Bradley, vous avez pratiquement repoussé Cadel Evans de deux minutes au classement général, quel est votre sentiment ?
Pour être honnête, une journée comme aujourd’hui c’est tout un état d’esprit dans lequel je suis. Je ne regarde pas autour de moi. Je me concentre sur ma performance, sur ce que je fais, de l’échauffement au podium. Tout est une question de concentration, si bien que je n’ai pas encore analysé ce qu’ont fait les autres. Gagner l’étape n’était pas l’objectif du jour, j’y allais dans l’optique du classement général. Ce qu’ont fait les autres, ce n’est pas encore le plus important. Je me suis concentré sur ma journée. Maintenant je suis soulagé, fier de moi, et je vais pouvoir commencer à étudier les performances des autres coureurs.

Ce contre-la-montre, vous l’aviez étudié jusque dans ses moindres détails ?
Oui, nous avions bien reconnu ce parcours après le Critérium du Dauphiné. Ce n’était pas un chrono facile, avec beaucoup de virages, des petites montées, une arrivée technique, beaucoup de choses à reconnaître. Nous avons filmé le parcours et réétudié son tracé sur l’ordinateur. Nous avons agi de la même manière sur piste, et c’est comme ça qu’on a gagné des médailles. On a tout optimisé pour ça : le matériel, l’équipement. Nous avons beaucoup travaillé en soufflerie pour trouver la position la plus adéquate. Moi, j’étais très motivé, c’est mon truc le chrono. J’étais vraiment chez moi aujourd’hui. J’avais de bonnes jambes et c’était super.

La première partie du Tour est maintenant terminée, avez-vous été surpris par son déroulement ?
Non, rien ne me surprend vraiment parce que je n’avais pas d’attente particulière. Il ne faut pas en avoir de toute façon car on peut être déçu ou surpris, les choses étant comme elles sont. L’important est de se focaliser sur le général. Il y a une tension énorme dans la course, une espèce de folie autour du Tour, et dans ce contexte il faut se concentrer sur sa propre performance, faire abstraction de la tension qui nous entoure depuis le départ de Liège. Je suis très fier de tout ce qu’on a fait jusqu’ici. Je n’avais aucune attente quant aux écarts à creuser. J’y vais jour après jour.

Christopher Froome est 3ème du général à 2’07 », quel va être son rôle dans les jours à venir ?
On va voir ce qu’il se passe. Chris est à mes côtés et avec moi depuis le début. L’année dernière, quand j’ai chuté, nous n’avions pas de plan B. Cette année c’est différent. L’idée serait de la garder dans cette position le plus longtemps possible. Mais on va faire le point car nous n’avions pas prévu d’avoir deux coureurs dans les trois premiers du général à ce moment de la course. On verra ce qu’on fait, si on le sacrifie ou si on essaie d’atteindre Paris sur le podium lui et moi.

Qu’avez-vous appris de vos deux premiers jours en jaune ?
Il faut savoir gérer ses émotions. J’ai ressenti cette émotion particulière en prenant le maillot jaune samedi soir. Cette nuit-là je n’ai pas très bien dormi à cause de la charge émotionnelle que ça représente, mais c’est pour ces moments-là que je pratique ce sport.

Etes-vous satisfait de la manière dont votre équipe a pris ses responsabilités depuis que vous avez pris le maillot jaune ?
Oui, je suis satisfait, mais ça depuis le début. C’était notre plan, c’est comme ça qu’on avait envisagé la course. On savait que tôt ou tard on allait devoir prendre nos responsabilités. On avait travaillé au Dauphiné pour ça, l’équipe du Tour a été sélectionnée dans cette optique. En plus, avec les journées difficiles qu’on a eues précédemment, les gars ont vraiment fait tout le boulot qu’on attendait d’eux.

Le maillot jaune, c’est un certain nombre de protocoles à respecter après la course : le podium, les interviews, le contrôle antidopage… Vous qui aimez décrasser sur le home-trainer, ça joue sur votre récupération ?
C’est vrai que je ne peux pas faire de home-trainer juste après la course parce qu’il y a tout ça. Mais tout se passe assez vite. Cette routine, je la connais pour l’avoir appréhendée au Dauphiné et sur Paris-Nice. Gagner ces deux épreuves m’a permis de m’accoutumer à tout ça. Ça a été une bonne préparation dans tous les domaines. En arrivant sur le Tour, je savais comment ça allait se passer donc ça ne m’affecte pas et ça n’influe pas sur ma récupération.

Propos recueillis à Besançon le 9 juillet 2012.