Ainsi, depuis 2018, les 8 derniers vainqueurs sont tous différents et issus de nationalités qui sont autant de nouvelles nations du vélo, surtout à ce niveau de performances.

Pour rappel, nous avons 4 Britanniques (Geraint Thomas, Chris Froome, Simon Yates et Tao Geoghegan Hart), 2 Slovènes (Tadej Pogacar et Primoz Roglic), un Equatorien (Richard Carapaz) et enfin un Colombien (Egan Bernal).

Certes, le Royaume Uni n’en est pas à son 1er essai et depuis l’arrivée de l’équipe Sky, Bradley Wiggins et Chris Froome ont montré la voie. Mais la source de champions ne semble pas tarie Outre-Manche quand Geoghegan Hart emporte un Giro à l’âge de 25 ans et que l’un des frères Yates peut toujours surgir là où l’on ne les attend plus – ce qui semble d’ailleurs être leur marque de fabrique. A trop vouloir en faire des favoris, ils finissent par décevoir mais Simon Yates emportant la Vuelta 2018 a été une demi-surprise.

 

Carapaz en rose sur la VueltaL’Equatorien Richard Carapaz en lice pour un 2ème Grand Tour sur la Vuelta 2020 | © Ineos Grenadiers

 

Où en sont les nations traditionnelles ?

Les « nations historiques du vélo » que constituent surtout Belgique, France, Italie, Espagne et Pays-Bas sont absentes du palmarès récent des Grands Tours quand cela ne fait pas une éternité qu’elles n’apparaissent. Du côté français, nous pourrions encore garder espoir du côté de Thibaut Pinot « si toutes les planètes sont alignées » de l’aveu même de son manager Marc Madiot. En Espagne, le vétéran Alejandro Valverde ne peut décemment pas inscrire son nom au palmarès et la relève ne semble pas encore être au niveau. Enric Mas a pu susciter des espoirs mais il marque, pour l’heure, un peu le pas. Vicenzo Nibali n’a pas pu batailler sur son Tour national et a avoué lui-même qu’il rendait plus de 10 ans aux coureurs qui ont brillé sur les pentes du Stelvio. Le Requin de Messine ne semble pas non plus avoir de successeur à court terme.

Du côté de la Belgique, Evenepoel rassemble toutes les hypothèses. En effet, il franchit tellement de marches à chacune de ses sorties sur des courses par étapes, il possède une telle « caisse » qu’il est possible de se demander jusqu’à quel niveau sa progression va intervenir. Son énorme gamelle du Tour de Lombardie ne devrait heureusement pas ralentir son ascension et il est possible qu’il se batte bientôt pour le général des Grands Tours. En tout cas, il ne nourrit aucun complexe face au « jeunisme » des Pogacar et autre Bernal, supposés tous les 2 meilleurs que lui en très haute montagne.

Quoi qu’il en soit, la très récente histoire des Grands Tours et plus généralement des courses par étapes a mis en avant le succès de coureurs extrêmement jeunes, là où les années 90 à 2010 ont plutôt couronné des coureurs approchant la trentaine, « façonnés » sur la durée. En effet, il a longtemps été considéré que briller son un Grand Tour réclamait des qualités d’endurance, d’expérience, de gestion du stress et des sollicitations, que seuls des coureurs ayant vécu plusieurs l’expérience étaient capables de maitriser. Les exemples récents de Bernal et de Pogacar, en attendant Evenepoel donc, ont complètement redistribué les cartes. A peine plus « vieux », Geoghegan Hart et Hindley se sont disputé la victoire à coups de secondes jusqu’aux tous derniers kilomètres du Giro.

Ce duo inattendu laisse aussi à penser que dans la liste des pays cités et parmi les coureurs eux-mêmes, les surprises sont toujours possibles. Car, qui aurait pensé que Tadej Pogacar allait est si fort aussi tôt sur le Tour de France même si sa Vuelta 2019 terminée en boulet de canon laissait augurer les plus belles choses ?

Et puisqu’il est ici question de Jai Hindley, l’Australie peut elle aussi viser la victoire finale, surtout maintenant que Richie Porte a vaincu la malchance qui l’avait jusqu’ici privé du podium sur le Tour.

Geoghegan Hart et Hindley se jouent la victoire en dernière semaine du Giro 2020Geoghegan Hart et Hindley se jouent la victoire en dernière semaine du Giro 2020 | © Ineos Grenadiers

 

Un cyclisme de plus en plus mondial

De toutes façons, le palmarès des Grands Tours ne fait que confirmer l’évolution du cyclisme, qui se trouve être de plus en plus mondialisé. Les nations qui gagnent au plus haut niveau sont de plus en plus variées. Le cycliste le plus populaire des années 2010-2020, Peter Sagan symbolise à lui seul cette internationalisation, là où jusqu’aux années 90, les grands champions étaient exclusivement ou presque, issus de la « veille » Europe.

A l’avenir et connaissant leurs VO2max qui font des ravages sur les épreuves d’endurance en athlétisme, combien devra-t-on encore attendre pour qu’un Kenyan ou un Ethiopien ne lâche tous ses adversaires dans un col de montagne ? Ou que les 1,4 milliard de chinois ne puissent sortir un immense champion ?

Certes, briller en cyclisme est aussi une question de culture et d’infrastructures sportives voire de routes praticables mais là encore, qui aurait misé il y a 5 ans sur un Equatorien vainqueur du Giro ?

 

Par Olivier Dulaurent