Cyrille, l’équipe Roubaix Lille Métropole a obtenu sa place in extremis sur le Tour Méditerranéen, c’est une bonne nouvelle ?
Oui, plutôt, mais la vraie bonne nouvelle c’est qu’une grande partie des problèmes ait pu être résolue avec les organisateurs vis-à-vis du respect des règles imposées par les différentes instances. Ce sont des règles normales qui sont d’ailleurs appliquées à l’ensemble des organisateurs français et étrangers. Nous sommes en train de rentrer dans une normalité, c’est très bien.

L’évolution des attitudes par rapport aux équipes françaises vous inquiète-t-il ?
Ca a déjà existé par le passé. Les gens, en règle générale, réagissent en fonction d’intérêts particuliers ou personnels à un instant T. Nous essayons de raisonner, à la Ligue ou à la Fédé, par rapport à l’intérêt général du cyclisme français à plus long terme. Dans l’immédiat et à court terme, nous n’avons donc pas les mêmes objectifs.

Revenons-en à votre formation, qui s’est démarquée cet hiver avec les performances de Matthieu Boulo en cyclo-cross. Comment a-t-il pris sa 4ème place aux Mondiaux Espoirs ?
Il l’a pris mal car on ne prend jamais bien une 4ème place, d’autant qu’il a le sentiment qu’il pouvait aller chercher une place sur le podium, même s’il n’était pas au top de sa condition physique à la suite d’une trachéite et d’une sinusite. Matthieu en a tiré des enseignements. Faire 4ème, quand on a bien travaillé tout l’hiver, qu’on s’est préparé consciencieusement, c’est toujours un peu déprimant, mais il n’en sortira que plus fort.

Sur la route, la saison a repris et sans les oreillettes. Qu’est-ce que cela change dans l’approche d’une course au moment du briefing ?
Ca change beaucoup de choses ! Ca veut dire qu’il faut déjà étudier le parcours dans ses moindres détails, le mémoriser. Ca signifie que chaque coureur doit faire un travail personnel sur ce plan-là, et c’est une très bonne chose car certains coureurs arrivaient dernièrement au départ d’une course sans savoir combien de kilomètres il y avait à faire. Le retrait des oreillettes va rappeler les règles de la course aux coureurs, obligés maintenant d’intervenir directement au moment où les choses se passent. Quand auparavant c’était très confortable pour un coureur d’avoir les oreillettes, désormais il va leur falloir apprendre à observer la course.

Vous n’êtes pas vraiment un défenseur du port de l’oreillette…
Tout ce que j’évoquais avec l’oreillette se passait moins chez moi car j’ai une longue expérience de directeur sportif sans les oreillettes et que j’ai une attitude relativement fermée par rapport à cela. Je considère, surtout avec des jeunes, qu’ils ont un travail personnel à faire. Et puis je regrette qu’il n’y ait jamais eu une véritable enquête scientifique sur l’influence des oreillettes, ne serait-ce que sur l’équilibre et la perception des sons, qui sont directement liés à la capacité de réflexe.

On voit en tout cas beaucoup de coureurs scotcher sur les potences les profils et indications de course ?
Les antisèches sont de retour ! Je crains maintenant que l’on passe à une autre étape, c’est-à-dire un GPS sur le guidon qui vous donnerait toutes les indications. Ce serait tout aussi dangereux que les oreillettes.

La disparition des oreillettes implique-t-elle davantage de moyens d’information de la part des organisateurs ?
Je pense que nous n’avons jamais vu autant d’informations et de mise en place de services de sécurité autour du coureur sur le terrain qu’à présent. Ca n’existait pas aux temps de Fausto Coppi, Louison Bobet ou Bernard Hinault et il y avait moins de chutes à leur époque qu’à la nôtre. De plus, vous constaterez que la plupart des chutes ne se font pas sur des ronds-points mais sur des lignes droites, donc au moment où il y a des pertes de concentration. Or personne ne veut en entendre parler.

L’aspect sécuritaire de l’oreillette ne tient donc pas debout ?
Evidemment. Il faut savoir qu’on signale toujours aux voitures un endroit dangereux, mais que celui-ci est déjà signalé sur le terrain par un gendarme, un drapeau rouge et un sifflet. Pourquoi faire plus ? La compétition possède des risques qui lui sont inhérents, quel que soit le sport. Aujourd’hui, il n’y a jamais eu autant de sécurité sur une course cycliste. Je ne vois pas ce qu’on pourrait faire de plus, si ce n’est faire courir les coureurs en couloir et en ligne droite. Et encore…

Quelles vont être les ambitions de Roubaix Lille Métropole cette année ?
La Coupe de France est le fil conducteur du cyclisme français. Certaines misent plus sur le WorldTour. Nous, nous n’y sommes pas donc notre fil conducteur c’est la Coupe de France, sur laquelle nous avons de très belles épreuves et où chaque coureur, à un moment ou l’autre, peut s’exprimer en fonction de ses qualités. Surtout chez nous où nous ne recherchons pas un résultat systématique. Tant mieux si nous en avons mais nous cherchons surtout à former et préparer les jeunes en vue d’intégrer des équipes plus huppées.

Après Aubervilliers, Bretagne-Schuller et Roubaix Lille Métropole, une nouvelle collectivité locale a choisi d’investir dans le cyclisme professionnel par le biais de La Pomme Marseille. Pensez-vous que ce soit une voie d’avenir ?
Je pense que l’implication des collectivités locales à ce niveau de compétition, par rapport aux budgets qui sont nécessaires, est une bonne chose. C’est un étage de la pyramide qui doit créer l’émulation au niveau régional. Le cas de La Pomme Marseille est un autre problème. La façon dont les choses se sont passées ne va pas obligatoirement dans le bon sens. La Direction Nationale de Contrôle et de Gestion (DNGC) a démontré que l’équipe n’avait pas les capacités financières pour venir à ce niveau-là. Nous avons toujours cherché à protéger le coureur sur le plan social. Avec cette équipe affiliée à la fédération lettonne, nous n’y sommes pas. C’est un peu dommage. Il nous appartient maintenant de voir comment nous pouvons les aider à passer d’un statut bâtard et peu moral à des choses normalisées.

Propos recueillis à Alès le 5 février 2011.