Il y a trois semaines à Saint-Quentin-en-Yvelines, François Pervis ne cachait pas son scepticisme à l’idée de renouveler sur le vélodrome national la razzia qui l’a rendu célèbre il y a un an à Cali. Ses retrouvailles avec la piste colombienne en janvier, à l’issue d’un hiver maussade, s’étaient faites dans la douleur. Physique d’abord, celle d’une belle glissade en qualifications du keirin qui lui avait valu une grosse plaie derrière l’épaule et un bel hématome à la cuisse. Psychologique ensuite, cet incident ayant entraîné l’échec d’une sélection dans le trio de la vitesse par équipes. « Si ces Championnats du Monde n’avaient pas eu lieu en France, j’aurais peut-être déclaré forfait, avouait-il alors. Mais des Mondiaux à domicile, ça multiplie la motivation et la détermination. Je vais me transcender comme je sais me transcender. »

François Pervis a tenu parole. Parce qu’il remettait en jeu ce soir le premier de ses trois titres mondiaux, sous les yeux des 5000 spectateurs du vélodrome francilien, le Mayennais s’est sorti les tripes. Il a réalisé un parcours parfait, discret durant les phases de qualification mais toujours là où il fallait être, 2ème derrière Sam Webster au premier tour, 2ème derrière Edward Dawkins au second tour, deux Néo-Zélandais démis hier du titre mondial en vitesse par équipes et plus déterminés que jamais à prendre leur revanche en keirin. Tous deux étaient encore dans le coup en finale, ce qui n’était plus le cas de Michael D’Almeida, défait en demi-finale après avoir dû passer par les repêchages au tour précédent. Et encore moins de Denis Dmitriev, Jason Kenny et Shane Perkins, tous éliminés au cours des repêchages.

Les deux Néo-Zélandais n’étaient pas les seuls sur qui devait reposer l’attention de François Pervis. Le Russe Nikita Shurshin, l’Allemand Maximilian Levy et le Malaisien Azizulhasni Awang ont eux aussi atteint le stade de la finale. Mais le champion du monde en titre a su courir avec la tête avant de faire parler les jambes, ne se laissant pas intimider par une accélération lointaine de Maximilian Levy. 2ème tout du long, François Pervis a pris soin de contrôler ses adversaires avant de porter son effort et de prendre l’avantage dans la ligne opposée pour passer Levy et s’imposer très nettement devant Edward Dawkins et Azizulhasni Awang.

Et voilà François Pervis sacré champion du monde pour la cinquième fois de sa carrière et couronné ici devant les siens. C’est une ovation triomphale que réserve le vélodrome national à son géant, qui laisse échapper des larmes en venant saluer son public. La machine à gagner est remise sur les rails. Dès demain, c’est sur l’épreuve du kilomètre que la France entière l’attendra.

500 mètres Dames. Et voilà la France, chez elle, avec deux titres mondiaux en l’espace de deux soirées. Les autres disciplines ne lui laissait pas ou plus présager de médaille. Sur le 500 mètres, la Russe Anastasia Voynova est devenue pour la première fois championne du monde Elite en 33″149, devançant l’Australienne Anna Meares (33″425) et l’Allemande Miriam Welte (33″699). La Française Virginie Cueff s’est classée 6ème en 33″926.

Scratch Messieurs. Une médaille tricolore restait peut-être à la portée de Morgan Kneisky dans l’épreuve du scratch qu’il avait remportée en 2009, mais cette discipline s’apparente parfois à une loterie et notre représentant national n’a pas pu accompagner l’échappée formée par le Chinois King-Lok Cheung, l’Ukrainien Roman Gladysh, l’Américain Bobby Lea, l’Espagnol Albert Torres et l’Allemand Lucas Liss. Ce dernier est allé quérir l’or en anticipant le sprint final.

Poursuite par équipes Dames. On savait la piste de Saint-Quentin-en-Yvelines propice aux records du monde. Celui de la vitesse par équipes féminine était tombé hier soir (32″034), celui de la poursuite par équipes féminine lui a emboîté le pas. Et ce sont les Australiennes Ashlee Ankudinoff, Amy Cure, Annette Edmondson et Melissa Hoskins qui ont volé aux Britanniques (ici représentées par Archibald, Barker, Rowsell et Trott) leur propre record de 4’16″552 en réalisant en finale l’époustouflant chrono de 4’13″683 (contre 4’16″702 pour leurs adversaires).

Poursuite par équipes Messieurs. Des Britanniques décidément bien en peine, vaincus également chez les hommes où le quatuor Burke-Clancy-Doull-Tennant a fait la connaissance des Néo-Zélandais Pieter Bulling, Alex Frame, Dylan Kennett et Marc Ryan, sacrés pour la première fois champions du monde. Le duel final aura été d’une belle intensité. Quand les Néo-Zélandais ont bouclé la mi-course avec 104 millièmes de seconde d’avance, ils ont fléchi dans la seconde partie (0″509 de retard à 1250 mètres du but) pour se refaire in extremis, revenir à 72 millièmes de secondes à 500 mètres du terme de l’épreuve, et finalement reprendre l’avantage dans les deux derniers tours de piste, bouclés avec 599 millièmes de seconde d’avance sur les Britanniques.

Dans cette ultime épreuve il sera important de relever la performance de l’équipe de France, construite autour de Bryan Coquard, Julien Duval, Damien Gaudin et Julien Morice. Les quatre hommes sont parvenus à améliorer leur propre record de France (porté hier à 4’00″577) en bouclant les 4000 mètres en 3’58″616 ! Ils terminent 7èmes du Mondial mais les fondations sont désormais coulées.

Les champions du monde :

• 500 mètres Dames : Anastasia Voynova (RUS)
• poursuite par équipes Dames : Australie (Ankudinoff, Cure, Edmondson, Hoskins)
• keirin Messieurs : François Pervis (FRA)
• scratch Messieurs : Lucas Liss (ALL)
• poursuite par équipes Messieurs : Nouvelle-Zélande (Bulling, Frame, Kennett, Ryan)