On peut l’affirmer haut et fort, nous aurons vécu en 2010 une superbe saison. Prenante, captivante, passionnante, dotée de tous les ingrédients nécessaires à la production d’une année riche en émotions. Seulement, on le sait, les bonnes choses ont une fin – dans notre cas il ne s’agit heureusement que d’une trêve de trois mois – et il faut conclure aujourd’hui, fermer le rideau sur une nouvelle saison qu’on aura à cœur de se remémorer durant l’entracte hivernal, en attendant de nouvelles scènes inédites en 2011. Quand vient le Tour de Lombardie, au moment où les paysages prennent leurs couleurs d’automne, c’est donc la saison qui s’achève. Et pour nos vaillants champions qui auront tenu à pousser les efforts jusqu’au terme du calendrier, il faudra redoubler de courage dans une 104ème édition du Tour de Lombardie troublée par la pluie.

La course a été durcie par rapport à l’an passé. Le départ de nouveau organisé dans les rues de Milan a rallongé d’une vingtaine de kilomètres la distance de la classique italienne (260 kilomètres au lieu de 242) et une nouvelle difficulté, on peut même parler de col, vient faire son apparition à une quarantaine de kilomètres de l’arrivée à Côme. Ajoutez à cela les conditions climatiques exécrables au programme du jour et vous obtenez une dernière course dantesque. Ce Tour de Lombardie sera la classique des feuilles mortes… et des routes gorgées d’eau. Mais la météo épouvantable n’altère pas la liste des favoris. Passé à côté du titre mondial il y a deux semaines en raison d’un parcours qui ne lui convenait pas pour un sou, Philippe Gilbert (Omega Pharma-Lotto) n’a pas oublié qu’il est le meilleur coureur du peloton actuellement. Il l’a encore prouvé en s’adjugeant le Tour du Piémont il y a quarante-huit heures. Comme en 2009.

Philippe Gilbert est l’homme à battre, quelles que soient les conditions atmosphériques, car il s’en est fallu de peu pour qu’il devienne champion du monde à Geelong. Dans un style similaire chez les Espoirs, le Français Tony Gallopin (Cofidis) avait échoué à peu près au même endroit que son aîné belge. Et lui aussi marche fort ces temps-ci. Alors il repart à l’attaque, comme jeudi dans le Piémont, pour prendre part à l’échappée matinale lancée au 15ème kilomètre avec Diego Caccia et Gianluca Mirenda (ISD-Neri), Michael Albasini (Team HTC-Columbia), Kjell Carlström (Team Sky) et Mauro Da Dalto (Lampre-Farnese Vini). Cette échappée du matin va prendre 8’45 » sur le peloton conduit par les équipiers de Gilbert puis les premiers vont se disperser sur les routes lombardes pour être rejoints à tour de rôle et laisser les favoris s’expliquer.

Malgré la chaussée détrempée, Philippe Gilbert fait la descente et s’échappe à la pédale.

Les mauvaises conditions météos ont accéléré le processus d’élimination, mais la sélection définitive va être réalisée par Vincenzo Nibali (Liquigas-Doimo). Le tout frais vainqueur du Tour d’Espagne a grandement envie de clôturer sa saison 2010 sur un succès des plus prisés. Après une première attaque dans la Madonna del Ghisallo, c’est une nouvelle accélération sur les rampes du nouveau Colma di Sormano (9,4 km à 6,6 %) qui propulse à l’avant les meilleurs éléments du peloton. Nouvellement placé à 41 kilomètres de l’arrivée, ce col est également le nouveau point culminant du Tour de Lombardie. Cela implique une descente plus longue vers la cité de Côme. Une descente interminable que les coureurs vont aborder avec beaucoup de prudence sur une route détrempée qui ne pardonnera pas la moindre faute d’inattention. Nibali va en faire les frais. Il glisse les deux mains en avant à 30 kilomètres du but !

La glissade de l’Italien se produit dans la roue de Philippe Gilbert, qui a pour sa part choisi de faire la descente en tête, justement pour s’épargner ce genre d’incommodités. Nibali n’est pas blessé mais il est touché dans son orgueil car il était peut-être le seul à pouvoir contester aujourd’hui un doublé de Philippe Gilbert. On ne le saura pas. Tandis que l’Italien tente d’organiser la poursuite avec Carlos Barredo (Quick Step), Jakob Fuglsang (Team Saxo Bank), Bauke Mollema (Rabobank), Pablo Lastras, Rigoberto Uran (Caisse d’Epargne), Mikel Nieve et Samuel Sanchez (Euskaltel-Euskadi), l’as du Tour de Lombardie fait la descente et s’échappe à la pédale. Seul l’Italien Michele Scarponi (Androni Giocattoli) va parvenir à recoller à sa roue à 16 kilomètres de l’arrivée, finalement un plus pour Gilbert, qui va pouvoir se refaire un peu avant la difficulté finale.

Car avant l’arrivée à Côme, il reste à négocier la montée de la côte de San Fermo della Battaglia (2,8 km à 6,8 %), placée à 5 kilomètres de la ligne d’arrivée. Philippe Gilbert et Michele Scarponi l’abordent au coude à coude. Et encore une fois, c’est à la pédale que le puncheur wallon va faire la différence, accélérant l’allure dans les derniers hectomètres de la bosse pour s’isoler pour de bon et aller chercher à Côme sa deuxième victoire consécutive dans le Tour de Lombardie. Avec la manière, encore une fois ! Derrière l’intouchable Philippe Gilbert, l’Italien Michele Scarponi prend la deuxième place, Pablo Lastras la troisième, tandis que le malheureux Vincenzo Nibali doit se contenter de la cinquième place. Voilà, la saison 2010 s’achève ainsi, sur l’image d’un beau champion dont on n’a pas fini d’entendre parler dans les années à venir. Ne nous reste qu’à souhaiter une bonne trêve au peloton avant les retrouvailles mi-janvier !

Classement :

1. Philippe Gilbert (BEL, Omega Pharma-Lotto) les 260 km en 6h46’32 »
2. Michele Scarponi (ITA, Androni Giocattoli) à 12 sec.
3. Pablo Lastras (ESP, Caisse d’Epargne) à 55 sec.
4. Jakob Fuglsang (DAN, Team Saxo Bank) à 1’08 »
5. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) m.t.
6. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 1’12 »
7. Mikel Nieve (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 2’07 »
8. Mauro Santambrogio (ITA, BMC Racing Team) à 3’01 »
9. Carlos Barredo (ESP, Quick Step) à 3’25 »
10. Giampaolo Caruso (ITA, Team Katusha) à 3’50 »
Classement complet