Parallèlement, les coupures « hivernales » sans le moindre sport se réduisent à la portion congrue.

Tous les pros le diront : « y a plus d’hiver ma bonne dame ». En effet à l’époque, des Jacques Anquetil, Eddy Merckx ou plus récemment Gilbert Duclos Lassalle laissaient de côté le vélo durant 2 mois voire un peu plus. Par exemple « Duclos » coupait de façon immuable du 15 octobre au 1er janvier inclus – c’est précis – avant de reprendre le 02 janvier… par la plus longue sortie qu’il était capable de boucler ! Cela se terminait souvent autour de 140 km, fringale à l’appui. Le lendemain, il remettait le couvert, sur 10 km de moins et n’augmentait à nouveau la distance que lorsqu’elle était « validée ». Autres temps, autres mœurs, cela ne l’empêchait pourtant pas de se présenter en tant que favori au départ de Paris-Roubaix à peine 3 mois plus tard. On peut également citer les favoris des Grands Tours de la même époque qui se présentaient en début de saison avec un surpoids important ou une méforme chronique comme cela a été le cas de Miguel Indurain ou de Jan Ullrich.

 

Un choix de courses adapté aux nouvelles méthodes d’entrainement

Mais depuis les connaissances sur l’entrainement ont beaucoup évolué, les capteurs de puissance sont passés par là et les entraineurs les exploitent comme il se doit. Même ceux dont l’objectif est à chercher du côté de Juillet, ne s’éloignent pas au-delà de quelques pourcents de leur optimum de forme et de poids.

Par ailleurs aujourd’hui, pour la plupart des professionnels la coupure sans sport se résume souvent à une quinzaine de jours fin octobre puis une reprise en PPG (Préparation Physique Générale) sur le mois de novembre avec de la musculation ou des exercices en salle, du VTT, du running, voire du ski de fond et un peu de vélo de route. Vient ensuite rapidement un 1er stage de cohésion d’équipe qui permet de reprendre contact avec le vélo de route, récupérer les nouveaux équipements (bonneterie et vélos).

Mais décembre est déjà un mois sérieux côté entrainement avant que n’arrive Janvier (parfois avant) et ses 1ers stages « au chaud » (Majorque, Calpe, Canaries).

Mais certains ont une approche encore plus précoce et préfèrent accrocher un dossard dès le mois de janvier voire avant. S’offrent à eux les possibilités suivantes :

1) « L’Europe » avec le calendrier de cyclo-cross.

2) L’Afrique avec la Tropicale Amissa Bongo.

3) L’Amérique du Sud avec le Tour de San Luis et le Tour de Colombie.

4) L’Océanie avec le Tour Down Under.

 

1) Pour le cyclo-cross, la question est assez vite réglée : si le coureur a des affinités avec la discipline, alors il va poursuivre un calendrier plus ou moins conséquent. Le meilleur exemple est bien évidemment Mathieu Van der Poel dont la saison dans les sous-bois n’hypothèque bien sûr pas les résultats sur route ou en VTT. Mais il faut préciser que, parallèlement à cette saison de courses il participe régulièrement à des stages en Espagne où les 30h de selle sont alignées sur la semaine.

En France, Clément Venturini arrive à enchainer les 2 saisons cyclo-cross et route, même si étonnement, il a déclaré souhaiter lever le pied en « cross » afin de se préserver pour la saison de route. On se demande alors pourquoi Van der Poel et Wout Van Aert y parviennent, avec le succès que l’on connait. Difficile de ne pas y voir une volonté de son encadrement pour qui un maillot de Champion de France « suffit » sans voir l’intérêt d’enchainer des victoires sur le circuit national ou des places d’honneur sur le calendrier européen. Dommage pour les suiveurs qui voient là un cyclocrossman de talent ne faire que des « demi-hivers » mais les contraintes de visibilité sponsors ont leurs raisons, pas toujours compatibles avec les envies de spectacle dans la boue. D’autres pros vont pratiquer le cyclo-cross en tant que discipline d’appoint sur un cycle de préparation, avec une préférence pour une participation locale, gage de bain de foule toujours appréciable en dehors des objectifs principaux.

 

nullNans Peters se prépare dans les sous bois © AG2R La Mondiale

 

 

2) La Tropicale Amissa Bongo a ses « abonnés », notamment les équipes françaises. Signalons par exemple qu’Andre Greipel y a glané le seul succès de son exercice 2019, un bilan vraiment maigre pour celui qui a été l’un des meilleurs sprinteurs du monde. Pour autant, ce n’est évidemment pas la « faute » de la course qui permet de se confronter à quelques-uns des meilleurs coureurs africains dans une épreuve qui apporte son lot de folklore et de précautions quant au côté sanitaire (eau notamment). Pas pour les estomacs fragiles parait-il, mais le niveau global n’étant pas celui envisagé en Colombie, Argentine ou Australie, cela permet de reprendre le rythme de la compétition au soleil. Dommage cependant que la plupart des grosses équipes étrangères ne fassent pas le déplacement. Pas suffisamment de points à prendre certainement.

