Ils ne sauraient trop se l’expliquer, mais les coureurs qui se présentent cet après-midi sur la rampe de lancement de ce qui indique le point de départ d’une aventure palpitante s’accordent pour dire qu’il règne sur le Giro une atmosphère particulière. Un charme envoûtant. Un peu comme ces monuments printaniers du calendrier dont on caresse le mythe en ce samedi en Ligurie, à deux pas de la route de Milan-San Remo. Le Tour d’Italie, un an après s’être expatrié en Irlande, a souhaité retrouver ses racines. Il a jeté l’ancre dans la baie de San Remo, le long des côtes liguriennes, qu’il se propose de raser sur 17,6 kilomètres à l’occasion d’un exercice toujours spectaculaire en ouverture : le contre-la-montre par équipes. De quoi dès le départ accorder une place dans la hiérarchie aux candidats au maillot rose.

Pour rallier San Lorenzo al Mare à San Remo, l’organisation aurait pu opter pour la mythique Via Aurelia et la montée du Poggio. Mais c’est un exercice tout aussi frappant pour lequel elle a opté. Le long de la légendaire chaussée de la classicissima, une ancienne voie ferrée a été reconvertie en piste cyclable. C’est elle que les vingt-deux équipes engagées dans la bataille emprunteront cet après-midi sous un ciel clément mais face au vent. Un exercice pour gros rouleurs, sans difficulté évidente, bien que la moindre chicane sur ce tronçon étroit présente en apparence un peu plus de technicité. Il n’y aura en tout cas aucun incident à déplorer sur ce parcours atypique, un vieux chemin de fer qui va voir tout l’après-midi se succéder des trains d’un autre genre.

Il est important de tirer au mieux son épingle du jeu sur ces 17,6 kilomètres, et ce n’est pas à l’équipe Orica-GreenEdge qu’on l’apprendra. La formation australienne, au-dessus du lot il y a un an dans les rues humides de Belfast, avait grâce à sa fantastique prestation posé les bases d’une première semaine très fructueuse. Elle est revenue sur le Giro avec l’intention de réaliser le même type de coup, convaincue que d’un bon chrono par équipes dépendra la réussite des trois semaines à venir. Le vieux Svein Tuft, à qui l’équipe australienne avait accordé le premier maillot rose l’an passé, n’est pas au départ cette année. En revanche Sam Bewley, Esteban Chaves, Simon Clarke, Luke Durbridge, Simon Gerrans, Michael Hepburn, Brett Lancaster, Michael Matthews et Pieter Weening font cause commune face au chronomètre.

Alberto Contador, avantagé par un départ lointain, entre de plain-pied dans son sujet.

Il faut de sacrés rouleurs pour porter l’allure au-delà de celle des formations adverses. A 54,339 km/h de moyenne, Orica-GreenEdge va une fois encore accomplir la meilleure performance contre la montre. Pour ce faire, l’équipe n’a pas hésité à faire le deuil de ses éléments les plus faibles. Elle rejoint le Lungomare Italo Calvino, théâtre des arrivées de Milan-San Remo entre 2008 et 2014, avec six locomotives : Chaves, Clarke, Hepburn, Matthews, Weening et Simon Gerrans, qui reçoit l’honneur de franchir la ligne en tête. Déjà vainqueur d’étapes sur les trois Grands Tours, porteur du maillot jaune du Tour de France en 2013, mais aussi lauréat ici-même de Milan-San Remo en 2012 (deux avant avant sa victoire sur Liège-Bastogne-Liège), l’Australien revêt pour la toute première fois le maillot rose de leader du Tour d’Italie.

Même réduite à six au franchissement de la ligne, l’équipe Orica-GreenEdge n’aura laissé personne se rapprocher à moins de 7 secondes d’elle, le retard enregistré par l’équipe Tinkoff-Saxo – elle-même à six – au terme des 17,6 kilomètres. Alberto Contador, avantagé par un départ lointain, fruit d’une main heureuse au tirage au sort, entre de plain-pied dans son sujet. Il est ce soir le premier classé des favoris désignés, déjà présent dans le Top 10 du classement général, et devant l’ensemble de ses adversaires. Fabio Aru (Astana), celui sur lequel l’Italie fonde ses plus grands espoirs, réalise lui aussi une très belle entrée en matière. Pourtant désavantagée, pour le coup, par un départ en quatrième position, l’équipe Astana signe la 3ème performance du jour à 13 secondes seulement d’Orica-GreenEdge… mais au complet, à neuf, sur le Lungomare Italo Calvino. Fabio Aru cède 6 secondes à Alberto Contador.

Derrière Contador et Aru, c’est Rigoberto Uran (Etixx-Quick Step) qui prend le 3ème rang des favoris. La formation belge aura réalisé un très bon début de chrono avant de lâcher du lest dans la seconde partie pour prendre la 4ème place à 19 secondes (12 secondes de Contador). De quoi légitimer la moue de Richie Porte (Team Sky) au franchissement de la ligne, l’Australien et sa formation lâchant le plus gros tribut : 9ème à 27 secondes et repoussé à l’entame du Tour d’Italie à 20 secondes de son plus sérieux adversaire. C’est toujours mieux que Jurgen Van Den Broeck (Lotto-Soudal), Domenico Pozzovivo (Ag2r La Mondiale) et Ryder Hesjedal (Cannondale-Garmin), que l’on retrouve respectivement à 29 secondes, 48 secondes et 53 secondes. Mais la route sera longue, tellement longue jusqu’à Milan le 31 mai.

Demain dimanche, les sprinteurs auront une première occasion de se mesurer entre Albenga et Gênes (177 km).

Classement 1ère étape :

1. Orica-GreenEdge (AUS) les 17,6 km en 19’26 » (54,3 km/h)
2. Tinkoff-Saxo (RUS) à 7 sec.
3. Astana (KAZ) à 13 sec.
4. Etixx-Quick Step (BEL) à 19 sec.
5. Movistar Team (ESP) à 21 sec.
6. Iam Cycling (SUI) à 25 sec.
7. BMC Racing Team (USA) m.t.
8. FDJ (FRA) à 26 sec.
9. Team Sky (GBR) à 27 sec.
10. Team Katusha (RUS) m.t.

Classement général :

1. Simon Gerrans (AUS, Orica-GreenEdge) en 19’26 »
2. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
3. Michael Hepburn (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
4. Pieter Weening (PBS, Orica-GreenEdge) m.t.
5. Simon Clarke (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
6. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) m.t.
7. Manuele Boaro (ITA, Tinkoff-Saxo) à 7 sec.
8. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff-Saxo) m.t.
9. Michael Rogers (AUS, Tinkoff-Saxo) m.t.
10. Alberto Contador (ESP, Tinkoff-Saxo) m.t.

Classement des jeunes :

1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) en 19’26 »
2. Michael Hepburn (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
3. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) m.t.
4. Fabio Aru (ITA, Astana) à 13 sec.
5. Petr Vakoc (TCH, Etixx-Quick Step) à 19 sec.

Classement par équipes :

1. Orica-GreenEdge (AUS) en 19’26 »
2. Tinkoff-Saxo (RUS) à 7 sec.
3. Astana (KAZ) à 13 sec.
4. Etixx-Quick Step (BEL) à 19 sec.
5. Movistar Team (ESP) à 21 sec.
6. Iam Cycling (SUI) à 25 sec.
7. BMC Racing Team (USA) m.t.
8. FDJ (FRA) à 26 sec.
9. Team Sky (GBR) à 27 sec.
10. Team Katusha (RUS) m.t.