Olivier, pouvez-vous vous présenter et nous dire ce qui vous a conduit auprès de sportifs ?
Formé en sophrologie depuis 2000, j’exerce en tant que sophrologue et préparateur mental depuis 2004 auprès de différents publics en individuel, groupe, entreprise et pour ce qui vous intéresse auprès de sportifs, quel que soit le niveau, amateur ou professionnel. Je suis ancien rugbyman. J’ai touché à la 1ère division avant que cela ne devienne totalement professionnel. J’avais envie de rendre au monde du sport en général ce que j’avais reçu.

Sur quels sports et sportifs intervenez-vous ?
Je dirais tous : vélo, triathlon, kayak, rugby, foot, golf… J’ai même eu une demande d’un joueur de billard. Dès qu’il y a rencontre, le travail peut avoir lieu, car je reste dans mon domaine sur le mental et n’interfère pas avec le technique ou le tactique. Je peux amener par contre plus de réflexion au sportif dans ce domaine et lui permettre de mieux comprendre ce que l’entraîneur attend de lui, de mieux ressentir un geste, c’est surtout une construction au sens humain. Le milieu n’est pas toujours tendre.

Quelles sont les caractéristiques communes et différentes entre les sportifs « individuels » et les sportifs « équipes » comme le rugby ?
La caractéristique commune première est la passion avec une double problématique. Il est nécessaire par moment de la remettre au centre. C’est le moteur. De temps en temps justement il peut y avoir un peu de toussotement quand le sport est devenu aussi une profession, un travail. On a alors, inhérent à toute forme de travail, une possible lassitude, fatigue, pression, l’obligation de résultat. Mais il faut aussi de temps à autre décentrer la passion pour recentrer le sportif dans sa vie. Il est important de réussir son temps de sportif mais réussir sa construction complète est un challenge encore supérieur. La recherche de la victoire est bien sûr un point commun. La gestion est peut-être plus difficile en individuel lors d’une défaite car l’athlète a la sensation d’en porter le poids tout seul. En individuel la joie d’avoir gagné ou l’amertume d’avoir perdu tombe sans doute plus rapidement sur vos épaules et s’installe un peu plus dans le temps.

Vous avez travaillé notamment auprès de Geoffroy Lequatre après sa grave blessure, Stéphane Augé, les Cofidis, quel est le profil du cycliste ?
Je ne m’arrêterai pas à faire un profil du cycliste. Ce serait condamner toute femme ou homme ne rentrant pas dans ce profil à penser qu’il ou elle n’est pas fait pour. Cependant je peux dire que le cyclisme fait partie des sports les plus ingrats au niveau de la reconnaissance et des récompenses – je ne parle pas là d’argent – que l’on peut acquérir par rapport à l’investissement qu’il demande. C’est pourquoi il faut avoir la passion chevillée au corps.

Quelle est la différence entre un cycliste qui revient de blessure et celui qui est en manque de résultat ?
Tout le monde parle de perte de confiance mais celui qui revient de blessure doit d’abord répondre à la question suivante : « est ce que je suis prêt à accepter de rechuter ». Tant que le oui ne sort pas il ne pourra revenir au niveau. C’est un sport à risques et malheureusement la blessure fait partie du lot. Il faut évacuer la peur paralysante. Celui qui ne gagne pas doit aussi accepter cette possibilité. Mais la question à laquelle il doit répondre est : « est-ce que je fais mon maximum pour qu’il me soit possible de gagner ». Etre battu par plus fort, c’est la loi du sport, mais « ai-je tout donné ». Si j’ai peur de perdre et que je ne suis pas capable de le supporter alors le mieux est de ne pas m’aligner. Par contre une fois que l’échec est une éventualité admise alors je mets tout en œuvre à mon niveau pour ne pas connaître le goût de la défaite.

Pour un cycliste qui revient de blessure, est-il plus difficile de reconstruire le physique ou le mental ?
Des physiques reconstruits, on en croise, ils sont preuve d’un mental prêt à se faire mal. L’un ne va pas sans l’autre et inversement. Le franchissement des étapes est propre à chacun. Il n’y a pas de règles. La blessure peut être aussi totalement mentale.

Pensez-vous, comme certains managers, que le contre-la-montre par équipes est le reflet de la force collective d’une équipe et de ses composantes ?
La valeur de l’ensemble n’est pas la simple somme des valeurs de chacun. L’adage est bien connu. L’important est de trouver une force de cohésion, un intérêt commun fait d’intérêts persos. Venant du monde du rugby je vous donnerai l’exemple du grand Béziers qui, en son temps, avait au sein de l’équipe des distensions avérées mais tous les joueurs se retrouvaient unis dès qu’ils enfilaient le maillot. L’objectif commun c’est le socle du groupe.

Qu’est ce qui explique, selon vous, que les équipes françaises n’aient pas un sophrologue sur et avant des périodes dures comme les Grands Tours, voire même à l’année ?
Quel que soit le sport, écoutez ou lisez les déclarations des sportifs et des entraîneurs, le nombre de fois où ils incriminent la force mentale en cas de défaite. Que font-ils pour pallier à cela ? Certains dirigeants ou entraîneurs me disent que c’est de l’ordre du privé, cela incombe seulement à l’athlète. Je ne suis pas du même avis. Pour que le travail soit efficace il doit être en lien avec le ressenti de chacun, coureur, entraîneur, encadrants… Par contre si le sportif ne veut pas, ce n’est pas la peine.

Comment sont structurées les équipes étrangères sur cet aspect-là ?
Sincèrement je n’en sais rien. A vous d’aller voir. Mais tous ces sacrifices consentis sur un plan physique, il est dommage ne pas être payé en retour pour un mental non préparé. Accepter d’appuyer sur les pédales quand cela commence à se durcir cela se travaille mentalement et permet de se dépasser.

A l’époque Cofidis, quel était votre lien avec l’équipe ?
J’ai travaillé à titre individuel avec quelques coureurs. Les deux précédents nommés sont venus me voir de leur propre chef et l’on fait savoir. J’en profite pour leur dire merci et aussi pour leur tirer mon chapeau. En effet, ce qui est surprenant, c’est que dans le sport, pour certains, ce travail mental devrait rester sous silence, la peur que l’on puisse penser qu’ils aient une faille mentale peut-être. Alors que chercher à mettre tous les atouts de son côté me semble plus judicieux et fait preuve d’une tête bien posée sur les épaules. Pour revenir à votre question je suis intervenu durant le stage de l’équipe Cofidis en 2011 à la demande du manager Eric Boyer et du docteur de l’équipe. Il a été envisagé un suivi sur le mois précédant le Tour ainsi que deux interventions pour de la récup sur le Tour même, mais c’est resté à l’état de proposition.

Comment étiez-vous perçu ?
Là, il vaut mieux demander aux intéressés. Je suis toujours à la disposition car je reste persuadé que ce travail est indispensable. Je pense même qu’il serait intéressant que cela se dirige sur l’ensemble des membres d’une équipe. En effet sur une épreuve comme un Tour de France tous sont soumis à diverses tensions, du coureur à l’entraîneur, en passant par les kinés et mécanos. Tout ce qui constitue la famille du moment. Car encore une fois si un seul pédale plusieurs l’accompagne. C’est un sport individuel pratiqué au sein d’une équipe.

Propos recueillis le 23 juin 2012.