Pierre-Maurice, une partie de votre collection de photos et de maillots était exposée sur l’Explore Corsica, un musée flottant, combien de pièces exposiez-vous ?
Il ne s’agit que d’une sélection d’environ 200 pièces. Nous avons répondu à la demande des organisateurs de relever le challenge d’habiller le ferry à travers notre musée. Le premier défi, c’étaient les contraintes techniques liées au bateau, le second était de réussir à partager la passion de l’histoire de ce sport. On espère que l’alchimie a opéré. J’en profite pour remercier Laurent Courbon, Yann Le Moenner et leurs équipes pour la confiance qu’il nous ont accordée.

Au total, de combien de maillots et de pièces d’histoire du vélo disposez-vous ?
Actuellement, ma collection regroupe environ 4000 pièces. Des vélos, des maillots, ainsi que des objets ayant un lien avec l’histoire du cyclisme. Je ne cherche pas à atteindre un volume, mais plutôt retrouver des pièces qui transmettent des émotions.

Comment est née cette passion et sur quelle période avez-vous bâti cette collection ?
Mon père a été un cycliste amateur de très bon niveau dans le sud de la France à l’époque des Naddeo, Tinazzi… mais hélas je l’ai peu connu car il est décédé lorsque j’avais 8 ans. J’ai souhaité prendre sa roue mais la vie en a décidé autrement. A l’âge de 14 ans j’ai eu un cancer qui a nécessité deux ans de traitements. C’est à ce moment que j’ai pris ma plume et j’ai écrit aux coureurs afin d’obtenir des photos dédicacées et c’est ainsi qu’a démarré cette collection. Avec l’aide de ma maman qui a été essentielle dans ce combat, j’ai pu me rendre sur de nombreuses compétitions afin de la compléter et de cette aventure en est venue mon métier. En 2003, j’ai eu la chance d’intégrer l’équipe FDJeux.com en qualité de responsable merchandising. Une expérience magnifique sous la direction de Marc Madiot mais paradoxalement la passion de ma collection a disparu. Ce n’est qu’en 2010, lorsque j’ai rejoint la station de Risoul, où j’étais en charge de la politique vélo, que j’ai repris cette quête. Lors d’un stage, Alberto Contador m’a remis son maillot d’équipe puis, quelques mois après, lors d’un repas réunissant une quarantaine de coureurs du Tour (Froome, Rodriguez, Gallopin, Thomas, Porte…) dans le restaurant de ma compagne, tous les leaders se sont réunis pour m’offrir leurs tuniques. Et l’aventure est repartie.

Quelle est la pièce dont vous êtes le plus fier ?
Difficile à dire, car j’ai des émotions avec quasiment chaque pièce. Il y a des pièces pour lesquelles j’ai une affection personnelle, l’un des deux maillots jaune du Tour de Sean Kelly qui m’a été offert par De Gribaldy, ou encore une écharpe de vainqueur d’une épreuve sur piste qui s’est tenue sur le mythique Ve’l d’Hiv’ et qui m’a été offerte par Lucky Blondo, chanteur mythique des années 60. La fierté des pièces, je la trouve surtout à travers un rôle de gardien du temple. Il y a quelques mois, nous avons découvert un carton destiné à être détruit, on y a retrouvé un lot considérable de pièces de collection témoignant de l’histoire du Tour de France des années 50/60. Notamment les livres de route et les correspondances de Pierre Schori, speaker de l’époque. Le cyclisme m’a beaucoup apporté et je me dois aujourd’hui d’être vigilant à entretenir ces témoignages qui feront l’histoire de ce sport pour les futures générations.

