Le Tour fait un peu grise mine ce matin à Fougères (Ille-et-Vilaine), où pour la première fois depuis qu’il a levé l’ancre à Porto-Vecchio, il se réveille sous une voûte fraîche et grisâtre. Comme si le ciel s’était assombri sur une édition que d’aucuns voudraient concéder à Chris Froome (Team Sky) alors même que le plus dur reste à venir. D’accord, l’Anglais a atomisé ses adversaires au cours des deux premiers rendez-vous d’envergure de cette édition, l’arrivée en altitude à Ax 3 Domaines et le contre-la-montre au Mont-Saint-Michel. Ses adversaires les plus dangereux (Valverde, Mollema et Contador) se tiennent à présent à distance respectable, trois à quatre minutes, or si la course s’approchera de Paris aujourd’hui en descendant sur Tours (Indre-et-Loire), la capitale est encore loin. Cap est mis sur les Alpes, susceptibles de renverser bien des situations.

Les pensées grises du matin sont rapidement chassées avec les nuages de la même nature par un soleil toujours roi. Au moment où le peloton du Tour s’apprête à tracer une longue diagonale a priori sans heurts qui le conduira dimanche au pied du Mont Ventoux, la fidélité du soleil redonne une once d’espoir à ceux qui ont désormais trois jours pour fomenter les plans les plus à même de mettre le porteur du maillot jaune dans la panade. En attendant, ceux qui ont converti le contre-la-montre du Mont-Saint-Michel en journée de récupération hier dans la perspective des trois étapes de transition qui vont s’enchaîner reprennent du service dans une douzième étape logue, très longue (218 km), droite et surtout parfaitement plate. Le Tour de France déroule pour les sprinteurs un tapis rouge jusqu’à Tours.

Ce n’est certainement pas aujourd’hui que l’échappée du matin ira au bout. Pas aujourd’hui donc qu’interviendra la victoire d’étape française qui commence sérieusement à se faire désirer. Il faut tout de même essayer. Déjà embarqués dans la même aventure en direction de Marseille il y a huit jours, Anthony Delaplace (Sojasun) et Romain Sicard (Euskaltel-Euskadi) reprennent un ticket pour la bonne dès le 3ème kilomètre. Ils s’associent cette fois aux Italiens Francesco Gavazzi (Astana) et Manuele Mori (Lampre-Merida) et surtout à l’Espagnol Juan-Antonio Flecha (Vacansoleil-DCM), un vieil habitué de ce genre de coup. D’ailleurs, en coureur d’expérience qu’il est, il invite ses quatre compagnons d’échappée à rouler à bonne cadence durant les 50 premiers kilomètres, pratiquement couverts dans la première heure (47,2 de moyenne).

Cette fois il n’y a plus l’ombre d’un doute : Marcel Kittel est bien le meilleur.

Le peloton connaît la combine. Sous la direction des équipiers des sprinteurs, il donne un peu de mou au quintet de tête, jusqu’à neuf minutes, mais pas une seconde de plus. Sur une étape aussi longue, un écart soigneusement contenu sous la barre des neuf minutes ne laisse aucune chance aux cinq coureurs partis de bon matin. Poussés par un vent de trois quarts favorable, les coureurs du Tour de France accompliront cette longue étape à 45,132 km/h de moyenne. Mais pour Delaplace, Flecha, Gavazzi, Mori et Sicard, il n’y a rien à faire contre les légions lancées à leurs trousses. En dépit de toute leur bonne volonté, l’écart diminue inéluctablement. Leur ambition est anéantie avant même leur échappée, que seul Juan-Antonio Flecha essaiera d’entretenir le plus loin possible, jusqu’à l’entrée dans Tours.

Devenue inexploitable par le Tour depuis son réaménagement, l’avenue de Grammont ne sera pas le théâtre du sprint royal qui se prépare. La course se conclut avenue Camille Chautemps, que l’on ira chercher en empruntant quelques passages délicats. Si l’on frôle une fois encore la catastrophe sur une glissade de l’ouvreur Svein Tuft (Orica-GreenEdge) dans un rond-point à 4 kilomètres de l’arrivée, l’empilage général est simplement repoussé de quelques hectomètres pour se produire dans la zone de neutralisation. A 2,5 kilomètres du but, William Bonnet (FDJ.fr) culbute, entraînant dans son malheur des coureurs impuissants qui s’encastrent les uns dans les autres, s’entassent les uns sous les autres. Pas trop de casse, hormis matérielle, mais voilà les sprinteurs privés d’un des leurs : André Greipel (Lotto-Belisol).

