Un jour sur deux, Daniel Mangeas, l’inimitable voix du Tour, nous confie ses mémoires de speaker, lui qui fut témoin pendant quarante ans de toutes les arrivées d’étapes du Tour de France. Il tirera sa révérence au terme de la 101ème édition le 27 juillet.

« Il est arrivé une fois, dans l’Histoire du Tour de France, qu’un premier du classement général refuse d’endosser le maillot jaune sur le podium protocolaire. En 1991, la cinquième étape relie Reims à Valenciennes. C’est une étape très courte avec moins de 150 kilomètres à couvrir et donc très rapide. A la faveur du contre-la-montre par équipes organisé trois jours plus tôt entre Bron et Chassieu, Rolf Sörensen est en jaune. Malheureusement il va chuter lourdement dans le final de cette cinquième étape, à l’entrée de Valenciennes, et se casser la clavicule.

Pour lui, le Tour de France s’arrête là, mais il va tout de même aller chercher le maillot jaune sur le podium. En tant que speaker, c’est toujours un moment émotionnellement fort que de voir des coureurs touchés dans la chute arriver sur le podium. Personne ne sait trop comment réagir et les politiques, comme le maire de Valenciennes Jean-Louis Borloo, ne savent pas trop comment s’y prendre non plus quand il s’agit de féliciter le coureur. Un moment de flou s’installe alors. Le cyclisme déverse déjà beaucoup d’émotions, mais dans ces moments là elle est encore plus accentuée qu’à l’habitude.

Le lendemain, Rolf Sörensen ne repart pas. Son dauphin au classement général Greg LeMond doit alors partir en jaune mais il refuse de le porter, considérant qu’on ne doit pas porter un maillot jaune sur la chute d’un adversaire. La chute fait partie d’un incident de course, mais on connaît le fair-play et la sportivité de Greg. On dit que pour comprendre les autres, il faut se mettre à leur place. Ce jour-là je pense que Greg LeMond s’était mis à la place de Rolf Sörensen. »

Daniel Mangeas