Vous présenterez une exposition éphémère à Marseille du 8 au 30 juillet. Comment va-t-elle être organisée ?
Le Musée se tiendra au cœur de l’Orange Vélodrome de Marseille sur une surface d’environ 1200 m² du 8 au 30 juillet. Les visites se feront dans le cadre des visites du stade et on attend environ 20000 personnes sur l’ensemble. Il y aura six séquences à travers lesquelles je souhaite conjuguer le cyclisme sous toutes les formes qui en font sa richesse. Evidemment, une des séquences sera consacrée au Tour de France, qui aura sa place, mais le sport cycliste s’est construit aussi à travers d’autres épreuves et surtout autour de l’humain et de personnages emblématiques que je souhaite mettre en avant. C’est cet univers qui me permet aujourd’hui d’être là et je veux transmettre cette vision du cyclisme qui m’est chère. Je tiens aussi à remercier Jean-François Pescheux, qui m’apporte tout son soutien dans ce projet. Il est aujourd’hui un personnage unique à travers son parcours dans le cyclisme durant des décennies et je suis très honoré de le savoir à mes côtés pour ce projet. Il est l’un des derniers pionniers de notre sport et à travers lui j’ai une pensée pour Albert Bouvet, qui vient de nous quitter.

Selon vous, comment se fait-il qu’il n’y ait pas de musée du Tour de France ?
Très bonne question… C’est un sujet rempli de paradoxe et peut-être plus profond que le sport simplement. Dans le cyclisme français, nous avons un vrai souci avec le devoir de mémoire envers son histoire. L’évolution de notre vitrine qu’est le cyclisme professionnel est en train de l’oublier et cela pose la question de l’entité que l’on veut donner à notre discipline. Le cyclisme doit s’adapter à l’évolution du monde du sport et innover mais cela doit se faire en entretenant nos fondamentaux. Notre nation dispose du plus grand événement cycliste qu’est le Tour de France mais qui écrase involontairement les racines de ce sport, preuve en est la disparition d’épreuves : Grand Prix des Nations, Grand Prix du Midi-Libre, Bordeaux-Paris, Critérium International, Tour de Picardie… Au fil du temps notre histoire ne sera destinée qu’a des initiés. J’ai eu la chance d’avoir été soutenu par Cyrille Guimard dans des moments difficiles et je suis interloqué de voir que l’on mette des semaines à savoir si il est apte à diriger notre équipe de France. Je crois que son palmarès est assez éloquent, à moins que les décisionnaires ne connaissent pas son parcours.

Il y a le silence de nos institutions sur ce sujet mais il y a des lueurs d’espoirs…
ASO, à travers ses organisations, maintient en vie de nombreuses épreuves vouées à disparaître (Paris-Nice, Dauphiné…) et essaie de conjuguer l’avenir et le passé dans la construction de ses parcours. L’arrivée à l’Izoard n’est pas un enjeu sportif crucial mais en termes d’image il fait beaucoup de bien à notre sport. C’est l’évolution de l’usage du vélo dans le quotidien des Français, notamment les fixies issues du sport cycliste. Paradoxalement, c’est aussi l’engouement de notre territoire à l’étranger. Chaque région dispose de son monument du cyclisme qui séduit les touristes de tous horizons, des sites très rarement mis en valeur. Le cyclisme est devenu un réel atout touristique pour notre pays. Christian Prudhomme fait un travail remarquable à l’étranger sur la mise en avant de nos territoires et par conséquent de la pratique du cyclisme, il est un ambassadeur hors pair.

On remarque pourtant qu’à la différence de l’Italie, où on sent la passion du vélo, en France l’intérêt prime surtout au moment du Tour de France…
Il faut être vigilant car nos voisins ont entretenu une culture du cyclisme qui, au fil du temps, talonne nos monuments et il est probable que l’avenir ne permette plus ce type de projet. Je reste sans voix quand je visite le musée d’Audenarde sur l’unique Tour des Flandres ou encore le projet de Roulers qui va sortir de terre, un musée hors norme. Depuis quelques mois, je sens une vague qui monte à travers notre projet et nous nous devons de ne pas en rester là. Nous sommes armés pour tenter d’apporter notre pierre à ce travail de mémoire et de transmission. Il y a des négociations actuellement qui pourraient mener dans les jours à venir à annoncer le lancement d’un projet similaire à ce que l’on peut trouver en Belgique avec le musée de Roulers ou encore en Italie avec la Madonne del Ghisallo… En tout cas, nous allons mettre le braquet nécessaire pour remporter l’emballage final.