C’est un mythe remis au goût du jour auquel se sont attaqués 450 cyclosportifs le week-end dernier. Tombé dans l’oubli depuis plus de 25 ans, Bordeaux-Paris, disparu du calendrier professionnel en 1988, renaît de ses cendres en 2014 sous la forme d’une cyclosportive à laquelle il faut être un peu fou pour s’inscrire. 620 kilomètres, près de 20 heures de vélo pour les meilleurs, plus de 31 heures pour les derniers qui méritent autant d’applaudissements et un défi quasi unique en son genre. Au départ, ils ne sont qu’une poignée à avoir réalisé des exploits similaires. La plupart n’ayant jamais plus de 250-300 kilomètres dans les jambes. Beaucoup ont d’ailleurs utilisé Liège-Bastogne-Liège et ses 270 bornes au compteur comme préparation. Ils en feront plus du double au final entre Bordeaux et le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines.

Pourtant, l’ambiance est loin d’être tendue au départ. C’est même tout l’inverse. Ça discute, ça plaisante. C’est même à se demander s’ils ont conscience que plus de 600 bornes sont au menu ! L’ambiance ne se dégrade pas durant la course même si certains peuvent tenter de sauter quelques relais au bout de longues heures de selle. Il faut dire aussi que les nombreux bénévoles présents au fil de la route donnent une dimension supplémentaire à cette ambiance conviviale en accueillant tout le monde avec un sourire qui met du baume au cœur. On notera enfin que les participants font preuve de civisme écologique et les jets de détritus sont minimes, même dans les premières positions.

Heureusement pour tous les participants, la météo n’a pas gâché la fête. À peine peut-on déplorer une toute petite averse de pluie chaude au cours des deux journées de course. Le soleil est franc le samedi, alors que les concurrents s’élancent à 10 heures (un horaire qui permet à ceux qui viennent de loin de ne pas se lever trop tôt). Le temps se dégradera quelque peu durant la nuit ou le froid viendra surprendre quelques coureurs avant une journée de dimanche plus grise au moment où les 450 courageux émergent de la nuit pour approcher Paris. En revanche, tous les éléments ne sont pas en leur faveur puisqu’ils devront faire la plupart du temps avec un vent défavorable qui tombera cependant dans la nuit.

La distance, le vent sont autant de difficultés que les cyclistes vont trouver tout au long des 600 bornes, mais la difficulté vient également du terrain durant les 250 premiers kilomètres. Certains ont été surpris d’emprunter des routes vallonnées, casse-pattes où les bosses ne sont jamais bien longues, mais pèsent dans les jambes. En revanche, les paysages qu’ils auront le bonheur de découvrir vaudront le détour ! C’est là le point fort de l’épreuve qui a su concilier belles routes au bon rendement jamais ennuyantes et surtout sans trop de circulation. Même les longs bouts droits de la plaine de la Beauce trouvent un certain intérêt. Après quinze heures de vélos, on sera ravis de trouver de longues lignes droites permettant de conserver le rythme !

Une fois la nuit tombée, les cyclos doivent s’adapter à cette nouvelle expérience. On perçoit tout différemment et tous les efforts se font à l’instinct : difficile de prédire la longueur d’une bosse lorsqu’on est faiblement éclairés, qui plus est dans une nuit pratiquement sans lune. Tout se fait donc aux sensations. On aime ou on n’aime pas, mais c’est une expérience unique en son genre. Peu de concurrents se mettront à somnoler sur leur vélo. La fatigue oui, le sommeil non.

Tout le trajet se fait de manière très sécurisée. On pouvait penser qu’assurer la sécurité de 400 participants de jour comme de nuit était un défi difficile à relever. C’était se tromper et celui-ci a été relevé de fort belle manière par une organisation à saluer ! Les premiers groupes peuvent disposer d’un soutien d’une moto à l’avant du groupe (parfois même à l’arrière) et d’une voiture sur les quelques heures de vélos une fois la nuit tombée. Tant et si bien que l’on ne se sent jamais en danger en 24 heures passées sur les routes. Même les familles des participants ont pu suivre l’évolution de leur protégé et pour l’occasion, l’organisation avait tracé un itinéraire bis qui permettait d’éviter au maximum les routes de la course. La sortie de Bordeaux, et les vingt derniers kilomètres au moment d’aborder la région parisienne sont également sécurisés par une forte présence de signaleurs à chaque endroit dangereux.

Chapeau à l’organisation qui sait aussi admettre ses torts. Il est vrai que les ravitaillements (globalement bien dispatchés tous les 80 kilomètres) n’étaient pas au niveau de ce que l’on pouvait attendre. Des chips, des cacahuètes, des bananes et des oranges, de l’eau et de la menthe : c’est trop peu, même si sur les trois derniers ravitaillements on pouvait trouver de la soupe et du jambon. Une erreur de jeunesse qui ne manquera pas d’être rectifiée l’an prochain puisque l’organisation a présenté ses excuses. Autre chose à prendre en compte pour la prochaine édition : déplacer l’aire d’arrivée. L’arche est en effet placée de telle façon que le vélodrome n’est pas visible depuis l’arrivée ! Et après un tel effort, beaucoup ont pu se demander où ils étaient même s’il ne faut qu’une centaine de mètres pour rejoindre l’enceinte de Saint-Quentin.

Après plus de 20 heures de selle, il faut bien un peu de réconfort. Les cyclos ont pu passer entre les mains expertes d’ostéopathes même si d’aucuns auraient préféré un masseur. Les nouvelles douches sont mises à leur disposition et il y en a largement assez pour tout le monde. Pas de file d’attente, c’est appréciable. Ils pouvaient ensuite récupérer un maillot finisher avant la remise des prix. Mais tout le monde pouvait se satisfaire de son exploit, du premier au dernier, et se coucher éreinté, souffrant de partout, mais avec le sourire jusqu’aux oreilles et la sensation d’avoir accompli quelque chose d’unique. Des baptêmes sur piste sont également organisés, mais il fallait définitivement être un peu fou pour en redemander sur piste après 600 kilomètres !

Classement :

1. Marc Lagrange (VC La Souterraine) en 19h52’49 »
2. Franck Pencolé en 19h57’27 »
3. Mickaël Gueguen (VS Vallet) en 19h57’28 »
4. Arnaud Manzanini (Cyclisme Ultra Distance) en 19h57’29 »
5. Yannick Marie (France Ouest Police) en 19h57’30 »
6. Jean-Claude Ballanger en 20h08’27 »
7. Yannick Le Rey en 20h16’58 »
8. Olivier Gall (AC Saverne) en 20h24’05 »
9. Olivier Pelka (VC Corbas) en 20h24’05 »
10. Dominique Briand (Team France Cyclisme Ultra Distance) en 20h24’06 »

203 et 1ère féminine. Chantal Stella en 25h36’17 »