C’est au pire une énorme supercherie, au mieux le fantasme d’une théorie loufoque. En attendant, la petite histoire commence à faire du bruit. Parce qu’il n’estimait pas plausible les exploits réalisés par Fabian Cancellara (Team Saxo Bank) dans le Tour des Flandres et Paris-Roubaix, l’ancien coureur Davide Cassani, aujourd’hui consultant pour la télévision italienne, a tâché de percer le mystère du champion helvétique. Non pas en le soupçonnant de dopage mais en le suspectant d’un acte malveillant. Pour Davide Cassani, ce n’est pas dans les veines du triomphateur des classiques flandriennes qu’il faut chercher une réponse mais dans les tubes des vélos qui lui ont permis la réalisation d’exploits qui ont laissé tout le monde pantois d’admiration. Et comme toutes les théories du complot s’appuient sur des « évidences », l’Italien l’a démontré.

Dans un reportage diffusé sur le web, Davide Cassani dévoile comment on peut introduire un petit moteur dans les tubes du cadre d’un vélo de course. C’est très efficace : une pression discrète sur un bouton dissimulé au niveau de la poignée de frein droite, et la batterie se met en marche, prenant le relais sur les efforts fournis par le coureur. « Si j’utilisais un tel vélo, avance Davide Cassani devant une machine ainsi dotée de ce système, je pourrais aisément gagner une étape du Giro à près de 50 ans. Comme vous le voyez, ce vélo est parfaitement identique à un vélo traditionnel. Mais quand on actionne le bouton, les pédales ne s’arrêtent pas et on file rapidement. » Puis, images des retransmissions télévisées à l’appui, Davide Cassani surprend Fabian Cancellara en train de manipuler furtivement ses poignées avant ses démarrages prodigieux. Vu sous cet angle, on se laisserait facilement convaincre…

Mais un champion serait-il capable d’une telle supercherie ? Aujourd’hui, l’image des soudains changements de vélo de Fabian Cancellara avant ses accélérations fatales, en Belgique comme dans le Nord, pourrait aisément créditer ces thèses surréalistes. Elles viennent surtout déchaîner les illusions des uns et des autres. Et le petit soupçon de dopage mécanique a pris des proportions insoupçonnées, la vidéo de Davide Cassani ayant déjà été vue un demi-million de fois ! Parmi eux, Jean-René Bernaudeau a réagi ce matin sur les ondes de France-Info, effaré mais pas étonné : « c’est une vidéo édifiante, j’ai été scotché. L’argent est arrivé à flot dans le sport depuis deux décennies et tous les moyens sont bons pour gagner de l’argent. Je vois peu d’escrocs, capables de changer leur sang, refuser de mettre un moteur si on en a la possibilité. Mais cela inclue une complicité entre plusieurs membres du staff, ce qui serait une escroquerie. »

Aujourd’hui, on ne contrôle que le poids des vélos, limité à 6,8 kg. L’emploi d’un tel système devant facilement alourdir le poids de la machine, faudra-t-il en venir à un contrôle systématique des vélos à l’arrivée ? Face à toutes ces affabulations, Fabian Cancellara a dû livrer son sentiment. Il s’est exprimé auprès de la presse de son pays. Quelques mots d’effarement afin de ne pas alimenter davantage un débat qu’il estime insensé : « c’est tellement fou que je n’ai pas de mots. Je n’ai jamais eu de batteries sur mon vélo. C’est une histoire triste et vraiment scandaleuse. Rassurez-vous, mes réalisations sont le fruit d’un travail de dur labeur. » Reste que la rumeur a enflé dans de telles proportions que le doute est maintenant jeté sur les performances du champion, qui a bâti sa réputation sur son… « gros moteur » !