Ils sont plus de 2000 à être entrés sur le vélodrome avant le vainqueur de l’Enfer du Nord. Pour sa troisième édition, le Paris-Roubaix Challenge, autrefois placé une semaine avant le monument nordiste, s’est offert le privilège de se disputer la veille de l’épreuve professionnelle, et c’est loin d’être le seul changement. Pour la première fois, la cyclosportive se déroule uniquement sous forme de randonnée. Pas de classement, pas de chrono, une volonté d’ASO. « Notre pari est réussi, juge Mathieu Boutroux, responsable des cyclosportives au sein de la société organisatrice du Tour de France. Notre objectif était de valoriser la classique en proposant une ambiance conviviale. À voir le sourire des gens à l’arrivée, c’est un vrai succès. C’est de bon augure pour la suite. »

Et ils étaient nombreux au mythique vélodrome de Roubaix à attendre que leur champion déboule sur l’anneau pour les 250 derniers mètres. Avant ce tour de piste qui restera dans leur mémoire, ils ont eu le choix. Trois parcours étaient proposés pour coller au mieux aux attentes et aux capacités de chacun. Le petit parcours affichait un kilométrage de 70 kilomètres pour sept secteurs pavés, le moyen 153 kilomètres pour 18 tronçons. Le grand parcours au départ de Busigny, non loin de Troisvilles proposait 170 bornes et surtout les 52 kilomètres de pavés qui traumatiseront les organismes des coureurs demain.

Plus de 2000 personnes ont donc participé à l’évènement amené à entrer dans la légende des cyclosportives. 1700 étaient attendus et quelques retardataires ont fait leur inscription sur place. Toujours dans un esprit de convivialité. « On a par exemple eu le cas d’une bande de copains qui a discuté hier soir de faire la cyclo et ils se sont inscrits le matin même. C’est cette convivialité que l’on voulait mettre en avant », poursuit Mathieu Boutroux. D’autant que s’il n’y a pas de chrono, pas de premiers ni de derniers, une belle surprise attend ces survivants de l’Enfer à l’arrivée. Chaque participant a droit à sa médaille. « Quand on s’avance vers eux pour la leur donner, ils sont d’abord surpris et se demandent si c’est bien pour eux, confie Sarah qui distribue les récompenses. C’est aussi un aboutissement et une fierté. La preuve qu’ils n’ont pas abandonné. »

À Roubaix on entend parler français bien sûr, mais aussi anglais, néerlandais, allemand, etc. Au total, on est venus de 27 pays pour emprunter les pavés mythiques du Nord. Est-ce l’effet Wiggins, mais les Britanniques étaient les étrangers les plus représentés. Un comble alors que Roubaix n’est qu’à une dizaine de kilomètres de l’autre pays du vélo : la Belgique.

Au cours de cette cyclo, entraide et convivialité sont au programme. L’enfer, Jean-François a voulu y prendre part avec sa fille, Élisabeth… en tandem ! « Il y a 25 ans d’écart entre nous et on a prouvé qu’on pouvait être là », dit-il avec un brin de fierté et avec un accent du sud-ouest qui tranche avec la grisaille et le froid ambiant. Ils ont fait le déplacement du Tarn, « un département où il n’y a pas de pavés du tout », et se sont donc préparés spécialement pour l’occasion. Père et fille ont bouclé les 170 kilomètres à près de 30 km/h de moyenne. « Sur les pavés, le tandem est un avantage. On arrive à rouler très vite puisqu’on est plus puissants. Mais nous sommes handicapés dans les bosses. Nous voulions avant tout être devant dans la Trouée d’Arenberg. L’objectif est largement atteint, nous n’avons pas été dépassés dans ce secteur. On a roulé à près de 40 km/h ». Demain, ils seront sur le parcours pour supporter Fabian Cancellara, « car il a la même philosophie que nous : toujours donner le maximum. »

Le témoin Vélo 101… Anthony Malenfant (VC Lisieux)

Anthony, quel est ton sentiment à la fin de ce Paris-Roubaix Challenge ?
Prendre une petite bière c’est ce qui nous motivait le plus sur la fin. On en avait marre, mais ça fait plaisir de finir. On a bouclé les 153 kilomètres en 7h30 mais on s’est arrêtés au ravitaillement.

Était-ce ta première participation ?
C’était ma deuxième, mais c’était la première de mes deux amis avec qui j’ai fait cette cyclo. J’ai eu plus de mal cette année que l’an dernier. Peut-être que les pavés étaient moins bons (il rit). Je n’avais pas de jambes. On a fini au mental et ça fait plaisir de terminer quand même. Emprunter ces pavés, c’est mythique. C’est quelque chose que l’on a rarement l’occasion de faire. Voir ce que peuvent endurer les coureurs professionnels, c’est génial. On voit vraiment la difficulté de la course et l’effort surhumain qu’ils doivent faire pour en arriver là.

Quelles ont été tes sensations ?
J’étais bien au départ. J’étais un peu moins bien dans le milieu et j’ai bien fini. On voulait surtout terminer sans chutes et sans crevaisons. On a juste eu une crevaison après Arenberg. On s’est fait plaisir, c’est le principal. La forêt d’Arenberg, c’est mythique. C’est là où Paris-Roubaix commence chez les professionnels. C’est le secteur le plus compliqué. C’était le premier que nous devions franchir puisqu’on a choisi le 153 kilomètres donc on avait une petite appréhension au départ. Je l’avais fait l’année dernière, mais on avait déjà franchi huit secteurs pavés avant. C’est là où les pavés sont les moins bons, les plus disjoints. Il y a des différences de niveau énorme et surtout il est long, et tout en faux plat montant. Comme les pavés sont disjoints, on ne peut pas rouler très vite et comme ça monte, on a l’impression que ça ne finit jamais.

As-tu apporté quelques changements au niveau de ton vélo pour les secteurs pavés ?
J’ai descendu un peu la pression des pneus en mettant 7,5 kg. On a surtout mis des pneus un peu plus larges avec une section de 25 mm pour éviter les crevaisons. J’ai aussi pris un vélo de cyclo-cross parce que je voulais éviter de casser le vélo carbone.

Comment as-tu trouvé l’ambiance ?
Très sympa, tout le monde s’entraide, il y a vraiment une bonne ambiance. Comme on est nombreux, on peut toujours être en groupe et c’est super. On est trois du club à l’avoir fait. Dans les coups de moins bien, on s’est toujours attendu pour terminer ensemble, c’est l’objectif. On reviendra l’année prochaine, c’est certain ! J’aimerais aussi en profiter pour faire le Tour des Flandres, c’est un autre mythe.