La route qui mène à Paris et à ses avenues de prestige est encore longue de plus de 2000 kilomètres. De quoi offrir moult opportunités à ceux qui s’étaient présentés sur le Tour dans l’espoir de s’habiller de jaune et qui sont déjà réduits, avant même de prendre la claque qu’on leur promet dans le chrono, demain, à tenter d’arracher des épaules un maillot qui s’est déposé hier soir sur celles de Bradley Wiggins (Team Sky). Ils essaieront, soyez-en sûrs, mais pour combattre le train des Sky tel qu’on l’a redécouvert dans la Planche des Belles Filles, il va falloir s’y employer différemment. En cela, la sortie du jeu d’un certain nombre de favoris, sur pépin mécanique ou faiblesse physique, apparaît dès lors comme une chance de combattre l’ennui qui guette. Par définition, ceux qui n’ont plus rien à perdre ont… tout à gagner. Souhaitons que le message passe.

En attendant, le Tour de France repart ce midi de Belfort (Territoire de Belfort) avec un nouveau Maillot Jaune, une nouvelle hiérarchie… et cette crainte d’une course cadenassée par les Sky pendant les deux semaines qu’il en reste. Vingt-quatre heures avant un contre-la-montre individuel qui risque bien de briser les derniers espoirs des opposants à Bradley Wiggins, réduits à une poignée bien plus vite qu’on ne s’y attendait, il y a peut-être un coup à jouer entre Belfort et Porrentruy, dans une étape franco-suisse au format compact (156 km) mais encaissé, avec une succession sans fin de montées et descentes jusque dans le Jura suisse. On en recense sept officiellement, la dernière et la plus difficile à 16 kilomètres de l’arrivée. C’est le premier jour qui se prête vraiment aux baroudeurs. Pour gagner l’étape, il faudra être de la bonne échappée. Coûte que coûte. Et plus question de laisser filer sans broncher le premier opportuniste.

Tant pis pour Jens Voigt (RadioShack-Nissan), le doyen du peloton, animateur des 50 premiers kilomètres qui passent par les côtes de Bondeval, du Passage de la Douleur et de Maison-Rouge. Tant mieux pour Thibaut Pinot (FDJ-BigMat), à l’autre extrémité de la lignée, benjamin de ce Tour de France 2012 du haut de ses 22 ans, 1 mois et 9 jours. Le Franc-Comtois, quasi régional de l’étape, embarque dans un groupe étoffé après une soixantaine de kilomètres de course. Un groupe de poursuivants en fait car son coéquipier Jérémy Roy (FDJ-BigMat) a tenté l’aventure en solitaire quelques instants plus tôt. Et il gagne du temps. Mais du groupe poursuivant, qui comprend une vingtaine de coureurs, s’extraient tour à tour Fredrik Kessiakoff (Astana), Kevin De Weert (Omega Pharma-Quick Step) et Steven Kruijswijk (Rabobank) pour se lier à Roy.

Cadel Evans tente de reprendre du temps à Bradley Wiggins mais l’Anglais veille.

Les difficultés s’enchaînent sous le soleil qui cogne. Voilà le col de Saulcy (4,6 km à 8,6 %), à 60 kilomètres de l’arrivée. L’endroit choisi par Fredrik Kessiakoff pour s’isoler et se lancer dans un raid solitaire et audacieux. Mais le Suédois est un bon grimpeur, un excellent descendeur et un solide rouleur, ce qui en fait vite un sérieux prétendant à la victoire d’étape. Au pied de la côte de la Caquerelle (4,3 km à 7,6 %), à une trentaine de kilomètres du but, l’échappé solitaire compte déjà 1’45 » d’avance sur le groupe poursuivant. Thibaut Pinot a compris. Ou bien l’étape lui file pour de bon sous le nez, ou bien il engage la poursuite. Et c’est avec Tony Gallopin (RadioShack-Nissan) qu’il sort d’un groupe qui comprenait en outre De Weert, Hoogerland, Kadri, Kern, Kiserlovski, Kruijswijk, Mollema, Moncoutié, Nerz, Roy, Sörensen et Ten-Dam. La course-poursuite commence. Et elle est efficace : la différence avec l’homme de tête se réduit !

Au pied du col de la Croix (3,7 km à 9,2 %) bondé de monde, Pinot et Gallopin ont refait une bonne moitié de leur retard. Thibaut Pinot déploie alors ses ailes de grimpeur et s’envole à la poursuite de Fredrik Kessiakoff. Survolté par les encouragements du public franco-helvétique, le Franc-Comtois fond sur le Suédois à 300 mètres du sommet et le dépose sans un regard, insistant merveilleusement, se rasseyant un bref instant puis relançant énergiquement. C’est le coup de grâce ! Pinot ne sent plus ses jambes, Kessiakoff les sent trop. Et le plus jeune coureur du Tour 2012 s’engage dans la descente avant de tout donner, vent dans le nez, dans les 10 derniers kilomètres. A 22 ans, le prometteur grimpeur conquiert la première étape du Tour de sa carrière en même temps que le cœur du public, prompt à en faire sa nouvelle coqueluche.