 

Tropicale Amissa Bongo01© Tropicale Amissa Bongo

3) L’Amérique du Sud a ses adaptes : les coureurs « locaux » bien évidemment, ce qui leur permet d’éviter un déplacement en Europe tout en ayant le plaisir de rouler sur leurs terres. A ce jeu les colombiens et argentins se montrent généralement les plus forts, surtout qu’ils sont les plus motivés et les plus avancés dans leur préparation par rapport aux coureurs européens. Citons par ailleurs Alberto Contador qui venait finir sa préparation, en jouant plus ou moins les 1ers rôles, davantage sur sa classe que sur sa condition physique. Pour autant, Vincenzo Nibali en 2010 ou Levi Leipheimer en 2012 ont réussi à accrocher leur nom au palmarès… tout en ayant des objectifs plus lointains dans l’année.

 

Quintana l'mporte01Quintana l’emporte | © Tour de San Luis

Nairo Quintana s’y montre souvent à son avantage, en programmant un 1er pic de forme sur l’année, avant de poursuivre son entrainement à la casa et d’arriver bien plus tard en Europe, souvent une 1ère fois avec le Tour de Catalogne. L’année 2019 avait été l’occasion d’observer les 1ers tours de roues chez les professionnels de Remco Evenepoel qui avait déjà impressionné, tout juste sorti des rangs juniors, en aidant Julian Alaphilippe en montagne (malgré quelques kilos en trop) et en se classant 3ème du Contre La Montre individuel pour son 3ème jour de course ! Alaphilippe lui-même avait choisi cette préparation sud-américaine en empochant 2 étapes sur ce Tour de San Luis et en prolongeant son séjour pour accumuler les kilomètres et les cols au soleil. Un programme qui lui a réussi si l’on en juge le reste de sa saison… Peter Sagan est un autre habitué de l’épreuve mais il est surtout là pour progresser davantage que pour performer. En 2016, il s’était même « permis » de se présenter avec les jambes non rasées, une fantaisie de sa part qui avait fait jaser à l’époque.

Revenons à l’édition 2019 pour citer une place d’honneur qui était passée inaperçue : la 6ème place de Richard Carapaz, futur vainqueur du Tour d’Italie.

 

4) Enfin, le Tour Down Under est la course de rentrée la plus prestigieuse, World Tour oblige, qu’il a intégré en 2008 en devenant la 1ère course non européenne à faire partie du label. Richie Porte y fait figure d’épouvantail, lui qui est monté sur le podium des 5 dernières éditions. Un autre local, Simon Gerrans a également marqué de son empreinte le palmarès avec pas moins de 4 victoires au général. La course se joue souvent à coups de secondes puisque le classement définitif se résume généralement à une ascension : la montée vers Willunga. A ce jeu, les grimpeurs-puncheurs sont avantagés même si Daryl Impey a réussi à tirer profit de son profil passe-partout voire sprinteur pour limiter les dégâts à Willunga et empocher le général, principalement grâce aux bonifications acquises.

Toujours est-il que le Tour Down Under est l’assurance pour les coureurs de rouler au soleil – parfois brûlant – de l’autre côté du globe donc en plein été austral. Avec le World Tour, la concurrence est forcément rude et le rythme est élevé. Sans compter que des points UCI précieux peuvent être accumulés. Pour les coureurs européens, le bémol à ce beau tableau apparent est à chercher du côté du déplacement (plus de 20h) et du décalage horaire associé. Sans compter qu’il est nécessaire de s’habituer à la chaleur, autour de 40°C à l’ombre. Ces caractéristiques ont pourtant séduit Romain Bardet, qui dans sa multitude de changements pour 2020 a décidé d’ajouter la course australienne à son programme. Ce fait est à noter car les coureurs visant le général de Grands Tours ne sont pas très souvent du voyage.

 

nullDaryl Impey gagne sur le Tour Down Under | © Sirotti

 

Pour reprendre ces chemins possibles qui mènent à la forme et aux succès, il ne semble pas se dessiner de préparation ni miracle ni idéale. Tout dépend en 1er lieu de la date des objectifs du coureur, ses préférences qui peuvent varier selon les années, et il faut bien l’admettre des points UCI.

Globalement, les coureurs de classiques vont préférer ces formules d’épreuves qui permettent d’accumuler des kilomètres en course avant les vrais objectifs, généralement ciblés sur l’ouverture de la saison en Belgique et sur Tirreno/Paris-Nice avant Milan-San Remo.

Les coureurs des Grands Tours quant à eux, reprennent la compétition en général plus tard, c’est-à-dire en février. Par exemple au Tour des Emirats Arabes Unis avant d’enchainer sur des courses par étapes, que ce soit en France, Italie ou Espagne. Par rapport aux coureurs de classique, ils vont préférer prolonger la période des stages d’avant saison et avoir moins de jours de courses.

 

Par Olivier Dulaurent