive. Quand on voit Quintana qui fait deuxième, Maillot Blanc et qui remporte une étape dès son premier Tour. Il ne baisse pas les bras devant les grands costauds. C’est génial !

Quelle est la première image du Tour que vous conservez ?
C’est en 1972, sur le vélodrome de Saint-Brieuc. C’était l’arrivée gagnée par Cyrille Guimard quand il y avait Merckx, Godefroot, Verbeeck ou encore Hoban. Je vois encore cette ligne. J’avais couru en tant que Junior. Je m’étais fait un petit plaisir. Et là, tu es dans le coeur même de l’organisation qui n’est pas celle d’aujourd’hui. Tu n’avais pas besoin de badge par exemple. Et ce jour-là, je vis ce sprint en étant à 50 mètres de la ligne.

Et ce jour-là, vous êtes-vous dit « un jour, j’en serai » ?
Non, parce que tu ne sais pas ce que tu vas donner. Je n’étais que Junior. Bien sûr, j’avais gagné presque toutes les courses mais on n’a pas idée des capacités qu’on aura plus vieux.

Durant ces années, quel est le coureur qui vous faisait rêver ?
Il y en avait deux : Anquetil et Merckx. Ce sont deux vainqueurs, deux battants. Si tu aimes la compétition, tu aimes ces deux personnages.

Luis Ocana était de ce genre-là aussi, quelle est votre appréciation de ce coureur ?
Je crois que les coureurs de cette génération qui étaient en face d’Eddy Merckx, ne lui faisaient pas de cadeau. C’était aussi le cas de Bernard Thévenet, Raymond Poulidor ou d’autres. Il y avait une vraie bagarre. Même avec Joop Zoetemelk qui a lutté contre lui-même. Ces grands moments, ces grandes bagarres avec tous les champions font la beauté de notre sport. Et le champion devait se défendre face à tout le monde. Ce n’est pas comme aujourd’hui où on attend la dernière heure pour s’expliquer. Des étapes comme Ocières-Marseille où la veille Ocana distance Eddy Merckx puis le lendemain, il lui renvoie l’ascenseur. Ce sont des moments qui te marquent.

A cette époque-là, il n’y avait ni livre de route ni reconnaissance comme nous les connaissons aujourd’hui. Avez-vous été surpris par des difficultés ?
Non, parce le livre du Tour qui était fait à l’époque te donnait tout ! Si tu savais lire une carte Michelin ou IGN, tu avais tous les pourcentages. Logiquement, tu n’avais pas de surprise. La première chose que tu faisais en te levant, c’était regarder d’où venait le vent. Après, tu prenais une carte et si tu savais t’orienter, tu savais voir où il fallait attaquer.

Parmi les personnalités que vous avez côtoyées durant votre carrière, quelles sont celles qui vous ont le plus marqué ?
Je dirais que j’ai eu cette chance d’avoir 74 ou 78 équipiers. Je leur dois beaucoup car ce sont eux qui te donnent un coup de main pour gagner. Il y a aussi tout le personnel que l’on a pu avoir avec les kinés, les mécanos. Tout l’entourage en fait. Donc on ne peut pas dire celui-là plus qu’un autre. Chacun a fait sa part de travail pour qu’il y ait la victoire au bout. Ce ne sont pas mes victoires, ce sont des victoires d’équipe, pas seulement les coureurs mais aussi tout notre entourage.