En quittant Saint-Paul-trois-Châteaux (Vaucluse) pour achever ce soir sa descente sur la Côte d’Azur – et sous le soleil – à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), le peloton aurait très bien pu tirer tout droit. Mais l’occasion était trop belle d’aller rendre visite à ce bon vieux Mont Ventoux dont l’exclusivité se charge d’entretenir le mythe. Quatre mois avant que le Tour de France n’y fasse son retour le jeudi 14 juillet, Paris-Nice a donc fait un crochet par les flancs du Géant de Provence. Jusqu’au Chalet-Reynard, à 1435 mètres d’altitude, soit avant le pierrier de calcaire éclaté qui coiffe ce mont avancé de la chaîne des Alpes mais que recouvre encore une bonne couche de neige en cette saison.

C’était l’attraction du jour mais le franchissement précoce de ce demi-Ventoux (9,5 kilomètres à 9,3 % quand même) ne laissait guère planer l’ombre d’une action d’envergure. Personne, à vrai dire, ne s’attendait vraiment à voir les favoris s’y découvrir, si loin d’une arrivée jugée 125 kilomètres plus tard… Il était même permis de croire que les sprinteurs passeraient la « bosse » pour mettre encore une fois, la der des der, une étape dans leur poche. Pourtant, en dehors du détour par le Mont Ventoux, la descente (façon de parler) par le massif du Luberon puis la vallée de la Durance présentaient autant d’arguments susceptibles d’être utilisés par des favoris en manque total de repères, au-delà des quelques positions restées figées depuis le prologue francilien dimanche dernier.

Mais ce ne sont pas eux qu’on aura vu à l’œuvre. Ni dans le Ventoux, abordé en tête par une échappée matinale composée de Lars Boom (Astana), Matthias Brändle (IAM Cycling), Arnaud Courteille (FDJ), Antoine Duchesne (Direct Energie), Jesus Herrada (Movistar Team), Edward Theuns (Trek-Segafredo), Stijn Vandenbergh (Etixx-Quick Step) et Wouter Wippert (Cannondale). Ni dans la côte de la Roque-d’Anthéron où Antoine Duchesne distançait les quatre coureurs qui l’accompagnaient encore depuis le Chalet-Reynard (Boom, Courteille, Herrada et Vandenbergh). Le Canadien de Direct Energie, sur le modèle de ce qu’avaient accompli hier ses coéquipiers Thomas Voeckler et Sylvain Chavanel, s’isolait au plus fort de la pente pour tenter de parcourir seul, doté d’une petite minute d’avance, les 38 kilomètres restants jusqu’à Salon.

Mais la route était longue et corsée encore par la montée du col de Sèze où, d’un peloton élagué à l’avant duquel on reconnaissait la silhouette inimitable d’Alberto Contador (Tinkoff), s’échappait subrepticement le Kazakh Alexey Lutsenko (Astana). On avait déjà vu l’ancien champion du monde Espoirs étaler sa classe au Tour de Suisse l’année dernière, quand il s’était  imposé à Berne. A l’attaque pas plus tard que mercredi dans le Massif central avant que l’organisation n’arrête l’échappée puis le peloton pour faire rentrer tout le monde au chaud, Alexey Lutsenko rentrait seul sur Duchesne à 17 kilomètres de Salon pour abandonner aussi sec le valeureux baroudeur québécois et tenter de tenir tête au peloton.

Une demi-minute derrière lui, le paquet avait repris des unités mais pas tous ses esprits. Et quand chacun s’en remettait de nouveau au Team Katusha d’Alexander Kristoff pour boucher le trou (Bouhanni et Kittel n’y étaient plus, Greipel avait abandonné), il fallait bientôt se rendre à l’évidence. Les Katusha, déjà mis à contribution pour ramener Kristoff sur le paquet de tête après les côtes sévères du Luberon, n’avaient plus la force de colmater la brèche. Après un bel effort solitaire d’une trentaine de kilomètres, Alexey Lutsenko était récompensé par la victoire d’étape, qu’il obtenait 21 secondes devant un peloton réglé par Alexander Kristoff devant Michael Matthews (Orica-GreenEdge), qu’il conviendra désormais de déloger du rang de leader du classement général auquel il s’accroche depuis le départ.

Demain samedi, l’étape-reine de Paris-Nice interviendra entre Nice et la Madone d’Utelle (177 km), une ascension inédite de 15,3 kilomètres à 5,7 %.

Classement 5ème étape :

1. Alexey Lutsenko (KAZ, Astana) les 198 km en 5h00’26 » (39,5 km/h)
2. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) à 21 sec.
3. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
4. Davide Cimolai (ITA, Lampre-Merida) m.t.
5. Sep Vanmarcke (BEL, Team LottoNL-Jumbo) m.t.
6. Pieter Serry (BEL, Etixx-Quick Step) m.t.
7. Vicente Reynes (ESP, IAM Cycling) m.t.
8. Leonardo Fabio (COL, Delko Marseille Provence KTM) m.t.
9. Oliver Naesen (BEL, IAM Cycling) m.t.
10. Arnold Jeannesson (FRA, Cofidis) m.t.

Classement général :

1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) en 19h24’58 »
2. Alexey Lutsenko (KAZ, Astana) à 6 sec.
3. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) à 18 sec.
4. Patrick Bevin (NZL, Cannondale) à 23 sec.
5. Ion Izagirre (ESP, Movistar Team) m.t.
6. Geraint Thomas (GBR, Team Sky) m.t.
7. Lieuwe Westra (PBS, Astana) à 28 sec.
8. Dries Devenyns (BEL, IAM Cycling) à 29 sec.
9. Rafal Majka (POL, Tinkoff) à 31 sec.
10. Richie Porte (AUS, BMC Racing Team) m.t.