Sixième et avant-dernière étape de la Haute Route 2011, cap au sud, et la Méditerranée qui attend les coureurs demain sur Nice, Pra Loup-Auron, ou plutôt Pra Loup/ Barcelonette-Auron puisque l’itinéraire de liaison descendait de la station d’arrivée hier. Une station où la majorité des coureurs dormaient pour rallier Barcelonette 8 km plus bas, où un paquet de 80 coureurs rejoignaient le gros paquet avec une synchronisation parfaite. Tout ce petit monde allait tutoyer la plus haute route d’Europe puisque, c’était écrit, la Haute Route se devait de rendre visite à la Cime de la Bonette: 2802 mètres d’altitude.

C’est cette Cime sublime qui allait marquer le passage des Alpes de Haute-Provence aux Alpes Maritimes, de la montagne à la mer, ou encore la bascule de la vallée de l’Ubaye à celle du Mercantour. 26 kilomètres d’ascension pour passer de Jausiers située à 1220 mètres, un pourcentage moyen pas trop élevé, mais des sections à plus de 8% entrelacées avec des passages descendants où aux environs de 5%, du pas forcément difficile mais après 5 jours d’efforts intenses, sur une telle longueur, et à de telles altitudes, c’est une autre affaire.

Le départ réel est donné à Jausiers, 78 kilomètres au programme dont 59 chronométrés, on est sur la seconde journée la plus courte de cette Haute Route qui chaque jour est baignée de soleil, pas forcément une mauvaise chose quand on monte en altitude au-dessus de 2000 mètres. Les trois  premiers kilomètres sont menés tempo, ce qui permet aux outsiders, à ceux qui ne mènent pas souvent le paquet de mettre en exergue, une fois n’est pas coutume.

Les choses rentrent dans l’ordre assez vite en fait, une première attaque de Benjamin Blaugrund, qui vise le maillot jaune du classement solo va égrener le paquet de tête qui se retrouve amaigri à 6 unités, Peter Pouly, Richard Scales, Jean Broudeur, Michel Roux et Jean-Baptiste Trauchessec; les mêmes chaque jour, ce sont eux qui vont écrire le scénario de cette étape toute en hauteur. L’Américain, puis le français Trauchessec mènent un très gros train mais vers la moitié du col c’est Peter Pouly qui s’y colle et la pression monte encore d’un cran. Ce fameux cran qui manque aux deux coureurs leaders du duo et au 3ème du général solo.

Les coureurs évoluent dans un décor d’une grande minéralité, un océan de pierrailles à la verticale ou presque, le verdure est rare mais on y croise quand même des troupeaux de moutons, heureusement celui du jour a évité la transhumance des coureurs venus de Genève, tant mieux quand on voit l’importance du convoi (1000 bêtes pas moins). Ceux de devant n’apprécient pas forcément le paysage, ils jouent la gagne et c’est un combat psychologique autant que physique entre Blaugrund et Roux, quant à Peter Pouly, il compte les points, tant il semble au dessus des deux protagonistes du général solo. Qui craquera le premier ? Le vent, la fatigue, le rythme imposé par Peter Pouly, le niveau assez proche des deux, tout ça va se conjuguer pour qu’au sommet on en soit à un statu-quo entre le trio leader mais les dégâts sont énormes: 3′ sur les leaders du classement duo hommes et au sommet c’est du chacun pour soi, car le dernier kilomètre entre Restefond et la Cime est terrible: plus de 10% sans compter avec le vent.

Chacun prend le temps de se couvrir, boire une gorgée ou carrément remplir le bidon, histoire de s’alourdir un peu pour avaler la descente sur la Tinée, sur 25 km assez sinueux mais pas forcément dangereux sauf pour le malheureux qui se brise la clavicule alors qu’il commençait de voir la Méditerranée, prompt rétablissement à lui. Là encore la météo, favorable a grandement facilité la vue de tous les coureurs, tant mieux car vivre la pluie et le froid à près de 3000 mètres, même en août, mieux vaut éviter.

Dans cette étape de montées-descentes, après Saint-Etienne de Tinée, c’est le final vers Auron, à 1600 mètres et les 9 derniers kilomètres d’efforts pour cette journée de vendredi en tous cas. Les tous premiers sont tous de bons descendeurs, qui plus est, la prudence est de mise; ça serait trop dommage de gâcher ses chances de bien finir sur un excès de zèle. Quelques regroupements s’effectuent avant le pied d’Auron, mais très vite la hiérarchie va se refaire, entre les grimpeurs purs, ceux qui moulinent beaucoup et ceux qui mettent plus de braquet.

Devant, chaque mètre parcouru est un « mètre de gagné » selon Michel Roux qui se sent bien mieux qu’hier alors que son adversaire direct paie peut-être un peu ses débauches d’efforts, l’homme est généreux et c’est un très beau coureur, un des seuls qui, au sommet de la Bonette, embraye directement en court, un vrai guerrier venu du Colorado.
A 2 km du but, c’est lui qui met une attaque sur le gros plateau et même Peter Pouly, sur 39 X 25, laisse filer pour un moment. Michel Roux veut préserver son maillot jaune, il mène sans s’afoler, avant que Peter Pouly qui vise les étapes, n’aille chercher son Hat Trick, sa 3ème étape en 3 jours, série en cours.

Au final, premier Pouly en un peu plus de 2h09’2, deuxième Benjamin Blaugrund en 2h9’34 », le suspense est court et intense, Michel Roux termine 3ème à 42″ de son dauphin au général, il préserve son beau maillot jaune pour 5’52 », pour demain, la vigilance s’impose mais une bonne partie du travail est faite avec cette étape bien maîtrisée.
Chez les féminines, Stéphanie Gros préserve une bonne partie de son avance, même si la Canadienne Marg Fedyna gagne à Auron en 2h38’07 », soit 6’38 » de repris au général sur S. Gros qui conserve un peu plus de 28′ au général, de quoi voir venir l’étape Auron-Nice avec sérénité.

Classement 6ème étape scratch :

1. Peter Pouly (FRA) les 78 km en 2h09’23 »
2. Benjamin Blaugrund (USA) à 11 sec.
3. Michel Roux (FRA) à 53 sec.
4. Daniel Fricker (FRA) à 4’52 »
5. Richard Scales (USA) à 7’02 »
6. Jean Broudeur (FRA) m.t.
7. Jean-Baptiste Trauchessec (FRA) m.t.
8. Benjamin Chipon (FRA) à 7’09 »
9. Gérald Carrier (FRA) à 7’36 »
10. Zack Vestal (USA) à 8’04 »

37ème et 1ère féminine Karine Saysset (FRA) à 21’51 »