Si cela reste parfaitement envisageable et logique a priori, il semble que ses adversaires aient de quoi garder le moral et le cap.

Pour le moment, les voyants du Slovène sont au vert : il possède à coup sûr la plus forte équipe, que ce soit pour l’amener sur le plat ou en montagne. Il est apparu le plus costaud lors des rares moments où les cadors se sont réellement testés au maximum de leur potentiel : que ce soit bien sûr lors de sa victoire à Orcières Merlette, la facilité avec laquelle il a répondu aux attaques dans le col de Peeyresourde – tout en laissant supposer qu’il laissait filer son compatriote Tadej Pogacar – et bien sûr lors de l’ascension du redoutable col de Marie Blanque. Sur chacune de ces phases de course, Roglic a semblé pouvoir rouler bien plus vite qu’il ne l’a fait réellement. Ces impressions visuelles vont même jusqu’à laisser croire qu’il se promenait, ce que son visage impassible et sa cadence de pédalage plus élevée que celle de ses adversaires ne font que confirmer. D’un autre côté, il a littéralement hérité du maillot jaune alors qu’il avait tout fait pour retarder la passation de pouvoir avec Adam Yates. Son équipe est pourtant bien suffisamment taillée pour répondre aux devoirs liés à la fonction de maillot jaune ?

Mais alors, une question toute simple se pose : pourquoi n’a-t-il pas profité des occasions qui se présentaient pour porter l’estocade et tenter d’aborder le Puy Mary et les Alpes avec une avance de quelques dizaines de secondes ?

Primoz Roglic 2ème à LarunsPrimoz Roglic 2ème à Laruns | © ASO Alex Broadway

 

Roglic a peur de la 3ème semaine

Avec un menu particulièrement copieux dans le Massif Central (2ème semaine) et surtout un final qui va solliciter les organismes tous les jours (Grand Colombier, Glières, Loze, Planche des Belles Filles pour ne citer le final que de quelques étapes), Primoz Roglic estime qu’il aura besoin de tout son potentiel pour enchainer ces difficultés. Lui-même et son staff ont probablement pensé que les cartouches grillées de la 1ère semaine ne permettraient de gagner que quelques secondes alors que le débours sera bien sûpérieur surla fin de l’épreuve, quand les jambes seront lourdes.

Avec Adam Yates en jaune, les images de son frère jumeau Simon Yates (maillot rose sur le dos) perdant 38 minutes en une seule étape de la 3ème semaine du Giro 2018 ont pu revenir aux esprits de l’équipe Jumbo-Visma. Jusque-là, le Britannique volait en montagne et ne se privait pas de prendre du temps partout où cela était possible. Quelques jours plus tard, Thibaut Pinot s’effondrait lui aussi dans une autre étape de montagne alors que le podium lui tendait les bras.

Roglic le sait, le Tour de France est une épreuve de grand fond qui se gagne petit à petit mais surtout, qui peut se perdre partout dès lors que le physique n’est plus à 100%. Les leaders le disent tous : sur le Tour, il est très compliqué de cacher ces moments de « moins bien ». Un des enjeux est justement de gérer au mieux ces situations de crise, qui interviennent forcément davantage quand la fatigue se fait sentir. Etant le dernier vainqueur d’un Grand Tour en date, Roglic utilise certainement cette expérience.

Enfin, le spectre du Tour 2018 a pu peser dans la balance. En effet, alors qu’il s’était imposé à Laruns en 3ème semaine, Roglic n’a pas réalisé le Contre-La-Montre qu’il aurait dû à 2 jours de l’arrivée et a ainsi été éjecté du podium au profit de Chris Froome.

Primoz Roglic02Primoz Roglic| © Jumbo Visma

Mais Roglic n’a pas retenu les leçons du passé

En prenant un peu de recul sur la saison 2019, il est facile d’imaginer Roglic empochant à la fois le Giro et la Vuelta. Or, à son palmarès figure seulement l’épreuve espagnole.

Primoz Roglic a certainement perdu le Giro tout seul : maillot rose assez rapidement sur la base de ses qualités de rouleur-grimpeur, il s’est focalisé seulement sur Vincenzo Nibali en laissant filer des adversaires supposés moins dangereux que l’expérimenté Requin de Messine plutôt que d’enfoncer le clou pendant les jambes répondaient présent. Au lieu de cela, alors que le futur vainqueur Richard Carapaz élevait son niveau jour après jour, Roglic a coincé peu à peu sur la fin, perdant ça et là des secondes qui l’ont fait reculer au classement.

Cette fatigue s’expliquait bien sûr par les exigences des 3 semaines de course mais aussi par un début de saison particulièrement dense et qui l’avait mené aux victoires sur le général du Tour de Romandie, de Tirreno Adriatico et du UAE Tour.

Pour autant, il apparaît que le gain de quelques dizaines de secondes sur Carapaz en début de Giro n’aurait pas réclamé beaucoup d’énergie supplémentaire… tout en s’octroyant une marge suffisamment confortable pour gérer le retour de son rival Equatorien.

Avec 21 secondes d’avance sur Egan Bernal, Primoz Roglic a laissé son jeune adversaire colombien complètement dans le match. Avec la forme qu’il tenait dans le col de Peyresourde, il aurait pu accompagner Tadej Pogacar en creusant un écart significatif sur le vainqueur du Tour 2019 et sur Nairo Quintana notamment. Idem dans Marie Blanque où les 2 hommes forts de ce début de Tour auraient pu faire le break. Au lieu de cela, ils ont laissé revenir Bernal et Quintana dans le jeu, 2 coureurs dont la récupération semble être l’un des nombreux points forts, comme en atteste par exemple la fin de Tour 2019 de Bernal. L’intéressé lui-même explique qu’il se sent de mieux en mieux au fil des jours…

Enfin, Chris Froome n’a pas manqué cette semaine de préciser que « on a toujours vu Roglic faiblir ».

Et faiblir avec un matelas de 2 min reste toujours plus facile à gérer qu’avec 21 secondes…

Enfin, pour l’emporter à Paris le 21 septembre, Primoz Roglic aura montré un pic de forme s’étalant sur près de 2 mois car il était déjà intouchable sur le Tour de l’Ain début août. Il se dit habituellement qu’un tel niveau n’est pas tenable sur une si longue période.

Par Olivier Dulaurent