Emmanuel, votre équipe était le chouchou du public l’an dernier. Cela semble moins vrai cette année. Comment l’expliquez-vous ?
Nous avons perdu Eduardo Sepulveda à mi-Tour de France. Il était 38ème au pied des Pyrénées. Il en sort par une mésaventure en étant 18ème alors qu’on avait hâte qu’il en découse dans les Alpes. Ça ne s’est pas passé. Avoir son leader, c’est un fil conducteur pour le classement général. C’est un fil pour beaucoup de coureurs dans une équipe pour le protéger et le positionner. Obligatoirement, sans son leader c’est compliqué. Ça a freiné l’équipe et sa façon de faire.

Comment avez-vous géré cet événement malheureux ?
Il a eu un bris de chaîne et s’est arrêté tout de suite. Je m’arrête 100 mètres plus loin, donc je ne suis pas à sa hauteur. Ses équipiers se sont arrêtés aussi, mais c’était 200 mètres plus haut, en se disant qu’il était victime d’une crevaison. Ne le voyant pas revenir, ils voulaient redescendre. La voiture est arrivée entre temps. Il y a eu cette histoire avec Vincent Lavenu. Tout s’est passé en moins de 30 secondes.

N’a-t-il pas eu le réflexe de l’oreillette ?
Il l’a eu, mais avec les klaxons et tout le brouhaha, ce n’est pas facile de tout entendre. Il a connu un gros moment de panique. Il s’est dit qu’il devait rejoindre la voiture au plus vite sans se dire que le peloton, à 25 kilomètres de l’arrivée avec le vent de face, ne roulait pas très vite. Cela fait partie de son apprentissage. Il vient d’une culture sud-américaine. Il est aussi nouveau dans le cyclisme. Il avait vraiment à cœur de finir ce Tour. Il en a tiré les enseignements. Jamais il ne refera ce geste, c’est sûr. Il en a appris quelque chose.

Globalement que vous a-t-il manqué ?
Mise à part l’avarie d’Eduardo, il s’est passé ce qu’il s’est passé. Je veux dire par là que nous n’étions pas là pour gagner le Tour de France. Il faut aussi remettre les choses dans le contexte. Nous n’avons pas été chanceux. Brice Feillu n’a pas été à la hauteur du Tour de France que l’on attendait de lui parce que son approche du Tour a été complètement différente de l’année passée. Il a eu un problème au niveau du genou. Trois jours avant le départ, il se fait renverser par une voiture. Sur la quatrième étape, il a une grosse chute avec de gros hématomes au niveau du fessier et de la cuisse.

Tout n’est pas noir dans votre Tour qui comporte quelques satisfactions.
Pierre-Luc Périchon en est une. Il a montré qu’il avait un bon moteur pour les courses par étapes, qu’il récupère bien. En sachant qu’il n’était pas sûr de prendre le départ puisqu’il était malade avec une grosse gastro-entérite. Il a montré qu’il avait de la caisse. Ensuite, il y a Pierrick Fedrigo avec qui on pouvait espérer quelque chose le 14 juillet. Certes nous n’avons pas gagné d’étape. C’est pour cela que l’équipe doit s’inscrire dans l’avenir en grandissant.

En tant qu’équipe invitée, êtes-vous envieux du bilan d’une équipe comme MTN-Qhubeka ?
Bien sûr, ils ont gagné une étape, c’est toujours le but avoué sur un Grand Tour. D’autres équipes invitées n’ont pas fait forcément mieux que nous. Je regarde vers le haut. C’est pourquoi l’équipe doit grandir, qu’elle doit s’inscrire dans le futur. C’est aussi la raison pour laquelle Fortunéo et Vital Concept nous rejoignent. Pour que l’équipe puisse grimper avec des ambitions au niveau international.

Cela passe par une augmentation de budget…
Obligatoirement. Aujourd’hui, on s’aperçoit que sans un certain budget, cela reste compliqué d’être compétitif. Il faut construire de bonnes bases, avoir une bonne formation et faire grandir des coureurs au sein d’une équipe comme la nôtre pour pouvoir s’afficher dans l’avenir.

Votre volonté de vous étendre à l’international passe-t-elle par le recrutement de coureurs étrangers ?
Je suis ouvert à plein de choses. Si on peut rester français, ça ne sera pas plus mal. Ce qui est sûr, c’est qu’il va falloir augmenter le niveau de l’équipe à tout point de vue. En quantité, on passera peut-être à vingt-deux coureurs, mais pas beaucoup plus. Notre idée, c’est d’avoir deux gros fronts tout au long de l’année.

Propos recueillis à Paris le 26 juillet 2015.