Sylvain, vous voilà vainqueur d’une deuxième étape du Tour de France en l’espace de quelques jours. Comment expliquez-vous votre force ?
J’ai beaucoup souffert en début de saison. Du fait de n’avoir pas pu courir en mai, j’ai pas mal de fraîcheur. C’est rare de me voir concrétiser comme ça sur le Tour. J’ai une bonne équipe autour de moi. On a vu Jérôme Pineau très fort aujourd’hui. Quant à moi, j’avais des jambes de feu dans le final, j’ai choisi d’y aller. Ce sont des cols qui me conviennent. Ce soir je vais savourer, demain est un autre jour.

Que vous a dit Jérôme Pineau lorsque vous l’avez rejoint dans la dernière ascension ?
Jéjé m’a tout simplement encouragé à y aller, lui n’y pouvait plus. Quand je suis sorti en contre, j’ai bien attaqué. Mais j’ai eu du mal à remonter sur Jérôme. Il fallait que je reprenne mon souffle. Quand je l’ai rejoint, il a essayé de m’emmener mais il était cuit. Je n’ai alors pensé qu’à gagner l’étape, le Maillot Jaune devenait un bonus. Mais ce sont des cols que j’aime, c’est du 3 %, 4 %, tout ce que j’aime.

Vous récupérez le Maillot Jaune après l’avoir cédé vers Arenberg, c’est fabuleux ?
Que dire ! Plus on avançait dans le Tour, plus la déception était là de l’avoir perdu dans les circonstances de l’étape d’Arenberg. Je me disais que j’avais sans doute laissé passer une chance de porter le Maillot Jaune plus longtemps. Là je le récupère. La dernière fois, quand j’ai gagné, le peloton s’est relevé derrière. Cette fois, on ne peut rien me dire, j’ai pris une vraie revanche.

Vous attendiez-vous à un tel début de Tour ?
On est dans une bonne spirale. Jérôme est parti dans la bonne échappée. Actuellement, tout ce qu’on dit au briefing fonctionne. Il y a des fois ça ne marche pas mais là tout marche vraiment comme on le veut. Tout fonctionne comme sur des roulettes. C’est plus que réussi. Je ne pensais pas qu’une deuxième victoire arriverait si vite. Beaucoup me voyaient en Jaune ce soir mais je n’y croyais pas. Ca s’est fait comme ça, en cours d’étape, au fil de la journée.

Le fait d’aller à la Quick Step vous a-t-il permis de trouver ce que vous ne trouviez pas en France ?
Je suis bien entouré, Jérôme aussi. Nous avons été bien intégrés au groupe, on s’éclate. J’ai un bon comportement et je fais plaisir à tout le monde.

Gagner le Tour, ce n’est pas encore pensable, mais ramener à Paris le Maillot à Pois peut-il devenir un objectif ?
C’est une première partie de Tour de France formidable. Pour l’instant je vais déjà savourer mes deux victoires. Je donne pas mal sur le Tour. Je vais agir au jour le jour, en fonction de ma fraîcheur. Elle était importante avant le départ du Tour, je suis très fort. Alors je vais voir si je suis capable de défendre une place au général, si je suis capable de marquer des points au classement de la montagne ou bien de gagner une troisième étape. Je n’ai en tout cas pas de stress. J’ai fait dix Tours de France et c’est la première année où je ne pense à rien, je suis dans ma bulle, comme intouchable.

Vous tenez votre fraîcheur d’un événement malheureux, votre chute qui vous a écarté des pelotons au printemps, allez-vous tenir compte de pareille coupure à l’avenir ?
C’est vrai que c’est une chose à laquelle je pourrais penser, faire un bon début de saison puis vraiment couper, qu’on entende plus parler de moi au mois de mai, comme je l’ai fait à cause de ma chute. C’est une chose à laquelle je vais certainement réfléchir cet hiver, ça c’est sûr.

En Jaune, ne pensez-vous pas rendre service aux équipes des favoris ?
Je pense que ça soulage les équipes des grands leaders, qui ne vont pas avoir à prendre la course en main. Tout le monde attend les Pyrénées. Demain, ce sera différent. Ce sera la vraie haute montagne, mais quand je suis en condition, je peux bien passer la montagne. J’ai déjà fait de bons résultats, 7ème en haut de l’Alpe d’Huez. Je ne me pose pas la question, je vais essayer de tout donner demain et on verra. Ensuite viendra la journée de repos pour récupérer.

Qui pensez-vous qui vous prendra le Maillot Jaune ?
Je n’ai pas trop regardé comment c’était derrière moi, mais pourquoi pas un Cadel Evans, le mieux placé au général, deuxième à 1’25 ». Ou un Andy Schleck, pourquoi pas.

Réalisez-vous ce qui vous arrive cette semaine ?
Je vais réaliser quand je vais rentrer à la maison. Il reste encore deux semaines, pour l’instant je suis sur mon petit nuage. Mais c’est vrai que je marque le début de ce Tour de France. Je ne pense pas à demain, je vais penser à récupérer. Demain c’est une arrivée au sommet. Contador, Schleck, Evans vont s’exprimer, je vais m’attacher à tout donner pour garder la première place. Un Maillot Jaune, ça se défend, je vais essayer de tout faire. Mais si je le perds demain, ce n’est pas grave. J’aurai vécu de belles journées sur ce Tour.

Propos recueillis dans la station des Rousses le 10 juillet 2010.