Un jour sur deux, Daniel Mangeas, l’inimitable voix du Tour, nous confie ses mémoires de speaker, lui qui fut témoin pendant quarante ans de toutes les arrivées d’étapes du Tour de France. Il tirera sa révérence au terme de la 101ème édition le 27 juillet.

« Mes fonctions de speaker du Tour de France m’ont conduit chaque année à diriger la cérémonie de présentation de l’épreuve au Palais des Congrès de Paris. Pour autant jamais je n’ai cherché à connaître à l’avance son tracé. Pour moi, le découvrir, c’est comme un cadeau de Noël. En octobre 2001, on me répète que le Tour va passer dans mon village de Saint-Martin-de-Landelles, mais je ne veux rien en savoir. Je n’en serai vraiment persuader qu’en arrivant le matin de la présentation quelques minutes avant les invités. Non seulement une étape du Tour va partir de Saint-Martin-de-Landelles, en direction de Plouay, mais en plus un 14 juillet.

C’est assez rare mais l’église de la commune est intégrée à l’intérieur du Village du Tour. C’est depuis les marches de l’église que Jean-Marie Leblanc fait son discours matinal. Là-même où, quand j’étais gamin, je jouais aux petits coureurs avec les copains. J’en ai croisés deux. « Tu te rends compte, leur ai-je dit, à côté du muret de l’église près duquel on jouait avec nos petits coureurs, ce sont les vrais qui sont là ! » C’est un jour historique pour notre commune qui ne se refera certainement jamais. A Saint-Martin-de-Landelles les gens se repassent encore le DVD pour se remémorer ce qu’ils ont vécu ce 14 juillet. Après le départ, on a fait deux bœufs grillés et il s’est retrouvé 2000 personnes à rester manger devant les écrans géants. Ça a été un feu d’artifices ancré dans la mémoire de tous les Landelais.

Néanmoins on s’est posés beaucoup de questions avant de recevoir le Tour. On allait accueillir la plus grande épreuve cycliste au monde et nous voulions être à la hauteur. Il n’y aura eu qu’une seule fausse note : le brave curé de Saint-Martin-de-Landelles a oublié de débrancher les cloches, qui se sont mises à sonner à toute volée au moment où Jean-Marie Leblanc allait commencer son discours, qu’il a dû différer de quelques minutes.

Il y a des jours comme ça dont on se rappelle tout une vie. Entre l’arrivée la veille à Avranches et le départ de Saint-Martin-de-Landelles, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Je suis allé voir le montage de la ligne de départ, à 50 mètres de la maison, ce que je n’ai jamais l’occasion de voir. J’avais l’impression de revoir « Sous le plus grand chapiteau du monde ». C’était aussi colossal. Sur le podium, le matin, les équipes m’ont offert un maillot dédicacé par tous les coureurs, sur une idée de mon adjoint à l’époque Frédéric Raphanel. De mon côté j’espérais garder tous mes moyens pour pouvoir commenter le départ.

On n’a jamais vu autant de monde à Saint-Martin. On a même fait la une du New York Times, qui a envoyé un journaliste spécialement chez nous. Et pour que ça reste exceptionnel, il faut que ça reste unique. Ce 14 juillet 2002 le restera. »

Daniel Mangeas