C’est un autre Allemand qui retient toute l’attention depuis qu’il a décroché le premier maillot jaune à Bastia puis encore réglé leur compte aux meilleurs sprinteurs du monde à Saint-Malo. Marcel Kittel (Argos-Shimano) est piloté par Koen De Kort dans le dernier kilomètre, mais quand son lanceur s’écarte prématurément, trop vite livré à lui-même, le super sprinteur avise. Il se jette dans la roue de Mark Cavendish (Omega Pharma-Quick Step), en prend l’aspiration, avant de déboîter l’Anglais sur sa gauche pour venir le sauter sur la ligne. Cette fois il n’y a plus l’ombre d’un doute. Marcel Kittel est bien devenu le meilleur sprinteur du moment. Pas de quoi lui permettre d’endosser un maillot vert bien ancré sur les épaules de Peter Sagan (Cannondale), 3ème à Tours, où le retardement d’André Greipel, jusqu’alors son seul adversaire au classement par points, lui ouvre davantage la voie vers un second maillot vert à Paris.

Demain vendredi, tous les sprinteurs auront encore rendez-vous entre Tours et Saint-Amand-Montrond (173 km).

Classement 12ème étape :

1. Marcel Kittel (ALL, Argos-Shimano) les 218 km en 4h49’49 » (45,1 km/h)
2. Mark Cavendish (GBR, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
3. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) m.t.
4. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) m.t.
5. Roberto Ferrari (ITA, Lampre-Merida) m.t.
6. Daryl Impey (AFS, Orica-GreenEdge) m.t.
7. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) m.t.
8. Yohann Gène (FRA, Team Europcar) m.t.
9. Juan-José Lobato (ESP, Euskaltel-Euskadi) m.t.
10. Samuel Dumoulin (FRA, Ag2r La Mondiale) m.t.

Classement général :

1. Chris Froome (GBR, Team Sky) en 47h19’13 »
2. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 3’25 »
3. Bauke Mollema (PBS, Belkin) à 3’37 »
4. Alberto Contador (ESP, Team Saxo-Tinkoff) à 3’54 »
5. Roman Kreuziger (TCH, Team Saxo-Tinkoff) à 3’57 »
6. Laurens Ten-Dam (PBS, Belkin) à 4’10 »
7. Michal Kwiatkowski (POL, Omega Pharma-Quick Step) à 4’44 »
8. Nairo-Alexander Quintana (COL, Movistar Team) à 5’18 »
9. Rui-Alberto Faria Da Costa (POR, Movistar Team) à 5’37 »
10. Jean-Christophe Péraud (FRA, Ag2r La Mondiale) à 5’39 »

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) 307 pt
2. Mark Cavendish (GBR, Omega Pharma-Quick Step) 211 pt
3. André Greipel (ALL, Lotto-Belisol) 195 pt
4. Marcel Kittel (ALL, Argos-Shimano) 177 pt
5. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 157 pt
6. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) 102 pt
7. Michal Kwiatkowski (POL, Omega Pharma-Quick Step) 101 pt
8. Juan-Antonio Flecha (ESP, Vacansoleil-DCM) 97 pt
9. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) 88 pt
10. Danny Van Poppel (PBS, Vacansoleil-DCM) 87 pt

Classement de la montagne :

1. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) 49 pt
2. Christopher Froome (GBR, Team Sky) 33 pt
3. Richie Porte (AUS, Team Sky) 28 pt
4. Nairo-Alexander Quintana (COL, Movistar Team) 26 pt
5. Mikel Nieve (ESP, Euskaltel-Euskadi) 21 pt
6. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 20 pt
7. Simon Clarke (AUS, Orica-GreenEdge) 15 pt
8. Thomas De Gendt (BEL, Vacansoleil-DCM) 14 pt
9. Peter Kennaugh (GBR, Team Sky) 14 pt
10. Daniel Martin (IRL, Garmin-Sharp) 13 pt

Classement des jeunes :

1. Michal Kwiatkowski (POL, Omega Pharma-Quick Step) en 47h23’57 »
2. Nairo-Alexander Quintana (COL, Movistar Team) à 34 sec.
3. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 6’53 »
4. Andrew Talansky (USA, Garmin-Sharp) à 8’27 »
5. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) à 31’43 »
6. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 33’24 »
7. Alexis Vuillermoz (FRA, Sojasun) à 35’27 »
8. Arthur Vichot (FRA, FDJ.fr) à 39’41 »
9. Tony Gallopin (FRA, RadioShack-Leopard) à 41’02 »
10. Tom Dumoulin (FRA, Argos-Shimano) à 41’28 »

Classement de la combativité :

1. Juan-Antonio Flecha (ESP, Vacansoleil-DCM)

Classement par équipes :

1. Movistar Team (ESP) en 141h17’14 »
2. Team Saxo-Tinkoff (DAN) à 4’34 »
3. Belkin (PBS) en 6’06 »
4. Ag2r La Mondiale (FRA) à 11’53 »
5. RadioShack-Leopard (LUX) à 16’03 »
6. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 19’25 »
7. Team Katusha (RUS) à 23’25 »
8. BMC Racing Team (USA) à 32’58 »
9. Garmin-Sharp (USA) à 33’33 »
10. Team Sky (GBR) à 44’00 »