Audrey, comment vous remettez-vous de votre fracture de la clavicule au Giro Rosa ?
Ça va, le moral est retrouvé. J’ai un peu débranché pendant trois semaines pour me concentrer sur ma convalescence et revenir au plus vite, avant de rejoindre Paris pour La Course, en spectatrice, pour renouer avec le monde du vélo. J’ai repris l’entraînement, et c’est le principal. J’ai beaucoup souffert les deux semaines qui ont suivi ma chute. Je n’ai pas eu de chirurgie, ce qui aurait peut-être favorisé une guérison plus rapide. Ils ont préféré ne pas m’opérer et laisser l’os se ressouder complètement. Pendant deux semaines, je n’ai pratiqué aucune activité physique. Je ne pensais pas qu’une clavicule était aussi douloureuse. J’ai repris sur le home-trainer pour être sûre que tout allait bien, et désormais sur la route.

Entre Hitec Products et Wiggle Honda, voilà deux ans que vous évoluez à l’étranger. En quoi l’environnement que vous y trouvez est-il différent de celui des formations françaises ?
Ce qui me plaît, c’est cette ambiance professionnelle. Nous, les Françaises, avions tendance à ne pas avoir confiance en nous, et du coup à se tirer plus vers le bas que vers le haut. Courir dans une équipe française, avec des stars du cyclisme féminin comme Giorgia Bronzini et Elisa Longo-Borghini, m’a remotivé. Je suis tirée vers le haut que ce soit du point de vue de l’entraînement, du mental. J’ai appris une nouvelle façon de vivre le cyclisme. A l’anglo-saxonne. Et c’est à mon avis le chemin à suivre pour progresser et pouvoir gagner de belles courses. Je ne regrette pas du tout d’avoir intégré ces équipes étrangères.

Vous évoquez un univers plus professionnel. Vous qui avez longtemps été adepte d’un entraînement aux sensations êtes-vous passée à un entraînement plus scientifique ?
C’est vrai que j’ai longtemps été la Sylvain Chavanel du cyclisme féminin français. J’ai longtemps couru aux sensations et très peu avec toute la technologie actuelle. Evidemment, quand on arrive à l’étranger et qu’on voit tout le monde se servir d’un capteur de puissance, on comprend qu’il faut progresser sur ce sujet. J’ai également changé d’entraîneur en faisant confiance à Julien Guiborel, un grand spécialiste de toutes ces petites machines qui m’a poussé à aller vers ce nouveau genre d’entraînement. J’utilise un Powertap. Je n’en ai tiré que des bénéfices. Ça apprend à se connaître beaucoup mieux et finalement à progresser.

Apportez-vous également un intérêt particulier à des sujets comme la diététique et la récupération ?
La récupération, c’est un élément sur lequel je travaille consciencieusement. Bien que je fasse partie d’une équipe professionnelle, j’ai aussi à côté un employeur qui me réquisitionne de temps en temps. Associer travail et entraînement peut être parfois assez difficile. Il faut privilégier à ce moment-là la récupération. Au-delà de ça, la diététique et le matériel sont également très importants pour progresser. Ce sont malheureusement des choses sur lesquelles nous ne sommes pas encore très encadrées dans le cyclisme féminin par rapport au cyclisme masculin. Nous ne bénéficions pas de diététiciens, c’est à nous de faire attention à la maison. Mais il est évident qu’il faut travailler ces choses. Ça fait partie du job et de la performance.

Vous évoquez votre employeur. Pour qui travaillez-vous en dehors du cyclisme ?
Je travaille pour la Cidéral, la Communauté de communes de Loudéac, en tant qu’animatrice sportive au sein d’une base sports nature. L’été, on me laisse me consacrer en priorité au vélo. J’essaie de faire le maximum d’heures possible l’hiver, mais il y a aussi des temps forts en saison avec certains week-ends très importants où je dois vraiment répondre présent.

Quelle relation entretenez-vous avec votre matériel ?
J’ai toujours connu de très bons mécanos, chez Vienne-Futuroscope ou en équipe de France, et j’ai longtemps eu une confiance aveugle en eux. Mais en arrivant à l’étranger, on n’arrive pas toujours à associer les mots pour désigner telle ou telle pièce du vélo. Alors j’ai du apprendre un peu par moi-même et m’y intéresser. J’ai aussi un mari très pointilleux sur le sujet et qui m’aide beaucoup. J’y fais néanmoins beaucoup plus attention et j’aime que mes deux vélos, de course et d’entraînement, aient exactement les mêmes réglages. Je suis très pointilleuse là-dessus. Je vérifie également toujours mes serrages de roue.

Vous avez conquis le titre national du contre-la-montre. Comment travaillez-vous cette discipline qui vous tient à cœur et quels progrès vous reste-t-il à accomplir ?
J’ai toujours eu de l’affection pour le contre-la-montre depuis mes années Juniors et mon premier titre de championne de France. Mais c’est une discipline qui demande beaucoup de temps et d’investissement, et je ne l’ai pas énormément durant la saison. On reçoit en outre les vélos de contre-la-montre très tard, la veille du Championnat de France du contre-la-montre l’année dernière quand je perds le titre pour seulement 2 secondes ! Les marques privilégient les garçons. J’ai touché mon vélo de chrono trois semaines avant les France cette année, ce qui m’a laissé peu de temps pour les préparer. Si je pouvais monter sur le vélo dès la préparation hivernale, il y aurait vraiment matière à progresser à raison de deux ou trois sorties courtes.