A l’arrière, le col de la Croix et son ambiance surchauffée profite aussi aux cadors. Jurgen Van Den Broeck (Lotto-Belisol) y décoche une flèche pour réduire la composition du groupe Maillot Jaune aux seuls Wiggins, Evans, Nibali, Menchov, Zubeldia, Froome, Horner et Schleck. Le Maillot Jaune est presque isolé au sein de ce groupe qui bascule dans la descente abrupte et technique du col de la Croix. Alors ses adversaires en profitent. A 2 kilomètres de l’arrivée, Jurgen Van Den Broeck et Cadel Evans (BMC Racing Team) tentent de filer à l’anglaise mais Bradley Wiggins veille. S’il leur accorde un bref instant d’espérance, le double champion olympique de poursuite prend rapidement la direction des opérations et colmate la brèche flanqué du reste de la troupe. Il terminera l’étape calé dans la roue arrière d’Evans. Une belle opération pour celui qui se débarrasse encore de quelques adversaires, Rein Taaramae (Cofidis) piégé dans le col de la Croix et Samuel Sanchez (Euskaltel-Euskadi), victime d’une chute spectaculaire et contraint à l’abandon.

Demain lundi, ce sera le premier des deux contre-la-montre longue distance sur 41,5 kilomètres entre Arc-et-Senans et Besançon.

Classement 8ème étape :

1. Thibaut Pinot (FRA, FDJ-BigMat) les 156 km en 3h56’10 » (39,6 km/h)
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 26 sec.
3. Tony Gallopin (FRA, RadioShack-Nissan) m.t.
4. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) m.t.
5. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) m.t.
6. Jurgen Van Den Broeck (BEL, Lotto-Belisol) m.t.
7. Christopher Froome (GBR, Team Sky) m.t.
8. Denis Menchov (RUS, Team Katusha) m.t.
9. Haimar Zubeldia (ESP, RadioShack-Nissan) m.t.
10. Frank Schleck (LUX, RadioShack-Nissan) à 30 sec.

Classement général :

1. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) en 38h17’56 »
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 10 sec.
3. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 16 sec.
4. Denis Menchov (RUS, Team Katusha) à 54 sec.
5. Haimar Zubeldia (ESP, RadioShack-Nissan) à 59 sec.
6. Christopher Froome (GBR, Team Sky) à 1’32 »
7. Maxime Monfort (BEL, RadioShack-Nissan) à 2’08 »
8. Jurgen Van Den Broeck (BEL, Lotto-Belisol) à 2’11 »
9. Nicolas Roche (IRL, Ag2r La Mondiale) à 2’21 »
10. Rein Taaramae (EST, Cofidis) à 2’27 »

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) 217 pt
2. Matthew Goss (AUS, Orica-GreenEdge) 185 pt
3. Andre Greipel (ALL, Lotto-Belisol) 172 pt
4. Mark Cavendish (GBR, Team Sky) 129 pt
5. Alessandro Petacchi (ITA Lampre-ISD) 109 pt
6. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) 95 pt
7. Tom Veelers (PBS, Argos-Shimano) 76 pt
8 Fabian Cancellara (SUI, RadioShack-Nissan) 74 pt
9. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 72 pt
10. Kenny-Robert Van Hummel (PBS, Vacansoleil-DCM) 69 pt

Classement de la montagne :

1. Fredrik Kessiakoff (SUE, Astana) 21 pt
2. Christopher Froome (GBR, Team Sky) 20 pt
3. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 18 pt
4. Thibaut Pinot (FRA, FDJ-BigMat) 16 pt
5. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) 12 pt
6. Michael Morkov (DAN, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) 9 pt
7. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) 9 pt
8. Tony Gallopin (FRA, RadioShack-Nissan) 9 pt
9. Chris-Anker Sörensen (DAN, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) 8 pt
10. Jérémy Roy (FRA, FDJ-BigMat) 5 pt

Classement de la combativité :

1. Fredrik Kessiakoff (SUE, Astana)

Classement des jeunes :

1. Rein Taaramae (EST, Cofidis) en 38h20’23 »
2. Tony Gallopin (FRA, RadioShack-Nissan) à 46 sec.
3. Thibaut Pinot (FRA, FDJ-BigMat) à 1’14 »
4. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 1’41 »
5. Gorka Izaguirre (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 3’38 »
6. Davide Malacarne (ITA, Team Europcar) à 10’57 »
7. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) à 14’16 »
8. Rafael Valls (ESP, Vacansoleil-DCM) à 16’20 »
9. Arthur Vichot (FRA, FDJ-BigMat) à 16’31 »
10. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) à 17’04 »

Classement par équipes :

1. RadioShack-Nissan (LUX) en 114h56’52 »
2. Team Sky (GBR) à 2’51 »
3. Liquigas-Cannondale (ITA) à 10’06 »
4. Team Katusha (RUS) à 10’40 »
5. Omega Pharma-Quick Step (BEL) à 13’07 »
6. Cofidis (FRA) à 15’38 »
7. BMC Racing Team (USA) à 16’17 »
8. Movistar Team (ESP) à 16’53 »
9. Astana (KAZ) à 18’57 »
10. Ag2r La Mondiale (FRA) à 19’05 »