Aux classiques pavées qui n’auront finalement donné à contempler qu’un Géant du Nord, Tom Boonen, succèdent ce dimanche les classiques vallonnées. Changement de décor, changement de protagonistes aussi. Ici, les spécialistes des grandes courses par étapes se sentent dans leur élément. Ils ont donc déferlé sur Maastricht pour la 47ème édition de l’Amstel Gold Race, la grande classique néerlandaise du calendrier, qui ne se dénoue traditionnellement que dans le Cauberg. En tout cas depuis que la ligne d’arrivée y a été définie il y a neuf ans. Les 1200 mètres d’ascension à 5,8 %, attaqués après 255 kilomètres d’une course nerveuse et escarpée, se suffisent d’ordinaire à eux-mêmes pour projeter à l’avant celui qui viendra inscrire son nom au palmarès de ce qui reste tout de même la moins cotée des trois grandes classiques ardennaises.

L’Amstel Gold Race, c’est avant tout une course d’attente, comme les plus belles classiques du calendrier ont malheureusement trop tendance à en prendre l’allure désormais. Il avait fallu attendre les derniers mètres du Poggio pour commencer à vibrer dans Milan-San Remo, le Tour des Flandres n’est pas passé loin de se terminer au sprint… et l’Amstel est une course de moins en moins disputée par les favoris, qui renoncent à se découvrir avant la montée finale, estimant n’avoir aucune chance de réussir leur coup en partant de trop loin. Ils n’ont pas tort. Le passé récent de la course hollandaise en témoigne : la classique ne se joue que sur une montée sèche. Les trente autres difficultés ne permettent pas de gagner, tout juste jouent-elles le rôle d’obstacle pour des coureurs en méforme. Mais à l’exception d’une ou deux têtes d’affiche, Cadel Evans (BMC Racing Team) principalement, personne ne sautera dans ces bosses.

Heureusement, pour tromper l’ennui, il y a toujours les attaquants du matin. Ils sont neuf cette fois, lesquels s’élancent à l’assaut des routes étroites de l’épreuve après une quarantaine de kilomètres de course. Sous un ciel menaçant qui retiendra ses gouttes, Alex Howes et Raymond Kreder (Garmin-Barracuda), Romain Bardet (Ag2r La Mondiale), Pello Bilbao (Euskaltel-Euskadi), Steven Caethoven (Accent Jobs-Willems Veranda’s), Sébastien Delfosse (Landbouwkrediet-Euphony), Eliot Lietar (Topsport Vlaanderen-Mercator), Cédric Pineau (FDJ-BigMat) et Simone Stortoni (Lampre-ISD) sont les premiers échappés. Les neuf de tête vont très vite creuser l’écart, porter leur avance autour d’une douzaine de minutes, pour aborder le final de la course avec un avantage plutôt intéressant qui permettra aux meilleurs d’aller loin.

Romain Bardet grand bonhomme du jour, Oscar Freire seul animateur du final.

Le meilleur des neuf échappés, c’est de loin Romain Bardet ! Le néo-pro d’Ag2r La Mondiale est le plus fort dans les côtes, toujours très courtes mais toujours très raides. A un peu plus de 20 kilomètres de l’arrivée, il insiste encore, flanqué du seul Alex Howes. Les deux hommes vont faire sensation, ne se relevant pas et franchissant les dernières difficultés en tête. On passe le Kruisberg, l’Eyserbosweg, le Fromberg, et Romain Bardet et Alex Howes sont toujours devant. Le Keutenberg et son passage à 22 % se présente alors. Et Romain Bardet ne cède rien. A 10 kilomètres de l’arrivée, c’est lui qui franchit en tête l’ultime côte avant le Cauberg. Mais le peloton, s’il n’a pas été beaucoup remué jusqu’alors, s’est déjà nettement rapproché du dernier rescapé de l’échappée matinale. Grand bonhomme d’une course plutôt terne, Romain Bardet s’avoue vaincu à 9 kilomètres de l’arrivée. Le terrain est enfin dégagé pour les favoris !

Un seul homme va s’engouffrer dans la brèche. A 7 kilomètres de l’arrivée, Oscar Freire (Team Katusha) démarre. Le triple champion du monde a très souvent tourné autour au Cauberg, mais jamais il n’a réussi à faire la différence avec les meilleurs puncheurs dans la bosse finale. Cette fois il prend donc les devants. C’est très intelligent de sa part car l’attaque portée dans les derniers kilomètres lui permet de se présenter au pied du Cauberg avec une grosse douzaine de secondes d’avance sur un peloton encore très conséquent. Sur la large route qui grimpe à travers des nuées de supporters parqués derrière les barrières, Oscar Freire se démène pour tenter de résister à ses poursuivants, tractés par Philippe Gilbert (BMC Racing Team), un peu présomptueux sur ce coup, et dont l’effort va surtout servir aux coureurs cachés dans son sillage.

A 100 mètres de la ligne, Peter Sagan (Liquigas-Cannondale) lance le sprint. Enrico Gasparotto (Astana) et Jelle Vanendert (Lotto-Belisol) se frottent au Slovaque. Les trois hommes passent un Oscar Freire lessivé à une cinquantaine de mètres du but, mais Sagan s’est laissé surprendre par la rudesse de la pente et il manque de jus au moment de fournir l’effort décisif. Dépassé au sprint, le champion de Slovaquie s’incline, 3ème, derrière Jelle Vanendert et surtout Enrico Gasparotto, vainqueur de la classique ardennaise qui a toujours semblé lui convenir le mieux. Il avait pris la 3ème place ici-même il y a deux ans. Cette fois, l’ancien champion d’Italie, 30 ans, empoche la plus belle victoire de sa carrière. Et l’on notera avec satisfaction la belle 5ème place de Thomas Voeckler (Team Europcar), décidément en grande forme après son succès dans la Flèche Brabançonne, et qu’il faudra guetter dimanche prochain à Liège.

Classement :

1. Enrico Gasparotto (ITA, Astana) les 256,5 km en 6h32’35 » (39,2 km/h)
2. Jelle Vanendert (BEL, Lotto-Belisol) m.t.
3. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) à 2 sec.
4. Oscar Freire (ESP, Katusha Team) m.t.
5. Thomas Voeckler (FRA, Team Europcar) m.t.
6. Philippe Gilbert (BEL, BMC Racing Team) m.t.
7. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) m.t.
8. Fabian Wegmann (ALL, Garmin-Barracuda) à 4 sec.
9. Rinaldo Nocentini (ITA, Ag2r La Mondiale) m.t.
10. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) m.t.