Vincent, la première partie de saison de l’équipe Ag2r La Mondiale a tranché avec celle de l’année passée, où s’est faite la différence ?
L’an dernier, nous n’avons pas fait une bonne saison. Renouveler cette mauvaise expérience n’aurait pas été bien judicieux. Avec les résultats tels qu’ils sont cette année pour l’équipe, nous sommes plus à notre place. Je le justifie surtout par un recrutement assez agressif, dans le bon sens du terme. Nous avons changé pas mal de coureurs et fait rentrer des garçons aux qualités fortes. Des puncheurs, des sprinteurs qui savent gagner des courses, à l’image de Yauheni Hutarovich, de Samuel Dumoulin, de Carlos Betancur. Nous avons soigné le recrutement, ça porte ses fruits aujourd’hui.

Est-ce à dire que le recrutement réalisé un an plus tôt comprenait des erreurs de casting ?
Certainement. Si ça n’a pas fonctionné c’est qu’il en va d’une part importante de ma responsabilité dans le recrutement. Maintenant, recruter se fait autour de nombreux paramètres parmi lesquels les possibilités financières, évidemment, mais aussi les coureurs qui sont sur le marché, nos possibilités à nous de pouvoir libérer des places à un moment donné. Sans oublier les points UCI, qui entrent en ligne de compte. La priorité en 2012 était de maintenir l’équipe en 1ère division. Il est clair que le recrutement exotique que nous avions pratiqué n’a pas porté ses fruits.

En recrutant des coureurs à points, vous avez maintenu l’équipe dans le WorldTour. Mais jugez-vous ce système efficace ?
En 2012, nous avions été très attentifs aux points que possédaient les coureurs que nous voulions recruter. En ce qui concerne 2013, nous avons été beaucoup plus à l’aise puisque 13ème de la hiérarchie sportive après recrutement. Finalement, le système de points a surtout servi des équipes comme Euskaltel-Euskadi et Lampre-Merida. Nous nous sommes surtout appliqués à recruter des garçons qui avaient des qualités fortes, notamment Hutarovich, Dumoulin, Betancur, Pozzovivo… Des garçons capables d’ajouter une vraie valeur ajoutée sur le plan sportif dans la saison.

La victoire de Samuel Dumoulin dès l’Etoile de Bessèges a-t-elle aidé l’équipe à se débloquer ?
C’est toujours une bonne chose que de gagner assez tôt dans la saison. Ça permet d’enlever une pression naturelle quand les résultats ne viennent pas. Samuel a su s’imposer très rapidement comme un très bon capitaine de route, quelqu’un qui dynamise le groupe, qui met l’ambiance, et qui est capable de tirer l’équipe vers le haut. Ça a été une bonne chose dès Bessèges. Une spirale s’est tout de suite installée. Depuis, ça continue, même si nous sommes encore un peu en manque de victoires par rapport à nos concurrents. Nous avons douze 2èmes places, énormément de places dans les cinq premiers, et trois victoires seulement, mais globalement l’équipe marche très bien.

Les bons résultats de Carlos Betancur, John Gadret et Jean-Christophe Péraud au Tour du Pays Basque la semaine dernière doivent également vous réjouir…
Oui, d’autant que le Tour du Pays Basque reste une épreuve de très haut niveau, en WorldTour, et avec des coureurs phare. Ça veut dire que l’équipe est capable de jouer au plus haut niveau dans son domaine. Nous sommes davantage spécialisés sur les courses par étapes montagneuses plutôt que sur les classiques, qui restent notre point faible. Nous n’avons pas le potentiel des plus grandes équipes du monde mais un bon groupe homogène sur toutes les courses par étapes. Et on fait ce qu’on peut sur les classiques.

L’équipe n’aurait-elle pas intérêt à se renforcer sur ce terrain des classiques ?
Nous souhaiterions effectivement pouvoir recruter également des hommes forts sur ce type de parcours. Ce n’est pas facile. Encore une fois, il est difficile d’être au niveau dans tous les domaines, dans les courses par étapes et dans les classiques. Historiquement dans l’équipe, nous avons toujours eu une affection particulière pour les courses par étapes. Ce n’est pas que nous ayons délaissé les classiques, mais on n’a pas le potentiel pour recruter des champions dans tous les domaines. On fait pour le mieux mais si on peut avoir l’occasion de recruter un ou deux bons coureurs de classiques, si possible Français, ce sera parfait.

Avez-vous déjà des pistes ?
J’ai des idées bien sûr. Il y a un ou deux coureurs qui me plaisent bien dans le peloton et ça me ferait plaisir de les intégrer dans notre équipe, mais de nombreux paramètres interviennent, parmi lesquels leur possibilité de se libérer, leur envie de venir dans notre équipe et notre possibilité financière de les accueillir.

Le grand objectif de Domenico Pozzovivo arrive avec le Giro, qui était la chasse gardée de John Gadret. Comment allez-vous gérer cette situation ?
John, a priori, ne souhaite pas participer au Giro cette saison, ayant plutôt un œil sur le Tour de France dont le parcours lui plaît. Il n’a pas souhaité faire le Tour d’Italie cette année, pour lequel nous aurons Domenico Pozzovivo et Carlos Betancur pour leaders.

Entre le sprint de Samuel Dumoulin, la chevauchée de Blel Kadri sur la Roma Maxima et le triomphe de Jean-Christophe Péraud au Mont Faron, les trois victoires de l’équipe Ag2r La Mondiale jusqu’à présent ont été obtenues de toutes les manières…
J’étais très heureux que Blel Kadri revienne à ce niveau-là car c’est un garçon qui a beaucoup de talent. La grave chute dont il a été victime l’année dernière à Paris-Nice l’a pénalisé toute la saison. A Rome il a montré l’étendue de son talent en remportant cette belle course devant de grands coureurs. Jean-Christophe Péraud est une valeur sûre mais il avait du mal à gagner jusqu’à maintenant. Cette victoire va le décomplexer. Quant à Samuel Dumoulin, c’est un puncheur et un coureur capable de gagner des courses. Nous avons des coureurs capables de gagner et on le sait.

Propos recueillis à Roubaix le 5 avril 2013.