Le soleil leur est promis à compter du moment où la course gagnera la vallée du Rhône, demain, pour raser la bien nommée autoroute du soleil jusqu’à la Côte d’Azur. Mais il fallait nourrir beaucoup de détachement sur les routes de l’Allier, de la Loire, de Saône-et-Loire et du Rhône cet après-midi pour se raccrocher à cette pensée. Car au moment où Paris-Nice entreprenait d’explorer les contreforts septentrionaux du Massif central, avec la double ascension du Mont Brouilly (3 km à 7,7 %) pour premier bras de fer entre les favoris, les conditions climatiques déjà passables des derniers jours se sont muées en abondantes chutes de neige.

En s’aventurant dans ces reliefs, même modérés (480 mètres d’altitude pour le Mont Brouilly, 740 pour la côte des Rochettes, point culminant de l’étape), la course au soleil sait toujours à quoi elle s’expose. Et si les conditions au départ ce matin de Cusset (Allier) restaient tolérables en dépit de la pluie froide qui déjà s’abattait sur Paris-Nice, elles ont bientôt rappelé celles qui, à deux reprises seulement dans l’Histoire de la course, avaient forcé les coureurs à capituler. C’était en 1995 entre Clermont-Ferrand et Chalvignac, dans le Cantal. Puis en 2004 entre Roanne et Le Puy-en-Velay, en Haute-Loire.

Sous la pluie et par une température proche du négatif, les coureurs n’avaient pourtant pas renoncé à faire la course. Des seize coureurs qui s’étaient échappés rapidement, il en restait cinq devant au moment où la course allait prendre un peu d’altitude : Thomas De Gendt (Lotto-Fix All), Laurent Didier (Trek-Segafredo), Alexis Gougeard (Ag2r La Mondiale), Jesus Herrada (Movistar Team) et Alexey Lutsenko (Astana). Mais le thermomètre, en chute libre, avait fini par transformer les gouttes en flocons, les flaques d’eau en plaques de verglas, pour habiller de leur plus beau manteau d’hiver les sommets du Beaujolais.

La neige, qui s’agglutinait sur les herbages et bientôt jusque sur la chaussée, élevait considérablement les risques. Il ne devenait plus raisonnable d’insister dans un tel décor inhospitalier pour tout coureur cycliste. Et voilà que le jury des commissaires, déjà saisi hier pour départager le duel musclé Bouhanni-Matthews, était de nouveau sollicité. Après 97 kilomètres difficiles, il choisissait enfin de neutraliser la course, invitant chacun à regagner les voitures pour rejoindre en convoi la commune de Villié-Morgon (km 125), d’où serait envisagé un éventuel nouveau départ. Mais les coureurs frigorifiés ne se voyaient plus repartir et le bon sens allait prédominer. C’est l’annulation de l’étape qui aura finalement été prononcée quelques minutes plus tard par le jury des commissaires et l’organisation de Paris-Nice.

Si les coureurs passés en tête des sprints intermédiaires et sommets comptant pour le classement des grimpeurs préserveront logiquement le bénéfice de leur labeur, aucun temps ne sera donc pris en compte ce soir dans une troisième étape sans vainqueur. A moins que le grand bénéficiaire ne soit encore Michael Matthews (Orica-GreenEdge), puisque l’Australien repartira en jaune demain de Juliénas, sans avoir eu à se frotter dans le Mont Brouilly aux favoris qui n’auront vraisemblablement que la montée sèche de la Madone d’Utelle, samedi dans l’arrière-pays niçois, pour se mesurer. Demain jeudi, les sprinteurs auront la faveur des pronostics sur la route de Romans-sur-Isère (195,5 km). Le soleil est annoncé de retour.

Classement général :

1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) en 9h41’46 »
2. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) à 14 sec.
3. Patrick Bevin (NZL, Cannondale) à 19 sec.
4. Ion Izagirre (ESP, Movistar Team) m.t.
5. Geraint Thomas (GBR, Team Sky) m.t.
6. Lieuwe Westra (PBS, Astana) à 24 sec.
7. Dries Devenyns (BEL, IAM Cycling) à 25 sec.
8. Arnaud Démare (FRA, FDJ) m.t.
9. Rafal Majka (POL, Tinkoff) à 27 sec.
10. Richie Porte (AUS, BMC Racing Team) m.t.