Nicolas, qu’est-ce que ça fait d’être vainqueur, en tant que directeur sportif, de quatre Grands Tours consécutifs ?
Ce n’est pas quelque chose sur lequel je m’attarde, mais ce sera peut-être différent quand j’aurai arrêté ce métier là. En fait c’est toujours pareil, quand on a son travail, on a des objectifs, on les réussit et puis on ne réalise pas vraiment ce que l’on fait surtout quand ce sont des exploits. Cela me fait plaisir, je me dis que je fais du bon boulot. C’est une satisfaction personnelle.

En quoi est-ce que le management de deux champions comme Geraint Thomas et Chris Froome, est différent ou complémentaire ?
C’est une longue question. Il y a plusieurs choses, je pense que c’est à la fois complémentaire et différent. En général quand on part sur le Tour on y va avec un leader et le back-up, et là depuis le mois de décembre nous voulions essayer de préparer deux coureurs pour le Tour. Pour « G » c’était uniquement le plan et Froome s’attaquait à son troisième Grand Tour d’affilé et tentait d’enchaîner après le Giro en gagnant un cinquième Tour. Il y avait beaucoup d’incertitudes, nous ne savions pas ce qui pouvait se passer avec Chris donc c’était important d’avoir « G » et de lui donner sa chance. Et ça s’est très bien passé.

La stratégie de jouer les deux Grands Tours consécutivement avec Chris Froome, il n’y a pas de regrets finalement, parce qu’il termine très fort ce Tour ?
Oui, je pense et tout le monde pense dans l’équipe que faire le doublé Giro-Tour c’est absolument impossible. Mais après, pourquoi pas, un jour un grand champion arrivera à faire les trois la même année. Chris a fait Tour-Vuelta-Giro mais je pense que c’est possible. Après il faut forcément que les choses s’alignent, tout simplement. Mais je ne pense pas que ce soit le Giro qui l’ait cramé. Tout ce qu’il a subi durant les derniers dix mois était vraiment dur et puis il n’était peut-être pas à son meilleur tout simplement. Et il y avait un « G » super fort, et aussi un grand Tom Dumoulin.

Geraint Thomas était en forme tôt sur le Dauphiné, et il a montré que physiquement il terminait très fort, donc ça veut dire que l’enchaînement est faisable ?
Oui mais je pense qu’il n’était peut-être pas à son pic de forme sur le Dauphiné. Ils étaient tous très bons au Dauphiné mais il leur manquait encore quelque chose. Je me souviens d’avoir vu pas mal d’interviews de coureurs qui étaient sur le podium du Dauphiné et qui disaient ne pas être encore à leur pic. Pour « G » c’était pareil, il était très bien mais son objectif, cette année, n’était pas de gagner le Dauphiné. C’était d’aller sur le Tour comme s’il était là pour gagner. Il lui restait une marge et il a réussi à tenir ça, à s’améliorer un petit peu entre le Dauphiné et le Tour et puis à être top pendant trois semaines.

Vous diriez que vous avez accru votre différence avec la concurrence ou qu’elle s’est rapprochée de vous ?
Non, je pense que tous les ans, la concurrence se rapproche, c’est sûr.

On a pourtant l’impression qu’elle était plus proche l’année dernière…
C’est le profil. Le profil l’an dernier n’était pas assez dur, c’était très ouvert donc tout le monde pouvait faire quelque chose. Mais cette année c’était très dur. Après on parle toujours de l’équipe, et du budget, mais il faut aussi que les gens comprennent que nous avons roulé pour toutes les autres équipes pendant trois semaines. Donc ensuite, quand on arrive à la pédale, tous les leaders des équipes sont là où il faut. Quand on est un Geraint Thomas, Tom Dumoulin ou un Chris Froome, à un moment donné on n’a pas besoin d’équipier. Quand il ne reste que les 5 ou 10 meilleurs il n’y a plus d’équipiers. Après, c’est vrai que quand on a la chance d’avoir le maillot jaune, on veut contrôler le Tour et là il faut une équipe solide. Et c’est sûr que cette année nous avons vu des gros leaders qui n’avaient pas forcément des équipes très solides.