Il y avait trois ans et le numéro réalisé par Thomas Voeckler dans le Tour 2011 que le maillot jaune ne s’était pas déposé sur les épaules d’un coureur français. Parvenu à s’en emparer hier à Mulhouse, Tony Gallopin (Lotto-Belisol) s’apprête à vivre aujourd’hui un 14 juillet exceptionnel, lui qui est expatrié depuis trois ans. Sur la 101ème édition du Tour de France, il partage avec John Gadret, Jean-Marc Marino et Amaël Moinard la singularité d’être l’unique coureur français au cœur d’un groupe étranger. « Ce n’est pas vraiment un problème, assure le nouveau Maillot Jaune. J’avais déjà vécu cela chez RadioShack et que ce soit au Tour de France ou sur d’autres courses, c’est la même chose. Je n’ai aucun problème d’adaptation. »

« J’étais davantage nerveux en arrivant chez RadioShack en 2012 que chez Lotto-Belisol, admet Tony Gallopin. Il y avait quinze nationalités et mon anglais n’était pas vraiment bon. Maintenant je parle anglais couramment et chez Lotto beaucoup de mecs parlent français. » La barrière de la langue, c’est aussi un obstacle que John Gadret s’est attaché à franchir en débarquant chez Movistar. « J’ai pris des cours d’espagnol durant l’hiver. J’avais vraiment envie de m’intégrer dans cette équipe. Si c’est pour arriver dans un groupe et ne pas comprendre ce qu’on me dit, ce n’est pas la peine. » « Je comprends plus l’italien que je ne le parle, confie quant à lui Jean-Marc Marino, arrivé chez Cannondale en début de saison. Quand ils parlent entre eux, dans leur dialecte, c’est parfois un peu dur. Et si je n’arrive pas à me faire comprendre je parle en anglais. Après, en course, ce sont souvent les mêmes phrases qui reviennent dans l’oreillette, donc je comprends. Et les messages sont souvent passés en anglais. »

Autant que le langage, la culture étrangère nécessite un temps d’adaptation. « Au niveau des repas ça a été difficile au début car les horaires espagnols ne sont pas les mêmes, relève John Gadret. Chez moi avec les enfants je mange à 19h30, avec Movistar manger à 21h30 fait bizarre. Mais je m’y suis mis. Les Espagnols sont adeptes de riz et d’omelette, mais on a de tout à table. »

« Je me suis super bien intégré, se réjouit Jean-Marc Marino. Les coureurs ont été vraiment sympas avec moi. Les entraîneurs m’ont fait un programme adapté en ayant repris l’entraînement plus tard que prévu. On m’a fait confiance. Je suis sur le Tour, c’est qu’on croit en mes capacités. A moi de prouver que je peux travailler pour le groupe pendant trois semaines. » « En arrivant chez BMC je n’ai pas eu l’impression d’être un Français parmi d’autres tant il y a de nationalités dans l’équipe, ajoute Amaël Moinard. Tout le monde s’est intégré en fonction de cela. Il a juste fallu se mettre à l’anglais, participer aux conversations, et tout s’est fait naturellement. »

Le rôle qui est dévolu à ces Français de l’étranger sur le Tour de France diffère guère de ce qu’on attend d’eux sur les autres rendez-vous du calendrier. « Bien sûr, je suis à la maison par rapport aux autres, mais le Tour est une course importante pour tout le monde, note le Maillot Jaune Tony Gallopin. Quelle que soit sa nationalité, il y aura toujours une grosse pression sur cette épreuve. » Même discours pour Amaël Moinard, qui dispute son quatrième Tour de France sous les couleurs de BMC Racing Team : « on ne m’a jamais fait sentir que j’étais un Français dans l’équipe ou un coureur différent des autres sur le Tour. Je reste un coureur BMC sans que l’on fasse cas de ma nationalité. »

De ces quatre coureurs isolés, seul Tony Gallopin fait chambre avec un francophone en la personne de Jürgen Roelandts : « être avec quelqu’un qui parle sa langue, c’est toujours moins fatigant le soir, reconnaît-il. On n’a pas à réfléchir en anglais. »

L’expérience séduit en tout cas ces quatre-là. Amaël Moinard, qui possède la plus longue expérience à l’étranger, s’en veut l’ambassadeur. « Tout dépend de la mentalité de chacun, de ce que l’on recherche dans la vie. Faire du vélo dans une équipe franco-française ou étrangère, ce n’est pas tellement différent. Un jeune qui est motivé par l’étranger, je lui conseillerai d’y aller, c’est une super expérience personnelle. Et socialement, c’est super enrichissant. »