Un jour sur deux, Daniel Mangeas, l’inimitable voix du Tour, nous confie ses mémoires de speaker, lui qui fut témoin pendant quarante ans de toutes les arrivées d’étapes du Tour de France. Il tirera sa révérence au terme de la 101ème édition le 27 juillet.

« Cette dernière journée sur le Tour de France, ça va être… pff… Certes, j’y suis préparé. Cela fait deux, trois ans que je me pose la question. A partir de là c’est bien acté, même s’il est vrai que je souhaite qu’on ne m’en parle pas quand je reposerai le micro sur les Champs-Elysées. Il ne faut pas que j’y pense, que je me sorte de la tête que c’est fini. Cela fait quarante ans que j’accompagne le Tour, j’ai vécu toutes les arrivées sur les Champs-Elysées, ce n’est pas rien. La course, je la commenterai normalement, comme si de rien n’était. Ce n’est qu’à compter du protocole que je penserai sans doute que c’est mon dernier. J’espère ne pas avoir de tremolo dans la voix au moment d’éteindre le micro. Mais j’évite d’y penser !

C’est un chapitre qui se referme, une fin que l’on écrit. Emotionnellement, ça risque d’être quelque chose d’assez fort. Je vous en reparlerai !

Et l’avenir dans tout ça. J’ai plaisir à entendre auprès de nombreuses organisations que des speakers, ils en retrouveront, mais que je resterai un personnage particulier. Ce sont eux qui le disent. Les gens m’aiment, il y a une empathie de la part du public avec moi. J’aime les gens. Et quand on aime, on aime être aimé, c’est un renvoi d’ascenseur. J’ai reçu beaucoup de courriers de gens qui me demandaient de continuer, mais non, il faut savoir arrêter. Ce n’est d’ailleurs pas une retraite, c’est une décélération. Ce n’est pas la même chose. Je vais continuer à oeuvrer sur des épreuves plus proches de mon domicile, auprès d’organisateurs qui sont devenus au fil du temps des amis.

J’ai toujours la même passion. C’est peut-être ce qui a rendu plus difficile ma décision de faire mon dernier Tour. J’aime le vélo sous toutes ses formes. J’ai pris du plaisir à commenter le Tour, mais ce serait pareil assis sur un talus sous un chaud soleil à regarder une 1, 2, 3, Juniors. J’aime l’ambiance qui règne sur les compétitions cyclistes. Jusqu’à mon dernier souffle j’irai voir le Grand Prix de Saint-Martin-de-Landelles si Dieu me prête vie jusqu’à l’âge de Robert Marchand !

L’avenir, donc, dans tout ça. Les générations d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes que la mienne. Les jeunes d’aujourd’hui me paraissent beaucoup plus sûrs d’eux que je ne l’étais moi à leur âge. Ce n’est pas moi qui leur donnerai des conseils. Mais à celui qui prendra ma succession, je lui conseillerai tout simplement de se dire que, même s’il a la chance d’acquérir une certaine notoriété dans quelques années, la vedette n’est pas lui mais l’événement et le coureur, qui reste le véritable acteur. Au speaker d’essayer de servir au mieux le Tour de France plutôt que, et c’est dans l’air du temps aujourd’hui, de se servir du Tour. Je vais laisser la jeune génération prendre le témoin, et je serai le plus comblé des hommes si elle répond aux attentes des organisateurs.

Quant à moi, en juillet 2015, j’irai découvrir la Norvège. Mon fils est marié avec une Norvégienne et vit à Bergen. Je n’ai toujours vu la Norvège qu’au mois de novembre, quand il fait jour à 10h00 et nuit à 15h00. Pour la première fois, je profiterai du mois de juillet pour aller le voir. Je suivrai les résultats du Tour de France depuis Internet. Avant de lui faire une visite en 2016 pour saluer les copains. »

Daniel Mangeas