Même s’il lui reste une 4ème et une 2ème place, la comparaison des 2 Grands Tours pourrait indiquer que la configuration et les caractéristiques de la Vuelta lui correspondent mieux et pourraient lui permettre d’ajouter des lignes à son palmarès pour en faire le recordman de victoires. Dès lors, doit-il tenter absolument de remporter la Grande Boucle au détriment d’autres courses de 3 semaines ?

Roglic sur la plus haute marche du podiumRoglic sur la plus haute marche du podium | © Jumbo Visma

 Oui 

 

Tout le monde s’accorde à la dire : le Tour de France est le plus Grand. Plus de concurrence, plus de public sur le bord des routes comme devant la télévision, plus de pays couvrant l’événement, plus de journalistes et donc plus de pression de la part des suiveurs, des médias et des staffs eux-mêmes. Ainsi, si la victoire finale est plus difficile à obtenir, elle n’en est que plus belle et son prestige est plus important.

A propos du Tour et de son retentissement, Lilian Jegou, professionnel de 2003 à 2010, disait que « certaines années j’obtenais des victoires et résultats intéressants mais j’étais absent du Tour ou je chutais avant de m’exprimer. En fin d’année, les suiveurs me disaient alors « on ne t’a pas trop vu cette année ». A l’inverse, dès ma 1ère année pro, j’avais participé au Tour et réussi à m’échapper puis été victime d’une chute peu banale (un câble d’une moto de France Télévision m’avait fait tomber). Les médias s’étaient emparés de l’histoire en fil rouge sur l’épreuve. Et bien que n’ayant pas bouclé les 3 semaines car à bout de forces sur la fin, à mon retour j’étais presque passé pour un héros auprès de mon entourage et des médias. »

Alors qu’il fait partie, avec Tadej Pogacar et Egan Bernal, des meilleurs coureurs de Grands Tours actuels, ne pas voir Primoz Roglic triompher sur la plus grande course du monde, serait probablement considéré comme un manque. D’autant que si le slovène est encore « frais » car il a commencé le vélo de façon intensive sur le tard, il fêtera en octobre prochain ses 32 ans et se verra probablement barré par les futures performances supposées de Pogacar, Bernal ou encore Evenepoel, qui ont encore une possible marge de progression. A Roglic de tout tenter pendant qu’il est encore temps.

Dans la presse, Primoz Roglic a expliqué plusieurs fois que son niveau de stress est plus important sur le Tour que sur la Vuelta où il hésite moins à communiquer avec les suiveurs et les fans, lui d’un naturel plutôt réservé.

Si le déroulement du Tour de France 2020 (perte du maillot jaune l’avant dernier jour alors que le plus semblait fait) s’était produit sur une autre épreuve, la plaie aurait été plus facile à cicatriser. A l’inverse, le slovène va probablement trainer toute sa carrière et même au-delà, ce finish perdu qui lui semblait pourtant si favorable.

Primoz Roglic à l'attaque sous la pluie, pour une victoire qui lui tend les bras aux Lacs de CovadongaPrimoz Roglic à l’attaque sous la pluie, pour une victoire qui lui tend les bras aux Lacs de Covadonga | © Jumbo Visma

Au niveau de son effectif chez Jumbo Visma, bien que Sepp Kuss et Steven Kruijswijk aient été présents en montagne pour l’accompagner sur la Vuelta 2021, la force collective est moins présente que le train qui l’emmène en montagne en France. Même si cela ne l’a pas empêché de s’imposer en Espagne, c’est davantage sur ses qualités intrinsèques que grâce à la force de son équipe, dont le niveau global est plus élevé sur le Tour (avec une préparation dédiée et choisie dès l’entame de la saison). Al’inverse, la Vuelta réunit davantage les – plus rares – équipiers qui ont encore les jambes à un stade plus avancé de la saison.

Enfin, Primoz Roglic est capable d’être en forme « facilement ». En effet, il est présent aux avants postes dès le début de saison et il performe même avec peu de jours de course : 14 jours avant le Tour 2020, 2 jours seulement supplémentaires dans la transition avant la Vuelta, sans compter les 2 mois de coupure avant le Tour 2021 qui semblaient un pari risqué mais assumé par son staff, ou après une coupure liée à une chute comme en atteste sa médaille d’or olympique sur le chrono après son abandon sur le Tour de France.

Non

Les avantages du Tour d’Espagne notamment, pour Roglic se situent à plusieurs niveaux :

– Roglic est un coureur qui aime les montées pentues, telles que celles que l’on retrouve dans les Ardennes (victoire à Liège, 2ème de peu derrière Alaphilippe à la Flèche Wallonne) ou encore au Pays Basque (victoire au général). Il trouve ainsi un parfait terrain d’expression en Espagne, le Grand Tour qui préfère les arrivées aux forts pourcentages mais pas nécessairement longues. La longueur des cols, de même que leur altitude est inférieure à celle que les coureurs doivent gérer sur le Tour ou le Giro. En 2020, ses alertes en montagne concernaient le terrible Angliru avec ses 1200 m de dénivelé (où il avait été lâché à la pédale par Carapaz et perdu son maillot de leader) et Formigal (1000 m de dénivelé).

– Jusqu’à ce qu’il puisse (peut-être ?) résoudre ce souci, Primoz Roglic est un coureur qui tombe souvent. Et c’est bien sur le Tour de France que le risque est le plus grand, étant donné la tension qui règne sur l’épreuve. Sur le Tour d’Espagne ou même le Tour d’Italie, les risques sont moindres et même s’il encore allé au tapis en Espagne, il a plus de chances de rester sur le vélo.

Une victoire célébrée avec les coéquipiersUne victoire célébrée avec les coéquipiers | © Jumbo Visma


S’il est ici beaucoup question de la Vuelta et du Tour, le Giro ne doit pas être oublié pour autant par le coureur slovène. Si le profil des cols est un mix entre ceux du Tour (longs et réguliers) et ceux de la Vuelta (courts et pentus), il n’y a pas de barrières qui empêchent Roglic de briller de l’autre côté des Alpes. La course est moins cadenassée que sur la Grande Boucle et Roglic a montré cette année qu’il pouvait gagner sans une équipe dominatrice, tout en osant des schémas tactiques moins stéréotypés que sur le Tour 2020 où il comptait principalement sur la force de son équipe ou sur le Giro 2019 où il avait calé sa tactique exclusivement sur Vincenzo Nibali.

 

Par Olivier Dulaurent